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11 de avril de 2017 Twitter Faceboock

Notre histoire
Révolution chinoise. Il y a 90 ans, Staline et les nationalistes décapitaient l’insurrection ouvrière
Arthur Nicola

En mars 1927, les ouvriers de la ville de Shanghai prenaient le pouvoir dans la ville, par une grève générale suivie par 800 000 ouvriers. Trois semaines plus tard, les nationalistes, aidés par les puissances étrangères et Staline, décapitent le mouvement. Retour sur un épisode oublié de l’histoire de notre classe.

Décapitation d’un communiste durant le « coup du 12 avril »

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Premiers mouvements, premières expériences de grève générale

A Shanghai, dans les années 1920, l’économie est prospère pour les capitalistes chinois, mais surtout européens, qui possèdent de nombreuses « concessions » (c’est à dire des portions de territoire sous souveraineté occidentale) dans les principales villes de Chine : Tianjin, Canton, Hong-Kong et Shanghai sont autant de grandes villes où l’essor économique est synonyme de misère particulièrement importante pour les travailleurs. De plus, après la première guerre mondiale, le Japon s’affirme comme une puissance coloniale et grignote de plus en plus le territoire chinois, à commencer par les anciennes possessions allemandes.

C’est d’abord contre le Japon que se construisent les mouvements étudiants et ouvriers, contre l’impérialisme, et contre les clauses du traité de Versailles particulièrement défavorables à la Chine. Le 4 mai 1919, les étudiants de Pékin réclament le retour à la Chine des possessions aujourd’hui japonaise dans le Shandong, une province chinoise. Le mouvement gagne toutes les grandes villes, et les étudiants, les petits commerçants et les ouvriers s’unissent et le 5 juin, Shanghai est paralysé par les « Trois Arrêts » : arrêt des études, du commerce et de la production. 60 000 ouvriers (sur 300 000) sont alors en grève. Finalement, des ministres « pro-japonais » démissionnent, et les ouvriers obtiennent des avancées sociales.

Grève générale à Shanghaï, 1925

6 ans plus tard, le 30 mai 1925, un nouveau mouvement, anti-impérialiste aussi, secoue la Chine, au départ de Shanghai. En réalité, le mouvement démarre le 7 mai, dans les cotonnières japonaises Naigai, qui organisent rapidement un syndicat fort de 35 000 ouvriers. Le 15 mai, un ouvrier est tué par un vigile et la contestation s’étend aux étudiants, qui commencent à manifester. Le 30 mai, une manifestation d’étudiants marche vers les concessions internationales, mais est pris à parti par la police britannique qui tire, faisant 13 morts. Ce premier massacre aboutit à une grève générale qui s’étend à toute la Chine, notamment Hong Kong. Finalement, de forte augmentation de salaires sont consentis par la bourgeoisie de Shanghai, et les officiers britanniques sont jugés et démis de leurs fonctions. Cependant, le Syndicat général, créé par les communistes le 31 mai, ressort renforcé du mouvement, revendiquant 200 000 membres.

22 mars 1927 : la prise du pouvoir des ouvriers de Shanghai

Dans une Chine encore largement dirigée par des « seigneurs de la guerre », nationalistes du parti du Kuomintang (dirigé par le général Tchang Kai Chek) et le Parti Communiste Chinois (dirigé par Chen Duxiu) cherchent à mettre à bas les vestiges de la société féodale issue de l’empire des Qing, tout en résistant à l’impérialisme européen et japonais. Ils se sont pour cela unis dans un « Front Uni ». A l’été, Tchang Kai Chek part donc du Sud vers le Nord pour unifier la Chine. Il gagne plusieurs batailles militaires, tandis que les ouvriers vont tout simplement prendre le contrôle de Shanghai par leurs propres forces.

Piquets de grève armés constitués en milices révolutionnaires, mars 1927

Le 21 mars 1927, les ouvriers de Shanghai répondent à l’appel à la grève générale du Syndicat général : entre 500 000 et 800 000 ouvriers se mettent en grève et transforment Shanghai en ville morte. Face au seigneur local, Sun Chuanfang, les syndicalistes et les communistes avaient déjà expérimentés lors des dernières grèves les piquets armés pour se défendre contre la répression de l’Etat. Ces ouvriers, chargés de défendre leurs usines et les grévistes contre la police et chinoise et occidentales, décident cependant de prendre leurs affaires en main : en trente six heures, le 22 mars, les piquets de grève ont pris le pouvoir et renversé Sun Chuanfang. Son armée et son Etat sont démantelés au profit d’un gouvernement qui allie les ouvriers, les soldats et une partie de la bourgeoisie de Shanghai, qui souhaite elle aussi s’émanciper de la tutelle occidentale : c’est la Commune de Shanghai.

