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La Izquierda Diario
10 de juin de 2016 Twitter Faceboock

Quand les médias préfèrent une fois de plus le « buzz » au problème de fond
Cinéma. Derrière les “putes” de Tarantino, la misogynie d’Hollywood

D’un air pudique ou voyeur – et bien souvent les deux – les médias en auront fait leurs choux gras cette semaine. Buzz à l’horizon : un éternel incontesté du cinéma hollywoodien, Quentin Tarantino, aurait utilisé un mot qu’il ne convient pas de prononcer. En effet dans une publication sur les réseaux sociaux, une boîte de casting organisait la recherche d’une des actrices de sa prochaine production : « Recherche putes pour un projet de Quentin Tarantino ». Suivie d’une longue liste de détails physiques recherchés, cette annonce a été retirée depuis, suite à la réaction d’une association féministe américaine. Retirée, pour éviter que le débat ne s’embrase sur la réalité machiste qui sévit à Hollywood ?

Sarah Macna

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Celles dont on ne doit pas prononcer le nom

Pour commencer, il nous faut bien comprendre ce battage médiatique. Car en réalité à en lire la presse, ce qui a choqué n’était pas tant la réouverture potentielle d’un débat sérieux sur la prostitution, mais bien l’emploi d’un terme (whores, en anglais) trouvé bien trop vulgaire. Bon nombre de médias français ont ainsi pudiquement supprimé quelques lettres du mot honteux dans leur titre, qui parlent alors de « pu... » ou de « p... ». A croire que ce mot pourrait agir comme le nom du célèbre sorcier macabre d’Harry Potter. La conclusion de l’article du Figaro témoigne bien de cette pudibonderie vexée : « Nul doute en tous les cas, que de superbes actrices comme Julia Roberts (Pretty Woman), Jodie Foster (Taxi Driver), Jessica Alba (Sin City) ou encore Catherine Deneuve (Belle de jour), qui se sont littéralement métamorphosées pour les besoins de leur film en « putains », apprécieront le message. » Ces « superbes » actrices avaient sans nul doute besoin du Figaro pour les ramener à leur « dignité » après l’usage d’un tel mot...

Loin de ces simagrées pudiques, l’association féministe américaine, Women and Hollywod, qui a réagi et déclenché le tollé contre la publication de cette boîte de casting affirmait dans un communiqué que ce terme, utilisé de cette manière pour l’embauche, ne pouvait en effet être acceptable. « Lancer un casting pour inclure dans son scénario la description de « putes » n’est pas acceptable. Il ne l’est pas non plus de demander [comme cela était fait dans la publication de la boîte de casting, NDLT] à ce que les photos et informations envoyées pour cela le soient sous l’objet « Pute ».Au-delà du fait qu’il existe de bien meilleurs mots pour rechercher une femme qui travaille dans l’industrie du sexe, cette description est en réalité un exemple typique du sexisme de Hollywood, en particulier lorsqu’on se rapporte aux rôles donnés aux femmes ».

Ainsi comme on le voit, le problème n’est donc pas l’utilisation de ce terme – quoique l’association s’y arrête sans doute trop, le définissant comme « dégradant » en lui-même. On peut noter d’ailleurs qu’en France, le terme de « pute » a parfois été employé par les femmes elles-mêmes en situation de prostitution, dans le but de retourner le stigmate, d’affirmer la réalité de leur situation et ainsi de revendiquer leurs droits (à la santé, à la contraception, etc...). Ce terme n’est pas, en soi, honteux, de même qu’il n’est pas honteux d’exercer ou d’avoir exercé la prostitution. Ce qui l’est, en revanche, c’est la situation plus générale dans laquelle sont placées les femmes dans cette société, parfois contraintes d’exercer la prostitution, et le reste du temps contraintes de convenir aux normes et aux rôles imposés par le patriarcat.

Femmes objets

Dans le cas de cette publication de casting, le rôle donné aux femmes est assez éloquent lorsque l’on poursuit la lecture de ce qui y est recherché : « Femmes caucasiennes entre 18 et 35 ans. Pour le tournage d’un western à Los Angeles entre le 21 et 25 juin. Cheveux non teints, sourcils naturels, poitrines naturelles, tailles du 32 au 38. Envoyez par mail une photo avec vos mensurations et précisez "Pute" en objet ». Cette description ne correspond que trop bien à ce qui est attendu par les normes du marché d’Hollywood, normes et attentes révélées avec brio dans la vidéo récente d’un collectif d’actrices « Casting call ».

« Elle aime être une femme, et donc porter un soutien-gorge push-up » ; « la principale actrice d’un film sur le féminisme doit être modérément attirante » ; « son décolleté est son plus grand avantage » ; « le rôle principal masculin devra avoir entre 30 et 55 ans, le rôle principal féminin devra avoir entre 20 et 35 ans »... Ce sont autant d’exemples donnés dans la vidéo, et plus encore sur le site dédié qui témoignent des rôles donnés « naturellement » aux femmes sur nos écrans de cinéma. Autant d’exemples du regard porté sur le corps et les rôles des femmes, jamais sujets, toujours objets, de la « vraie femme » à la « pute ».

 
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