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La Izquierda Diario
30 de janvier de 2017 Twitter Faceboock

Quel avenir pour le féminisme libéral à l’ère de Trump ?
Celeste Murillo

Les mesures prises par la nouvelle administration Trump contre le droit à l’avortement et les nouvelles attaques prévues posent sérieusement la question de savoir comment défendre les droits des femmes à l’ère de Trump.

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L’une des premières mesures signées par Donald Trump au lendemain de son investiture interdit l’allocation de l’argent du gouvernement fédéral aux organisations non gouvernementales qui promeuvent l’accès à l’avortement ou le pratiquent à l’étranger. Depuis elle est sévèrement critiquée aux États-Unis comme ailleurs.

Le gouvernement hollandais a même proposé de créer un fonds international pour financer le droit à l’avortement et à l’éducation sexuelle dans les pays dits en voie de développement. Un traitement palliatif qui ne résoudra pas le problème de fond : les acquis sociaux peuvent être repris du jour au lendemain si nous ne restons pas constamment mobilisées à grande échelle pour les défendre et pour en garantir le plein exercice à toutes.

Les droits des femmes aux États-Unis sont en péril. Parce que l’administration Trump a déjà ordonné l’arrêt du financement des organisations soutenant le droit des femmes à disposer elles-mêmes de leurs corps ; parce que le vice-président Mike Pence était à la tête de la marche anti-avortement du 27 janvier ; parce que la majorité républicaine à la Chambre des représentants a voté pour couper les vivres aux organisations comme le Planning familial qui défendent l’avortement dans leurs pratiques de santé reproductive. Mais le risque est encore plus profond.

Les droits des femmes sont aussi en danger parce que les démocrates, qui ont gouverné le pays pendant huit ans avec un président autoproclamé féministe comme Obama, n’ont rien fait pour freiner l’offensive de la droite dans divers États qui ont voté des lois restreignant le plus possible l’exercice du droit à l’avortement, surtout au détriment des travailleuses pauvres, noires et latinas qui dépendent en grande partie des programmes de santé publics.

Trump s’est par ailleurs engagé à nommer des juges anti-avortement à la Cour suprême. Cela préparerait le terrain pour porter un coup fatal contre le jugement de Roe v. Wade qui a garanti le droit des femmes à disposer de leurs corps. C’est le dernier obstacle que devraient surmonter les secteurs les plus extrêmes de la droite chrétienne afin de remporter ce que Ronald Reagan a appelé la « guerre des cent ans » contre l’avortement. Le Parti démocrate et le mouvement féministe sont en grande partie responsables de cette situation.

Le piège néolibéral

La situation actuelle est le résultat de la stratégie de pression parlementaire et de compromis de la majorité du mouvement féministe aux États-Unis qui a troqué la lutte dans la rue contre des postes gouvernementaux et la critique de la société patriarcale contre les « agendas inclusifs ». Ainsi, l’inclusion des femmes, des personnes LGBTQ et des minorités ethniques s’est transformée en couverture d’une démocratie qui refuse les plus basiques des droits à la majorité de la population pauvre et de la classe ouvrière où, contradictoirement, les femmes, les personnes LGBTQ, les personnes racisées sont surreprésentées.

Le piège mortel de l’inclusion a permis à Georges W. Bush de mobiliser la défense des droits des femmes pour obtenir un plus grand appui à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Le féminisme a servi de justification pour bien d’autres causes et s’est progressivement enlisé dans une « liaison dangereuse » avec la démocratie capitaliste, comme l’a affirmé Nancy Frasser en 2013 quand elle a affirmait qu’un « certain féminisme s’est transformé en femme de ménage du capitalisme ».

Le fossé entre les causes du « féminisme néolibéral » et les conditions de vie de la majorité des femmes est apparu au grand jour avec le déclenchement de la crise capitaliste en 2007. À ce moment-là, « l’argument que les femmes, les minorités ethniques et les personnes LGBT devaient occuper des « positions hiérarchiques » avait déjà été accaparé par la droite ». Bien que l’arrivée au pouvoir d’Obama semblât marquer un changement, la nomination des femmes à des fonctions de haut rang avait déjà commencé à mettre en question les bénéfices de « l’égalité » sans remettre en cause la démocratie impérialiste.

La défaite de Hillary Clinton à l’élection présidentielle en novembre a sans doute consacré l’échec de ce « féminisme progressiste ». Sa présentation comme la candidate « naturelle » du féminisme n’a fait que révéler son échec aux yeux de tous. La majorité des femmes était loin de se sentir comme appartenant à cette épopée à part entière. Les compromis de ce féminisme, qui accepte l’individualisme et la méritocratie, tous deux déguisés en « libre élection » et le rejet de Clinton ont poussé une grande partie des femmes blanches dans les bras du « féminisme entrepreneur » (et conservateur) d’Ivanka Trump, minimisant ainsi le profil misogyne de son père.

Et maintenant ?

L’arrivée au pouvoir de Trump signifie sans aucun doute une restriction graduelle des droits des femmes dans les années à venir. Mais, loin du scepticisme des « progressistes » et des partisans démocrates, l’une des premières réponses à ce risque a été l’organisation d’une marche massive des femmes dans les principales villes du pays, avec de nombreux défis et limites. Des millions de femmes se sont mobilisées à travers le monde et au centre même du capitalisme impérialiste.

Dans divers pays comme l’Argentine ou la Pologne, les femmes sont sorties spontanément dans les rues et répondent aux gestes les plus brutaux du capitalisme, à la violence patriarcale et aux attaques conservatrices contre les droits reproductifs. La mobilisation pour l’égalité salariale renaît aussi, même dans des « paradis égalitaires » comme l’Islande où le capitalisme maintient des inégalités de genre.

Dans beaucoup de pays, la mobilisation des femmes est à la fois une manière d’exprimer un mécontentement plus grand, de résister aux attaques généralisées des patrons et de leurs gouvernements contre les conditions de vie des classes populaires où les femmes constituent la majorité. La même réalité qui démontre l’échec du « féminisme néolibéral » rend toujours plus évidents les liens existant entre la lutte contre l’oppression patriarcale et la lutte contre le capitalisme. C’est pourquoi les causes qui apparaissent au début comme « féminines » mobilisent et bénéficient de la sympathie d’une grande partie de la population qui souffre de la misère capitaliste.

Cette année, inaugurée par l’ouragan Trump, coïncide avec le centenaire de la révolution qui a fait de l’émancipation des femmes une priorité urgente, qui a garanti aux femmes leurs libertés élémentaires, certaines mêmes impensables pour les masses féminines de l’époque, comme le droit de divorce et à l’avortement. En quelques mois, la révolution russe a démontré le potentiel transformateur de la révolution contrairement à la marche lente et conditionnelle des démocraties capitalistes qui ont, depuis, mis dans certains cas cent ans à accorder ces mêmes droits.

Cet anniversaire est l’occasion de récupérer cet héritage féministe pour impulser un mouvement de femmes qui lie sa lutte contre le patriarcat à la lutte contre le capitalisme. Notre lutte pour l’émancipation marche au pas impatient de cette majorité des femmes qui aspire non seulement à se libérer de la soumission et à l’oppression de genre mais aussi à libérer l’humanité de toute forme d’exploitation et d’oppression.

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