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La Izquierda Diario
27 de novembre de 2016 Twitter Faceboock

Pourquoi Cuba fait encore parler ?
Mes amis Facebook et Fidel
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Pierre Reip

Je fais partie d’une génération qui n’a connu le mur de Berlin qu’au berceau et avait encore des barreaux au lit quand il est tombé. Nous avons d’abord connu le Che par son portrait version Korda, comme produit marketing au supermarché, avant de savoir qu’il fut un militant révolutionnaire. Castro, nous l’avons connu d’abord par la controverse, par ses détracteurs, avant de connaître son histoire. Pourtant, j’ai été plutôt agréablement surpris de lire une foule de statuts en l’honneur du dirigente cubano sur facebook.

La plupart de mes amis-facebook sont, comme moi, des enfants de l’« ère post-communiste ». Nous n’avons pas vécu, comme nos grands parents, à l’époque où Castro était un militant nationaliste cubain aux idées jeffersoniennes et un ferme opposant au dictateur Batista. Nous ne l’avons pas connu, comme nos aïeux de la génération 68, guérillero dans la Sierra Maestra, puis leader charismatique d’un Cuba passé dans le « camp communiste ».

Les hommages n’en sont pas moins multiples et formulés avec la plus grande variété de points de vue. C’est comme si la plupart de mes amis facebook, via leur engagement politique, leur fréquentation des tribunes populaires des stades, leurs origines stéphanoises ou leur militantisme syndical avaient quelque chose qui les rattachait à Fidel et à Cuba.

Tandis que beaucoup optaient pour un cordial message d’adieu, certains ont d’emblée choisi de porter une nécrologie exagérément sectaire, comme pour susciter la polémique, face à d’autres encore qui versaient peut-être un peu dans l’héroïsation, forcément toujours acritique. Les plus sages et les plus orthodoxes essayaient la synthèse, se moquant des cris de joies des « Cubains de Miami », rappelant leurs désaccords avec Castro et les limites du régime, pour porter la perspective de la défense de l’héritage de la révolution cubaine.

Pour sûr, il y a toujours un risque avec le culte des leaders qui est le ressort de la plus mauvaise propagande. Fidel et son parcours n’étaient-il pas avant tout, les produits d’une époque ? N’était-il pas au début des années 1950 plus leader nationaliste et tiers-mondiste que foncièrement communiste ? Ses rapprochements avec le PC cubain puis, plus tard avec l’URSS, n’ont-ils pas été en premier lieu des choix pragmatiques ?

Mais est-ce simplement à l’homme que l’on rend hommage ?

Le Fidel révolutionnaire a certes un côté chevaleresque, largement entretenu par toute une hagiographie et un charisme, qui peuvent susciter à eux seuls l’admiration. Mais avec ces messages pour Castro, c’est aussi à toute une époque que l’on rend hommage, et à toutes celles et ceux qui l’on faite, le fusil en bandoulière dans la forêt, ou les tracts à la main aux portes des usines.

Si Cuba parle encore, c’est peut-être aussi parce que la révolution cubaine ne laisse pas indifférent. Qu’une petite île dévastée par les Espagnols avant de l’être à nouveau par les Yankees, parvienne à tenir tête à la première puissance mondiale à une poignée de miles nautiques de ses côtes, cela semble encore aujourd’hui improbable, et plus relever du récit biblique de David et Goliath que de la Realpolitik de la guerre froide. C’est ce « miracle cubain » qui a fait que Fidel est le dernier dirigent d’une révolution du XXe siècle à s’éteindre, et l’un des rares, sinon le seul à mourir dans son lit, n’en déplaise à la CIA. C’est un peu tout cela qui s’exprime par bribes, citations ou aphorismes.

La veille du second tour des primaires de la droite, dans une période où les discours et les programmes les plus réactionnaires dominent les esprits d’une façon assez angoissante, de voir que tant d’amis, avec lesquels je n’ai plus parlé depuis longtemps -ou que je n’aurais jamais soupçonné de sympathie pour le communisme- rendent hommage à Castro m’a quelque peu rassuré. J’ai été rassuré sur le fait que l’idée de révolution, parce que c’est surtout cela qui s’exprime derrière Fidel - beaucoup plus qu’une adhésion à son action politique à la tête de Cuba- que cette idée de révolution, est encore bien vivante et que l’on aurait tort de se croire seuls.

 
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