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La Izquierda Diario
7 de février de 2017 Twitter Faceboock

Après un week-end de débats…
De quoi « Génération Ingouvernable » est-il le nom ?
Elsa Marcel
Renaud Nitchivo

Ce 28 et 29 janvier se tenait à Paris la première rencontre à l’appel de « Génération Ingouvernable ». Ce sont plusieurs centaines de personnes qui ont débattu sur le week-end de la meilleure manière de perturber les élections présidentielles à venir. Si les participants partageaient le sentiment commun de ne pas se sentir représentés dans ces élections, force est de constater que les réponses à apporter étaient fortes différentes. Mais surtout, difficile de savoir pour l’instant sur quoi cela va-t-il déboucher…

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La volonté de construire un évènement large

 
La première chose à constater, c’est que la participation était au rendez-vous pour cet évènement diffusé par la seule force militante : collages, réseaux sociaux, bouche à oreille… Le samedi, nous avons compté environ 250 personnes, et, selon les organisateurs, l’évènement aurait attiré 400 personnes sur les deux jours. Et parmi ces participants, on a pu voir une grande diversité de profils : différentes générations, différents parcours militants… Si l’on pouvait dégager un point commun entre ces divers protagonistes, c’est peut-être celui d’avoir participé à la mobilisation contre la loi travail, bien souvent au sein du cortège de tête.

La réussite quantitative tient en grande partie à la préoccupation claire de « massifier » en amont de l’évènement : une communication soignée, accompagnée d’une forte présence sur les réseaux sociaux, le tout sur un ton très pédagogique et accessible. A l’image du mot d’ordre « Génération Ingouvernable », qui exprime l’idée de ne pas se sentir représentés par cette caste politique au pouvoir. Un sentiment qui est, dans ce contexte d’accumulations des scandales et des cinq ans d’attaque de la « gauche », plutôt largement partagé dans la population.

Notamment, force est de constater que ce mot d’ordre tranche avec celui qui prévalait lors des précédents rassemblements, comme celui d’« A l’abordage », un mot d’ordre offensif souvent illustré par des scènes d’émeutes. Sur le logo de « Génération Ingouvernable », en revanche, on ne trouve ni affrontements, ni volonté claire d’en découdre. Sur l’affiche imprimée pour l’occasion, on peut voir une foule, ni armée, ni cagoulée faisant face à un ensemble symbolisant l’alliance de la police, de l’armée et des classes dominantes. Une idée, notamment, semble avoir disparu du paysage, celle que « 2017 n’aura pas lieu ».

Ces transformations sont directement issues du bilan critique que tiraient un certain nombre de militants après l’action ratée du 29 novembre visant à perturber la tenue des primaires de droite  : « Les lignes politiques d’À l’abordage ! parlent énormément aux militant.e.s convaincu.e.s, mais peinent à résonner au-delà de l’entre-soi anar. Comme ça a été proposé sur Blocus Paris, il faudrait se réunir pour offrir quelque chose de plus parlant aux électeurs et électrices désillusionné.e.s, quelque chose de plus concret et positif que les affirmations abstraites qui ont tourné jusqu’ici. Organisons-nous en amont des présidentielles pour rester vraiment ingouvernables, pour porter des critiques basées sur des propositions tangibles.  »

Une discussion contradictoire

 
Cette volonté de s’adresser à d’autres secteurs, de sortir d’un entre soi proprement militant s’est traduit lors de ce week-end par l’expression d’un débat d’idées parfois contradictoires, où l’on a pu constater des prises de positions relativement différentes. Cependant, la forme d’organisation du débat s’est révélée être un obstacle à leur expression la plus complète. L’absence d’un tour de parole, ou même d’une tribune élue, a parfois empêché toutes les voix de s’exprimer, entrainant par exemple des plaintes de la part de camarades n’étant pas de genre masculin.

Malgré cela, la diversité des positions est apparue de manière évidente entre certains participants qui voulaient organiser des comités de vigilance citoyens, convoquer une Assemblée Constituante ou avoir des méthodes d’action plus « directes » : perturbation de meetings, enfarinage des candidats, dégradation de permanences d’élus, etc. La discussion du samedi après-midi a notamment pu apparaître à certains égards très clivée, entre les différentes méthodes proposées et une question centrale : « pourquoi sommes-nous là ?  », et une interpellation qui revenait, régulièrement : « On n’est pas à Nuit Debout ici  ».

Cependant, comment s’étonner de cette pluralité de points de vue au vu de la préparation de cet évènement dont la seule délimitation était de se dire « ingouvernable », sous-entendu de ne pas se sentir représentés par le système politique actuel ? « Représentons nous nous-même » pouvait-on lire sur une banderole placardée dans la salle : une préoccupation qui n’était pas très éloignée de celles et ceux qui organisaient et participaient aux assemblées générales de Nuit Debout durant la mobilisation contre la loi travail. Dès lors, peut-on s’étonner d’y voir et des débats et des préoccupations similaires ?

Génération Ingouvernable : label, mouvement, organisation, parti ?

