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La Izquierda Diario
1er de mars de 2017 Twitter Faceboock

« APRES LE PLAN B, LE PLAN –TÉ »
Fillon, convoqué pour une mise en examen, croise le fer avec la justice et amorce une descente aux enfers

Depuis les premières révélations du Canard, Fillon a utilisé toutes les stratégies possibles pour maintenir sa candidature. Malgré une baisse drastique dans les sondages, il a triomphé des tenants d’un plan B au sein de son parti. Mais, ce mercredi matin, après le report in extremis de sa visite au salon de l’agriculture, et sur une rumeur montante de convocation prochaine pour mise en examen, la question était sur toutes les lèvres : « se maintiendra-t-il ou non ? ».

Claire Manor

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Le suspens a été levé à 12h30 lorsque le candidat Fillon a déclaré que, malgré sa convocation pour mise en examen, « il ne céderait pas, il ne se rendrait pas, il ne se retirerait pas  ». Endossant le costume de victime d’une justice aux ordres, il en a appelé au « peuple français » tout en se donnant les gants de dire que, bien entendu, il se rendrait à la convocation des juges. De quoi taper sur le même clou que Marine Le Pen tout en s’en démarquant.


« Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? »

Six mois tout juste viennent de s’écouler depuis le moment où Fillon, candidat à la primaire de la droite, attaquait sur le volet judiciaire son rival, Sarkozy, en posant la question : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? ». Et l’ex-Premier ministre avait ajouté : « Il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable  ».
Le Penelopegate l’a rattrapé quelques mois plus tard et une obligation minimale de cohérence l’a obligé à dire, le 26 janvier, que seule une mise en examen le contraindrait à retirer sa candidature. Mais, au fur et à mesure que l’étau se resserrait, l’obligation de se conformer à ses propres « engagements » devenait de plus en plus gênante.

Il ne lui restait que deux solutions qu’il a utilisées de manière conjuguée. Dénigrer la justice elle-même, et donc ses jugements potentiels, et faire machine arrière sur son engagement à renoncer en cas de mise en examen.
Sus donc à la justice ! Sa première attaque a consisté à mettre en cause la compétence du parquet financier. Or, le dossier a récemment changé de mains et a été confié à des « magistrats instructeurs indépendants ». Ce transfert a mis du plomb dans l’aile à sa première objection. Hélas pour lui, ce sont ces mêmes magistrats indépendants qui ont décidé de la convocation préalable à la mise en examen du couple Fillon, pour les 15 et 18 mars prochains.
Ce matin, il ne restait donc au candidat menacé de mise en examen à court terme, qu’une seule alternative : soit se retirer, soit continuer à proclamer haut et fort son innocence et retourner le fer contre les juges et la justice. C’est, semble–t-il, Nicolas Sarkozy qui, contrairement à son directeur de campagne qui lui conseillait de se retirer, l’a poussé à « tenir bon ». Décidément, la vengeance est un plat qui se mange froid.

« Ce n’est pas seulement moi qu’on assassine, c’est l’élection présidentielle »

Il ne fallait pas moins que des accents gaulliens pour sauver la filiation si glorieusement revendiquée au mois d’août et si difficile à tenir aujourd’hui. La déclaration à la presse n’a pas mégoté sur les formules grandiloquentes pour accompagner la violence des coups portés à l’institution judiciaire. Ce qui arrive à Fillon ne serait rien moins qu’un « assassinat politique », ce qui ne serait rien encore s’il ne s’agissait que de lui, mais à travers lui « c’est l’élection présidentielle qu’on assassine  », et partant la liberté du suffrage, la démocratie et la France…

Qui dit assassinat dit mobile. À qui le crime profite-t-il ? Fillon a la réponse… à Macron que ses alliés au pouvoir soutiennent grâce à l’institution judiciaire. Si tel est le mobile, quel est le mode opératoire selon Fillon ?
Tout d’abord la rapidité d’exécution. Il souligne que la convocation intervient quelques jours seulement après la désignation des juges et pour une date qui ne précède que de deux jours la clôture du recueil des parrainages. Mais certains commentateurs ne manquent pas de rappeler que, depuis l’affaire Cahuzac, et sauf extrême complexité du dossier comme dans l’affaire Bygmalion, la règle est plutôt à la rapidité de traitement. Fillon comptait sans doute sur une phase d’instruction préalable. Mais elle n’a pas eu lieu.
Ensuite et surtout, toujours selon lui, la disparition totale de la présomption d’innocence. Depuis le début, l’enquête aurait été menée à charge et il n’aurait pas « été traité comme un justiciable comme les autres  ». Ce à quoi les juges rétorquent que le couple Fillon a été entendu pendant de longues heures et que ces auditions étaient évidemment « à décharge ».

C’est en tout cas sur une protestation d’innocence réitérée que Fillon fonde la déclaration de son maintien comme candidat à la présidentielle malgré la convocation des juges, à laquelle cependant il se rendra.

