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La Izquierda Diario
18 de mai de 2017 Twitter Faceboock

Néo-libéralisme
Macron : une contre-révolution par anticipation
Philippe Müller

Voyant s’accumuler les pommes de discordes sociales, et ayant en tête de rétablir, autant qu’il est possible, son taux de profit, la bourgeoisie cherche à avoir un coup d’avance : le pion Macron semble faire parfaitement l’affaire. La plupart des médias sont déjà fascinés par le personnage, sorte de corps fétichisé porteur de tous les signes de distinction.

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Macron ne fait pas mystère d’avoir choisi son camp : dès cet été, il prévoit de casser une fois encore ce qu’il reste de protection des salarié/e/s. Mais Macron pense, semble-t-il, en tout cas, c’est ce que tout le monde croit et répète. Si tant est qu’on puisse lire ce qui nous attend dans ce que l’on a déjà sous les yeux sous forme de spectacle minutieux, faisons la tentative d’une lecture du personnage qui vient d’être élu, comme la tentative d’un diagnostic de l’ère qui vient.
Sans programme et sans idéologie revendiquée, Macron se présente comme l’homme d’un projet. L’avantage du « projet » sur le programme, c’est qu’il est l’émanation d’un sujet, et qu’il n’a pas le caractère objectif et constatable, et discutable, du programme. Nous apprenons donc que Macron vise quelque chose, et qu’à cela tous les moyens seront bons. C’est la définition du pragmatisme, que Macron distingue de l’idéologie. On pourrait disserter sur son caractère de caméléon, se prêtant à l’exercice des citations livresques en fonction de ses interlocuteurs quitte à donner dans l’incohérence. En réalité, pas d’incohérence véritable : Macron suit bien une ligne, qui consiste à sauver du pourrissement définitif le capitalisme.
Mais contrairement aux présidents qui l’ont précédé, qui appliquaient trop crûment le programme – ou le « projet », déjà – des intérêts constitués des patrons et des places financières, Macron projette de séparer radicalement les faits et les valeurs, le réel et le discours. Oui, l’exploitation du travail va augmenter, la précarité également, mais tout cela s’accompagnera d’un effort de « pédagogie » voire d’une « médecine » de sorte à faire avaler la pilule. Ce décrochage entre la réalité concrète et le discours qui va l’accompagner est un symptôme d’époque : voilà ce que l’on appelle le « travail idéologique ». C’est donc très gentiment et très poliment que Macron va aggraver l’ensemble de nos conditions d’existence.
Le consensus transversal, qui d’ailleurs vient révéler s’il en était besoin que les désaccords entre la gauche et la droite de gouvernement ne sont pas insurmontables, s’appuie donc sur un clivage qui s’accentue entre les conditions matérielles de nos existences et le discours qui nous les raconte. Macron est l’homme de la bulle idéologique, qui se croit capable de tout résoudre en nous payant de mots.
Au-delà de ce portrait, il y a aussi des filiations qui permettent de dessiner un peu plus précisément le « projet » de Macron : son élection, largement déterminée par son adversaire comme pour Chirac en 2002, et son refus de toute alliance ou de tout renoncement à son projet dans la perspective du second tour disent assez que Macron, comme y invitait le penseur contre-révolutionnaire Joseph de Maistre, considère le peuple comme « l’instrument passif » du pouvoir. Il n’a donc rien à lui céder dans les faits. Dans ses Ecrits sur la Révolution, Joseph de Maistre semble faire le portrait du président : « Son action a quelque chose de divin ; elle est tout à la fois douce et impérieuse. Elle ne force rien et rien ne lui résiste : en disposant, elle rassainit ; à mesure qu’elle opère, on voit cesser cette inquiétude, cette agitation pénible qui est l’effet et le signe du désordre ; comme sous la main du chirurgien habile, le corps animal luxé est averti du remplacement par la cessation de la douleur ». Un fétiche, auréolé d’un pouvoir thaumaturgique, dont la main gauche se présente en médecin du corps social malade, alors que la main droite exagère encore les maladies sociales, la précarité, le chômage, l’exploitation.
Si c’est bien le maintien du taux de profit qui anime Macron, qui le met en marche, la bourgeoisie accuse un peu le « coût » des deux prédécesseurs : Sarkozy, le paysan parvenu mais qui parle et se montre trop pour s’avérer utile, Hollande, première forme du consensus transversal que Macron fait advenir, mais à qui manquait à l’époque la conscience idéologique. Macron enfin, domestique élevé chez ses maîtres, technicien efficace sans aucune autre conviction que celles dont il a promis d’être le gardien et à qui il doit tout.
Comme il est philosophe, comme on dit, Macron croit au pouvoir des idées. Il y a fort à parier qu’elles échouent à elles seules : on aura beau accumuler les pansements sur une fracture ouverte, notre classe risque de faire la sourde oreille. Nous sommes assez avertis de ce qu’il va se passer, et on sait que la lutte va reprendre dès les premières mesures. Mais l’avertissement est double, car il vaut aussi pour nous : il faut se méfier des beaux-parleurs qui promeuvent à grands cris la paix sociale et la réconciliation, car souvent la guerre en est le tribut. Coriolan, dans la pièce de Shakespeare, cet aristocrate qui a été obligé de s’abaisser à complaire à la plèbe mutine de Rome pour se faire élire, savait très bien que rien n’épuise plus les émeutiers qu’une guerre et que la désignation d’un ennemi commun sert souvent à faire advenir les « réconciliations ».

 
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