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La Izquierda Diario
26 de décembre de 2016 Twitter Faceboock

Présidentielles 2017, objectif 500
Carnet de campagne #3. Zone de tir : l’Aisne

D’abord, constituez une équipe de deux, avec au moins un conducteur, et une voiture. Faites-vous assigner à une zone à couvrir. Préparez votre parcours, repérez toutes les étapes à effectuer. Imprimez tous les documents nécessaires à déposer à chaque arrêt. Assurez-vous que votre GPS est optimal et blindez vos batteries, pour ne pas vous perdre dans les horizons infinis des mers vertes de campagne. Prenez en note tous les conseils des joueurs plus expérimentés que vous pour mettre toutes les chances de votre côté. Car de la chance, il va en falloir. Ça semble même être étonnamment le principal allié sur lequel il vous faudra compter. Car tout ceci ressemble bien plus à une chasse au trésor aléatoire qu’à ce que ça n’est vraiment : le processus officiel pour gagner sa candidature aux Présidentielles françaises. 500 signatures de maires, qui ne connaissent rien de vous, dont vous ne connaissez rien, mais qu’il vous faudra convaincre en one-shot. La situation serait comique, si elle n’était pas censée être « démocratique ».

Mar Martin

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Chef-lieu : Château-Thierry. Spot : tous les villages alentours.

Vous cherchez la Mairie ? Suivez le clocher. Vous cherchez le maire ? Demandez à n’importe quel habitant, il vous indiquera son adresse. Ici, tout le monde se connait, la rue de l’Eglise croise presque toujours la rue de la Mairie, et la méfiance entre voisins n’a pas sa réalité citadine. Incarnation directe : des maires qui se sentent bien moins « représentants de l’Etat » que gestionnaires de leur village, coordinateurs de terrain en lien direct avec leurs habitants. Et des politiques de terrain, il en faut quand les lois étatiques comme celle récente du réaménagement territorial viennent agrandir la distance entre le pouvoir décisionnel et le terrain qui subira les conséquences. Les nouveaux regroupements communaux amènent ainsi la suppression de classes sinon d’écoles toute entière de villages jugés insuffisamment peuplés. Ou c’est ce maire, que nous ne trouvons ni à la Mairie, ni chez lui, car il tourne dans son village pour apporter lui-même le courrier aux personnes âgées. Entre deux communes, c’est cette lettre du maire que nous lisons et qui fait le bilan de son année d’élu, dont les principales mesures ont été l’amélioration du réseau d’électricité, les travaux pour la création d’un bas-côté sur la route, et la rénovation de l’église.

De l’apolitisme…

« Je ne fais pas de politique » nous répondent-ils dans la plupart des cas. Et si cette réponse tient en dernière instance à laisser les grands partis, qui ont leurs 500 signatures en claquant des doigts sans même faire le déplacement, être les seuls à pouvoir se présenter, en se défiant de la responsabilité que leur donne la loi, il faut bien avouer qu’elle n’est pas incompréhensible. Comment se préoccuper des réformes de l’Education nationale quand la première bataille est déjà celle d’avoir une école ? Des lois de surveillance quand le problème est bien plutôt celui d’être totalement isolé ? Des restructurations et privatisations des services publics quand le village n’est dans tous les cas pas desservi ? La loi Santé ? déjà faudrait-il avoir des médecins. Des élus de terrain voués en somme à gérer l’austérité.

Des élus de terrain qui refusent de se mêler des affaires des Très-Hauts qui ne s’occupent pas d’eux. Leur préférant de loin la gestion de leur agglomération - si tant est que cela soit réellement séparé. Il n’est alors pas surprenant non-plus d’entendre se répéter les « Je veux rester neutre ». Elus par et pour leurs habitants sur des listes « apolitiques », dans un regroupement d’habitations limité, le rendu public des signatures met une pression forte sur ces petits maires. Et l’on a beau argumenter sur le sens démocratique et non-pas politique du parrainage, ils sont nombreux à ne pas vouloir prendre parti. Certains nous racontent l’avoir fait à une élection présidentielle précédente, et se l’être vu reproché par leurs habitants.

… à l’attrait frontiste…

En même temps, il n’est pas rare que lorsque l’obstacle n’est pas apolitique, il soit frontiste. « Ici vous savez, ça vote à 80 % Marine » dit-il avec un léger sourire. Et pour cause : la combinaison entre abandon des campagnes par l’Etat, et matraquage médiatique sur l’ « insécurité » crée un boulevard pour les « anti-systèmes » racistes du FN. L’on touche là le cœur de la responsabilité des gouvernants dans la montée des idées réactionnaires : d’un côté, la stigmatisation des campagnes, leur isolement par les politiques publiques, leurs pertes face aux géants de l’exploitation agricole ; de l’autre, la construction d’un ennemi fantasmé, qui tranche dans son absence des communes visitées, vertes dans leur flore, blanches dans leurs habitants.

… en passant par quelques exceptions

Mais c’est peut-être par polarisation que nous rencontrons des exceptions notables. Il y a ce maire, ancien de l’Education nationale, qui prend plus que le temps de discuter. Il raconte les politiques mises en place pour aider les jeunes à trouver du boulot, les voitures et mobylettes mises à disposition pour leur offrir un moyen de transport. Et surtout, il parle de sa récente bataille pour accueillir 21 puis 42 migrants aux abords de sa commune. Une poignée face au nombre de migrants que la France rejette, mais un très grand geste dans le contexte actuel. Il a fait face à des rassemblements d’habitants pour protester, 300 personnes se tenant devant lui, certains demandant si « leur fille pourra toujours se balader seule dans les rues » et autre préjugé médiatisé. Il dit comment il est clair que les politiciens sont en passe avec « la finance », mais qu’il penche nettement plus de « notre côté que de l’autre ». Nous félicite de notre engagement et de notre jeunesse. Il n’était pas le seul à noter et remercier du déplacement, de l’importance accordée au fait de venir les voir en personne.

Si cette chasse aux maires est sûrement absurde, elle est loin d’être sans intérêt pour autant. Car quel point commun existe-t-il entre une Anne Hidalgo, maire de Paris, et Monsieur ou Madame X, maire d’un village de 130 habitants ? Aucun. Des réalités et des préoccupations bien différentes. L’une travaillant à l’assise de l’un des piliers - presque déchu - de la Vème République qu’est le PS, l’autre se démenant pour la vie de sa localité, en dernière instance un rouage et un relai des politiques globales. Et entre Monsieur X et les révolutionnaires de passage pour un jour ? Le même mur anti-démocratique, qui demande au premier de parrainer un candidat dont il découvre parfois l’existence sur le tas, pour une élection dont il se désintéresse, en risquant le porte-à-faux avec ses habitants ; et aux seconds d’écumer les campagnes en croisant les doigts d’abord pour effectivement trouver le maire, ensuite pour le convaincre d’apporter son soutien « démocratique ». Le même mur qu’ils ont pourtant tout intérêt à détruire ensemble, à la pelle, au marteau ou à la faucille.

 
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