 
Pourtant, si cela n’était jamais clairement annoncé, cela ressemblait à s’y méprendre au congrès de fondation d’une organisation qui prendrait le nom de « Génération Ingouvernable ».

A l’image de la première discussion du samedi, intitulée « discussion stratégique pour poser des dates communes ». Si on peut à priori mal voir ce qu’il y a de « stratégique » dans une discussion sur les « dates » (qui est au contraire une question très « technique » ou « tactique »), le déroulé de la discussion, soigneusement maîtrisé par la tribune, apportait certains éléments de réponse. En effet, derrière les discussions sur les dates, il s’agissait en réalité d’une discussion sur le « label » que devait prendre ces différentes dates pour être se rendre visibles de manière commune, une discussion qui a débouché sur une autre, plus « stratégique » : celle de fonder un « mouvement » ou une « organisation ».

Un intervenant a même posé les pieds dans les plats : « Les classes dominantes ont le parti, il nous faut le nôtre ». Une discussion habituellement taboue dans la tradition politique autonome, refusant de s’organiser dans un mouvement, et d’autant plus quand celui-ci prend le nom de « parti ». D’ailleurs, la discussion a pu susciter des réactions hostiles, sur des argumentaires plutôt classiques du mouvement autonome : prendre les mêmes formes que la politique dominante, c’est perdre sa capacité à les subvertir justement.

« Voter ou ne pas voter. Telle n’est pas la question ? »

 
« Voter ou ne pas voter. Telle n’est pas la question ? » : Ainsi était intitulée la discussion du samedi après-midi. Il faut dire que pour un certain nombre de participants, se dire « Ingouvernable » ne signifiait pas de ne pas aller voter. Au contraire, plusieurs interventions ont revendiqué le vote Mélenchon pour transformer le système politique, voire expliqué qu’il voterait pour la « gauche » pour faire barrage à un scénario à la Trump, comme il y a pu avoir lieu aux Etats-Unis récemment.

Si ces interventions ont parfois suscité des réactions outrées, elle ne semblait cependant pas déranger outre mesure les organisateurs du débat. Pour eux, voter aux élections ne leur semblait pas contradictoire avec le fait de participer à « Génération Ingouvernable ». Au contraire, ceux-ci espéraient bien que même les gens ayant voté viendraient perturber le soir du premier tour avec eux. Là était l’essentiel.

Pourtant, derrière les discours, on voit mal comment le fait de voter et de participer à « Génération Ingouvernable » pourrait être compatible. Et en premier lieu quand on regarde l’activité proposée par les organisateurs à la fin du week-end : un autodafé électoral. Comment pourrait-on bien voter après avoir brûlé sa carte électorale ?

Des clarifications tactiques et stratégiques implicites

 
Surtout, le soutien à Mélenchon et le fait de remettre en cause de manière radicale ce système ne peut pas être compatible. Doit-on rappeler à ce propos, que dans le programme du candidat de la « France Insoumise », on retrouve par exemple la proposition d’augmenter les effectifs de police ? Cette même police qui nous a réprimé durant la mobilisation contre la loi travail et qui sera évidemment en première ligne pour empêcher quiconque voudra se rendre « ingouvernables ». Tout ça, les organisateurs de ce débat le savent évidemment, mais ont choisi de ne pas l’assumer jusqu’au bout. Et c’est là l’une des principales critiques que nous pourrions faire à propos de ce week-end de débats. N’est-ce pas au contraire la tâche des révolutionnaires au contraire d’expliquer et du convaincre du fait qu’il n’est pas possible de réformer ce système, mais aussi, par exemple, de dévoiler ce qui se cache derrière la candidature de Mélenchon : les complaisances avec le patronat et les relents réactionnaires ?

Si depuis la mobilisation contre la loi travail, certains secteurs du cortège de tête semblent avoir opérer un certain nombre de clarifications d’ordre tactique et stratégique, force est de constater que celle-ci se font de manière implicite. Dès lors, le mot d’ordre de « Génération Ingouvernable » ne peut que prêter à confusion, au malentendu et limiter le débat. Les révolutionnaires doivent-ils passer à l’action directe maintenant ou tenter de convaincre d’abord de larges franges de la population de l’actualité et de la nécessité de l’insurrection ? Pourquoi et comment ? Doivent-ils s’organiser ? Dans un parti ? Quel comportement doivent-ils avoir face aux élections ? Autant de questions légitimes, vitales même pour celles et ceux qui prétendent renverser ce système.

Ces questions, pour être débattues et tranchées, doivent se faire à visage découvert, à destination du plus grand nombre. Débattre en tant que révolutionnaires, débattre de stratégie, et non pas en tant que « citoyens » ou autres « nuitdeboutistes », constitue une voie obligatoire pour forger des militants convaincus et préparés, non seulement pour construire les soulèvements à venir mais surtout pour permettre de les convertir en une véritable révolution. Malgré ses limites, le week-end de « Génération Ingouvernable » apparait comme une première tentative en ce sens. Cependant, force est de constater que l’on ne sait pas, pour l’instant, de quoi il est le nom. Un débat à continuer donc…

 
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