Fillon/Le Pen, mêmes attaques contre la justice mais des stratégies différentes

Fillon aurait pu, à l’instar de Marine Le Pen, refuser de se rendre à la convocation des juges. Il aurait alors fallu un mandat d’amener pour l’y contraindre. Ce mandat d’amener ne pouvait lui-même être prononcé qu’après la levée de son immunité parlementaire en tant que député de Paris.
Pourquoi Fillon, qui tout comme Marine Le Pen a choisi comme système de défense la critique virulente de l’institution judiciaire, n’a-t-il pas choisi, comme elle, de refuser de se rendre à la convocation des juges ? C’est une remarque que n’a pas manqué de faire Florian Philippot pour stigmatiser les incohérences et les « changements de pied  » du candidat LR.

Sans doute au moins trois raisons peuvent expliquer cette limite qui n’a pas été franchie. D’abord, bien sûr, la nécessité de marquer sa différence capitale avec Marine Le Pen. Il n’est pas Marine Le Pen, candidate « anti-système » qui fait un pied de nez aux juges sans que cela entame le moins du monde sa cote de popularité. Il respecte les institutions et ne peut se permettre de les dénigrer sans risquer de perdre son entourage et sans doute une bonne partie de ses électeurs. Il tente d’ailleurs un jeu d’équilibriste en distinguant la justice des manipulations politiques dont certains juges peuvent être l’objet. Ce qui lui permet de rester « légitimiste ». Autre raison possible et inavouée, celle de ne pas avoir été sûr du tout que le bureau du parlement maintiendrait son immunité parlementaire. Bref un risque qu’il n’a pas pris. Il est vrai qu’il en avait déjà pris beaucoup.

Résistance « à la mode de chez Fillon », moi, ma famille et ma famille politique :

Au soir de cette journée fertile en rebondissements et émotions politiques, il est clair que le risque était très élevé et que Fillon commence à payer cher la décision présomptueuse soufflée par Sarkozy et quelques autres. Sera-t-il suivi ou désavoué par son électorat, les sondages prochains nous le diront. Mais ce qui était essentiel pour lui, dans un premier temps, c’était de conserver le socle politique qui l’a maintenu, bon an mal an, durant la dernière période. C’est à son électorat bien sûr, mais aussi à son entourage politique qu’il s’adressait dans son allocution en déclarant : « Votre voix seule doit décider de l’avenir commun. Je vous demande de résister. Je le fais, ma famille le fait, ma famille politique le fera. ».
Malheureusement pour lui, son incantation qui n’obéissait qu’à une stratégie de fuite en avant et à la nécessité d’imposer l’unité dans son camp, n’a pas eu l’effet escompté. Dès sa déclaration, les défections n’ont pas tardé à se faire jour. Un temps pressenti pour devenir ministre des Affaires étrangères, Bruno Le Maire, a estimé que le candidat LR n’avait pas respecté sa « parole donnée » en maintenant sa candidature malgré la menace d’une mise en examen. Il a donc annoncé sa démission de l’équipe de campagne de Fillon en tant que représentant pour les affaires européennes et internationales. Immédiatement après, Franck Riester, député-maire de Coulommiers lui a emboîté le pas, invoquant la même absence de respect de « la parole donnée ». Une manière très « morale » pour ces messieurs de quitter le navire ! Les défections patentes ou cachées se multiplient. Les plus hésitants comme Bernard Accoyer ou Gérard Larcher semblent près de basculer. Fillon, braqué sur l’élection présidentielle, n’a oublié qu’une chose, c’est que tous ont en ligne de mire les législatives qui arrivent dans la foulée et redoutent le durcissement d’une campagne qui pourrait leur porter le plus grand tort.
Dans le camp des « fidèles », dont fait partie Valérie Pécresse, on tente l’essai de la dernière chance en organisant dimanche une manifestation contre le « coup d’état des juges ». C’est évidemment une déclaration de guerre à l’institution judiciaire sans précédent qui est censée servir de base à la remobilisation en faveur de Fillon. Quelle que soit l’ampleur de la manifestation, qu’il faudra d’ailleurs observer avec beaucoup d’attention, l’audace inédite de ce mot d’ordre ne peut que provoquer une fracture telle dans le camp des Républicains qu’il ne s’en remette pas. Quant aux alliances politiques avec le centre, elles sont d’ores et déjà mises à mal, l’UDI s’étant retirée du soutien à la campagne Fillon.

Quel que soit le caractère spectaculaire de l’évènement politique qui s’est déroulé aujourd’hui, il ne fera cependant que renforcer des tendances politiques profondes que l’on voyait déjà se dessiner : l’effondrement des deux pôles politiques traditionnels de l’alternance qui fonctionne depuis plusieurs décennies au profit du centre au travers de la figure de Macron et de l’extrême droite, avec Marine Le Pen. À moins de deux mois du premier tour, le candidat de la droite traditionnelle risque bien une lente et laborieuse agonie, d’autant que de nouvelles casseroles, comme le nouveau soupçon d’emploi fictif, pourraient bien s’accumuler.

 
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