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La Izquierda Diario
27 de octobre de 2016 Twitter Faceboock

11 ans après, l’impunité policière reste la règle
Zyed et Bouna, tués par la police le 27 octobre 2005 : ni oubli, ni pardon !
Flora Carpentier
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Flora Carpentier

Ce 27 octobre est un triste anniversaire, 11 ans après la mort des deux adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, dans une course-poursuite avec la brigade anti-criminalité (BAC) à Clichy-sous-Bois. Un homicide policier qui révolte d’autant plus que depuis 11 ans, c’est l’impunité qui règne à l’encontre des responsables, et ce malgré le combat sans relâche des proches de Zyed et Bouna et de leurs soutiens. Avec la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Rennes le 18 mai 2005, confirmée en appel le 24 juin dernier, la justice a montré une nouvelle fois de quel côté elle se situait.

La satisfaction par le gouvernement d’une partie des revendications des policiers qui manifestent ces derniers jours, pour certains armés et cagoulés, pour réclamer plus de moyens pour réprimer, nous rappelle que les violences policières ne sont pas près de cesser. En témoigne le meurtre d’Adama Traoré cet été, dont les proches se mobilisent courageusement pour que cesse l’impunité policière. Au regard de cette actualité, face à « leurs guerres », nous rendons hommage à « nos morts » et ravivons la mémoire de Zyed et Bouna, pour que se renforcent les solidarités, plus que jamais nécessaires, dans la lutte contre la violence d’Etat.

Le 27 octobre 2005, une course-poursuite meurtrière entre la police et 3 adolescents

Le 27 octobre 2005, on est en plein Ramadan. Ce soir-là, pour les jeunes, il est temps de mettre fin à leur match de foot et rentrer chez eux, être ponctuels pour la rupture du jeûne. La faim et la soif se font sentir, et leur famille les attend. Mais ce soir, Zyed et Bouna ne rentreront pas. Alors qu’ils empruntaient un chemin de traverse au milieu d’un chantier, un appel téléphonique les signale au commissariat. Soupçon de vol à l’appui, une voiture de la BAC est immédiatement envoyée sur les lieux. A la vue du bolide, les trois adolescents sont pris de panique. Car ils connaissent la violence des contrôles de police dans les quartiers, et savent pertinemment qu’on ne sait jamais comment ça peut finir. Alors ils se mettent à courir. « Si les ‘civils’ m’attrapent, mon père il m’envoie au bled, en Tunisie », lâche Zyed.

En l’espace de quelques minutes, cinq voitures de la BAC ont été envoyées à leur poursuite, en plus de la dizaine d’agents à pied, le tout pour coincer trois jeunes qui n’ont absolument rien fait. L’un des deux policiers inculpés par la suite, Sébastien Gaillemin, les a repérés :« Ils sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF. Il faudrait cerner le coin ». Au central radio, la deuxième inculpée, Stéphanie Klein, lui demande de répéter.« Oui, je pense qu’ils sont en train de s’introduire sur le site EDF. Donc il faudrait ramener du monde, qu’on puisse cerner un peu le quartier quoi. Ils vont bien ressortir ». Puis il ajoute cette phrase cynique qui vaudra l’accusation de non assistance à personne en danger : « En même temps, s’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau ». Mais personne, ni au commissariat ni parmi les policiers dépêchés sur le terrain, ne s’inquiète de la vie des jeunes en fuite. A ce stade, les trois adolescents n’ont plus qu’une obsession, que la course-poursuite se termine, échapper coûte que coûte aux policiers en furie. A tel point qu’ils ne perçoivent plus les autres dangers, et décident de se réfugier dans un transformateur EDF. Entre temps, vingt minutes se sont écoulées, et les baqueux ont quitté les lieux. Un arc électrique se forme entre les trois jeunes, propulsés hors de terre par une décharge de 20.000 volts. Toute la ville de Clichy-sous-Bois est plongée dans le noir. Les corps de Zyed et Bouna retombent, inertes. Muhittin, brûlé à 2000 degrés, les vêtements collés à la peau, trouve la force de retourner à la cité du Chêne Pointu, chercher des secours. Les grands frères de la cité accourent. Ce sont eux qui appellent les pompiers. Les minutes passent, semblent des heures, mais il est déjà trop tard, Zyed et Bouna ne pourront être sauvés.

Les visages se remplissent de larmes. Dans le quartier, la nouvelle tragique se répand comme une trainée de poudre, un choc qui dès le lendemain embrasera le Chêne Pointu et les cités alentours, avant que la colère ne se propage dans les banlieues de nombreuses villes de France.

Pendant 3 semaines, la colère gronde dans les quartiers populaires

Après la mort de Zyed et Bouna dans ces circonstances dramatiques, on assistait à la « révolte des banlieues », dans plus de 300 villes françaises. Trois semaines pendant lesquelles la jeunesse la plus opprimée du pays n’avait pas seulement brûlé des voitures et des établissements publics, mais s’était aussi affrontée directement aux forces de répression déployées en puissance pour écraser le mouvement, alors que le gouvernement Villepin avait déclaré l’état d’urgence comme pendant la sale guerre d’Algérie.

Zyed Benna et Bouna Traoré, tout juste âgés de 17 et 15 ans, fils d’éboueurs de la Ville de Paris, l’un arabe, l’autre noir, n’étaient qu’un exemple parmi tant de milliers d’autres, de cette jeunesse issue de l’immigration travailleuse qui subit au quotidien le chômage et la précarité, les mauvaises conditions de logement et d’éducation, le racisme et la stigmatisation, les contrôles au faciès et la violence policière, l’exclusion et l’absence de perspectives. Ce sont ces milliers de jeunes qui, s’identifiant à la mort tragique de Zyed et Bouna, ont laissé exploser leur colère en 2005, et continuent à réclamer que justice soit faite, à l’instar de leurs frères et sœurs de classe qui, à Ferguson, Baltimore ou Ayotzinapa, se battent contre la même violence d’Etat - systémique - qui assassine aux quatre coins de la planète.

11 ans d’impunité pour les policiers assassins

Tout le procédé judiciaire qui a permis que des policiers meurtriers restent impunis est un véritable scandale, à commencer par l’engourdissement de la justice pendant une décennie malgré la lutte acharnée des familles de victimes, mais aussi pour le chef d’inculpation dérisoire et individualisé de « non assistance à personne en danger », et qui malgré cela a abouti à une relaxe pure et simple des inculpés.

Onze ans après les faits, après l’assassinat d’Adama Traoré cet été, dans des circonstances qui rappellent tristement celui de Zyed et Bouna, l’impunité dont jouissent les policiers ne fait que confirmer que la situation ne s’est arrangée ni dans les quartiers, ni du côté de la justice qui reste au service d’un Etat répressif et violent. Car les « bavures policières » n’en sont pas. Bien au contraire, la mort de jeunes des quartiers et de manifestants aux mains des forces répressives ne sont que le produit d’une violence d’Etat au service d’une démocratie qui ne nous représente pas. Seul un mouvement d’ampleur, qui rassemble la jeunesse opprimée des quartiers, les étudiants et les travailleurs organisés pourra permettre de renverser ce système dont la violence extrême n’a que faire des millions de vies qu’il opprime et exploite au quotidien.

 
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