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23 de décembre de 2016 Twitter Faceboock

Mouvement Antideutsch (anti-allemand) : de gauche en Allemagne, de droite en Israël ?
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Un mouvement né de la réunification de l’Allemagne


Le mouvement « antideutsch », anti-allemand, est apparu dans les années 90, suite à la réunification de l’Allemagne. C’est l’époque des Blacks Blocks, qui scandent « Nie wieder Deutschland ! » (Plus jamais d’Allemagne), contre la réunification de l’Allemagne. Les premiers groupes anti-allemands, autonomes et antifascistes, se réunissent lors de la manifestation de Francfort le 12 mai 1990. Pour eux, la refonte de l’Etat Allemand risque de donner naissance à un quatrième Reich. Selon l’une des principales figures du mouvement, Joachim Bruhn, il faut profiter de l’effondrement du capitalisme d’Etat et de la RDA pour détruire le peuple qui a permis l’émergence du national-socialisme et des crimes du nazisme, et soutenir les Juifs à travers le sionisme. Une Allemagne réunifiée risquerait selon eux d’avoir une hégémonie politique sur l’Europe, ce qui susciterait ensuite des dérives, comme celle d’un nouveau Reich. Détruire l’Allemagne permettrait de mettre fin au Sonderweg, l’idée selon laquelle l’Allemagne aurait pris une autre direction par rapport à ses voisins européens, qui a permis l’émergence du nazisme. Au XXème siècle, elle aurait ainsi fait l’objet d’un retard politique, étant capable de se moderniser sans se démocratiser.

Les Antideutsche révèlent de nombreuses contradictions, se positionnant contre l’Etat Allemand par un anti-nationalisme virulent d’une part, affichant un soutien sans failles à l’Etat sioniste d’autre part. De gauche en Allemagne, de droite en Israël. Et par conséquent contre l’extrême-gauche israélienne.

Un soutien inconditionnel à Israël…

Face à l’Allemagne, il s’agirait de défendre le « peuple juif » à travers le sionisme et la défense de la politique d’Israël. Ainsi, les anti-allemands soutiennent de façon systématique l’Etat d’Israël et se positionnent comme pro-américains, amorçant une critique de l’anti-impérialisme. Avant 1967, on pouvait en effet observer une large fascination dans la gauche allemande pour le nouvel Etat Israélien, qui apparaissait comme un refuge pour les survivants du génocide nazi. Deux camps sur Israël ont donc émergé au début des années 90, avec la réunification de l’Allemagne : les anti-impérialistes et les « antideutsch ». Pour ces derniers, l’anti-impérialisme est une nouvelle forme d’antisémitisme. Cette idéologie est à mettre en lien avec le concept de Schuldfrage, (question de la culpabilité) selon lequel chaque allemand appartiendrait au « peuple coupable ». Israël serait « la forme organisée de la violence émancipatrice révolutionnaire du peuple juif », un refuge pour les juifs victimes de l’Holocauste. La colonisation représente pour eux une forme d’émancipation face aux nouveaux antisémites que seraient les Arabes et les immigrés musulmans en général. Israël serait une réponse d’auto-défense révolutionnaire des Juifs contre le fascisme. En outre, la violence de l’Etat d’Israël serait justifiable en tant que compensation de la violence du génocide juif.

Cette position clairement islamophobe se révélera au grand jour après les attentats du 11 septembre 2001 : les Antideustche mettent désormais l’accent sur l’islamisme comme ennemi principal de la gauche progressiste. Ils ne se concentrent non plus sur la lutte contre l’Etat allemand, mais sur la « sécurité d’Israël » face à la menace d’un fascisme-islamique. Ils assument leur islamophobie au grand jour, organisant par exemple des conférences dans lesquelles ils interrogent le « mythe sur l’islamophobie ». Leur lutte contre le terrorisme prend la forme d’un soutien à l’impérialisme américain. Durant la guerre contre l’Irak, ils iront jusqu’à qualifier George Bush « d’homme de paix ».