Défilé les piquets de grève dans Shanghai

La rupture du Front Uni et le « coup du 12 avril »

Cette insurrection ne plait pas du tout aux occidentaux installés dans Shanghai : après des prémices dans les autres provinces, l’Angleterre a déjà débarqué 12 000 soldats, renforcés par des tanks et des voitures blindées qui patrouillent dans les rues. 28 navires de guerres sont en outre postés sur le fleuve par les 7 nations qui possèdent des concessions, mettant en joue la population de la ville. Le consul général français, René Naggiar, va tout faire pour défendre la haute-bourgeoisie de Shanghai mais surtout les « intérêts de la France » et des occidentaux ; il s’agit donc de renverser la Commune, qui est avant tout unie par l’anti-impérialisme. Outre les renforcements militaires, il contacte les mafias locales, dont une particulièrement puissante, la « Bande Verte », ainsi que Tchang Kai Chek, pour renverser l’insurrection.

Officiellement unis, le Kuomintang trahit dans le sang les communistes le 12 avril : même si son armée se sent proche des révolutionnaires, il va composer avec la haute bourgeoisie et ses forces illégales. Il réussit donc à lever 3 millions de dollars auprès des grands patrons pour faciliter la purge anti-communiste et demande à la pègre d’attaquer les piquets de grève armés. Le 12 avril, les mafieux de la Bande Verte attaquent les piquets, aidés des troupes nationalistes, et désarment les ouvriers. Le coup de force s’achèvent par le massacre de la rue Baoshan : plusieurs centaines d’hommes, femmes et enfants sont attaqués par des mitrailleuses nationalistes, achevés à coup de crosse et de baïonnettes. Tchang Kaï Chek maître de la ville, il achève sa « Terreur blanche » en poursuivant tous les syndicalistes et communistes : 5 000 ouvriers sont fusillés ou disparus, le PCC et le Syndicat général interdits, les armes confisquées, les journaux ouvriers censurés. Là s’achève l’expérience de la révolution prolétarienne en Chine, avec un changement de stratégie vers les campagnes initié par Mao Zedong.

Mise à mort d’un syndicaliste

Staline, le « grand organisateur des défaites »

Qu’est ce qui a bien pu mener un mouvement aussi puissant à une défaite si violente ? La question de l’alliance avec le Kuomintang employée par le PCC, largement chapeauté par l’Internationale Communiste déjà largement dirigée par Staline et son représentant en Chine, Marin, est centrale. En effet, l’Internationale Communiste avait décidé de s’appuyer, au début des années 1920, sur le Kuomintang pour faire naître un mouvement communiste plus puissant. Si l’idée de s’appuyer sur les nationalistes bourgeois pour renverser l’impérialisme occidental et les restes de féodalisme n’était pas une erreur stratégique en soi, Staline pousse, à l’encontre des principes de Lénine exposés lors du IIème Congrès de l’Internationale, le PCC à fusionner avec le Kuomintang. Dès lors, les communistes ne sont plus indépendants et sont, à l’instigation de Staline, totalement suivistes vis-à-vis de la politique du parti bourgeois qu’est le Kuomintang. De cette politique aveugle, qui a mené les communistes à accepter des compromis bien en dessous du rapport de force qu’ils avaient créé (notamment lors de l’institution de la Commune de Shanghai, qui ne s’est pas constituée en une entité politique dirigée par les travailleurs pour eux-mêmes), est née une situation où l’insurrection n’a pas su se défendre contre les réactionnaires menés par Tchang Kai Tchek, la bourgeoisie de Shanghai, et les puissances européennes et japonaises. Dans cette défaite, les ordres de l’Internationale Communiste stalinienne ont été si bien suivis que la défaite a pu être certaine, renforçant les fondements politiques de l’Opposition de gauche soviétique menée par Trotsky, mais affaiblissant sa position après une telle défaite révolutionnaire ; celle ci sera d’ailleurs exclue du parti dans la fin de l’année.

 
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