Ce positionnement sur la guerre en Irak se place dans la continuité de la logique selon laquelle les Arabes seraient les nouveaux antisémites, sur lesquels on déplace la question de la Schulfrage. Les Antideutsch tirent ainsi un parallèle entre la dictature nazie et celle de Saddam Hussein. Il faudrait selon l’écrivain Enzenberger différencier les « bonnes » et les « mauvaises dictatures » dans la manière d’accéder au pouvoir. Dans les bonnes, le peuple est une victime et n’est pas responsable de l’arrivée au pouvoir du dictateur. Dans les mauvaises, comme celle du nazisme, il est tout autant coupable de la dictature : « Ce qui fascinait les Allemands n’était pas seulement leur droit à tuer, mais également l’opportunité d’être tués eux-même ». Pour Enzenberger, le problème résiderait dans une « anomalie anthropologique » des Allemands et des Arabes. En ce sens, la lutte contre l’islamophobie apparait pour les antideutsch comme une nouvelle forme d’antisémitisme. Dans les faits, cela se traduit même par des agressions physiques aux militants anti-impérialistes.

… alors qu’Israël coopère avec l’Allemagne


L’Allemagne maintient aujourd’hui un lien historique fort avec l’Etat hébreu. En 1952, les deux pays signent un accord à Cologne : l’Allemagne versera 2,5 milliards de dollars à Israël en compensation au génocide juif. Elle l’aide par la suite à financer l’armement atomique, dans une logique de sécurité, toujours liée au génocide des Juifs. En 2005, Angela Merkel déclare que « La sécurité d’Israël relève pour l’Allemagne de la raison d’Etat ». D’ici 2017, elle lui aura livré six sous-marins. Israël est aussi le premier partenaire commercial de l’Allemagne, sans compter les nombreux programmes d’échange entre Allemands et Israëliens, ou les villes jumelées.

Autre exemple plus récent de coopération entre les deux Etats, la fondation Heinrich-Böll, associée au parti des Verts, a récemment organisé une conférence « Combattre le terrorisme - L’Allemagne doit-elle tirer des leçons d’Israël ? » Il s’agirait de prendre Israël comme modèle dans la prévention du terrorisme, l’armée israélienne étant particulièrement compétente dans ce domaine, puisqu’elle est constamment sous la menace d’attentats. Or, cette coopération dans le domaine de la sécurité ne serait pas une nouveauté, puisque les pilotes de l’armée allemande et la police allemande sont déjà formés avec l’aide d’Israël depuis plusieurs années.

Une influence marquée dans le paysage politique


Si les militants se réclamant du mouvement antideutsch semblent moins nombreux qu’il y a vingt ans, leur idéologie demeure actuellement très présente dans le milieu antifasciste allemand, et presque hégémonique en Allemagne au sein de la gauche, qui a presque rompu avec sa tradition anti-impérialiste.

L’idéologie Antideutsch est présente chez certains groupes autonomes, tels Autonome Antifa Neukölln, ou Théorie, Kritik und Aktion. Sous couvert d’un radicalisme supposé, ces groupes ne se démarquent pas de la politique réactionnaire et colonialiste de l’Etat d’Israël, et le soutiennent, au même titre que tous les partis institutionnels en Allemagne, du FDP, Parti démocrate libéral, à la gauche des Linke.

Il apparait aujourd’hui difficile en Allemagne de critiquer ouvertement Israël. Considérer Israël comme un Etat colonialiste apparait même souvent comme de la diffamation qui alimenterait l’antisémitisme. Pourtant, la critique d’Israël par les Juifs n’est pas davantage acceptée, et il arrive que des Juifs antisionistes eux-même soient taxés d’antisémitisme…

Seuls les exploités peuvent apporter une réponse à l’antisémitisme


lsraël n’est pas un Etat de droit. Des millions de Palestiniens n’ont pas le droit de vote et ne sont pas considérés comme des citoyens. Quant aux Israéliens, ils doivent passer un service militaire de trois ans et sont soumis aux politiques sécuritaires de l’Etat. Si Israël doit protéger les Juifs contre l’antisémitisme, cela ne vaut dans les faits que pour la bourgeoisie.

Que l’anti-sionisme aille de pair avec l’antisémitisme est pourtant une réalité. En réponse à ça, l’une des solutions est de se mettre en relation avec les militants d’extrême-gauche d’Israël et de Palestine qui se battent contre la guerre, l’exploitation et l’oppression et de défendre leur droit à l’autodétermination. Il faut donc combattre l’Etat d’Israël, au même titre que celui de l’Allemagne, les deux étant des sociétés de classes. C’est avec les exploités qu’il faut se solidariser, non les gouvernements. Pour le démantèlement de l’Etat d’Israël et la libération des zones occupées. Pour une Palestine socialiste, où toutes les religions cohabitent.

Sources : Revue Période (travail de Selim Nadi, doctorant au Centre d’Histoire de Sciences Po Lyon), Klasse Gegen Klasse

 
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