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La Izquierda Diario
3 de juillet de 2017 Twitter Faceboock

La tribune abjecte de Rachida Samouri
Pour le Figaro, l’aide aux migrants c’est « une instrumentalisation d’extrême-gauche »
Yano Lesage

« Comment l’extrême-gauche instrumentalise les migrants » signe Rachida Samouri dans les colonnes du Figaro du vendredi 30 juin. Car face au désastre humanitaire que pose la situation des migrants, à Paris ou à Calais, il n’est nullement question, pour Rachida Samouri, d’interroger l’incurie étatique, ni les instrumentalisations xénophobes. Mais bien de délégitimer les soutiens des populations réfugiées en France, en particulier l’extrême-gauche, en les invitant, à la manière d’un Gérard Collomb, à « déployer leurs savoir-faire ailleurs ». Focus sur une tribune nauséabonde.

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Depuis l’affaire Cédric Herrou, on le sait. Pour le pouvoir, il n’est pas bon d’avoir des relents humanitaires ou tout simplement d’humanité envers les « migrants ». Tout récemment encore, c’est Béatrice Huret, résidente de Calais et ex-sympathisante FN, qui avait aidé des réfugiés iraniens à traverser la Manche, qui passait devant les tribunaux. Ces procès sont éminemment politiques et révèlent l’intention du pouvoir de criminaliser toute forme d’aide aux réfugiés.

Après s’être attaqué aux individus, ce sont les associations humanitaires qui ont été visées : à Calais, elles ont fait les frais du nouveau ministre de l’Intérieur. En invitant les humanitaires à « déployer leurs savoirs-faire ailleurs », Gérard Collomb a non seulement faitla joie des groupuscules identitairesqui sévissent à Calais et ailleurs, mais a également montré le vrai visage de la politique « humanitaire » d’un président qui se gausse des traversées en « kwassa-kwassa » des réfugiés comoriens.

Mais l’histoire de Cédric Herrou, élu personnalité de l’année par Nice-Matin, tout comme la folle histoire d’amour d’une Béatrice Huret repentie du Front National, émeuvent l’opinion publique. Il convient donc de trouver d’autres biais pour délégitimer les soutiens, qu’ils soient humanitaires, politiques, et le plus souvent les deux, de celles et ceux qui partagent les luttes des réfugiés pour leurs droits à vivre, voire à survivre tout simplement. Et c’est ce que la tribune de Rachida Samouri dansLe Figaro, sous des airs faussement indignés, en s’attaquant aux collectifs de soutiens aux réfugiés.

A Paris, une aide alimentaire qui « salit »

« Le quartier de la Chapelle est devenu le terrain de jeu des activistes »décrit-elle prêtant la voix à Jean-Luc, enseignant et« homme de gauche »qui plus est, qui se« lamente »sur« l’état des rues […], les bouteilles et canettes abandonnées sur le trottoir, […] l’odeur d’urine »qui émane du square« déserté ».

Pour un papier qui dénonce la « fausse humanité » des activistes - et notamment du collectif la Chapelle Debout ! – il est pourtant difficile de trouver une once d’intérêt quant au sort des réfugiés. La propreté des rues, voilà le vrai combat de Rachida Samouri. Et pour elle, il semble n’y avoir rien de moins hygiénique qu’un réfugié en survie sur les trottoirs parisiens quémandant un quignon de pain. D’autant plus lorsque celui-ci est donné par des « activistes » de La Chapelle Debout ! qui organisent régulièrement des distributions alimentaires dans le quartier.

Car côté immondice, la journaliste sait se faire spécialiste. Elle parvient même à distinguer« au coin d’une rue, destas de déchets [qui] semblent avoir été jetés là délibérément »- entendez par des « extrêmes-gauchistes » - de ceux déposés par inadvertance par les riverains.

Un riverain « homme de gauche » et une maire de Calais hors la loi

Avec Rachida Samouri, ce sont les riverains qui ont les pieds sur terre. Et pas n’importe lesquels. Thierry, attablé à la terrasse d’un café a été interrogé car il a vraiment à cœur le sort des réfugiés, lui.« Ces activistes d’extrême gauche servent des repas, brandissent des pancartes. Ils ne proposent jamais de solutions à ces pauvres gens pour les sortir de là »déclare-t-il{}depuis sa terrasse. « Résultat » poursuit-il « beaucoup au bout de quelques mois, deviennent des ‘clodos’ dépendants de la soupe populaire sans aucune porte de sortie. Ça en revanche, ça ne les dérange pas ».

Mais ce que Thierry ne dit pas, et ce que l’objectivité de la journaliste omet de rappeler, c’est que le principal obstacle à la capacité des réfugiés à sortir de leur situation est la question des papiers, du logement, du travail. Et que les bénévoles, activistes, volontaires qui viennent en aide, par leur propre moyens et sur leurs propres deniers aux réfugiés, faute d’une prise en charge par l’Etat ne cessent d’interpeller l’Etat pour qu’il s’engage notamment dans ce sens là.

Outre son savoir-faire en matière d’hygiène publique, Rachida Samouri se distingue par le choix de ses interviewés trié sur le volet. C’est le cas de la maire de Calais, Natacha Bouchart, qui prétend faire la distinction entre« les bénévoles des associations bien intentionnés »et les« militants d’extrême gauche comme No Borders et Utopia 56 »qui auraient infiltrés les associations. C’est pourtant cette même Natacha Bouchart qui prétend défendre l’aide humanitaire a-politique aux migrants qui a refusé d’appliquer les mesures d’aides aux migrants ordonnées par la justice. Quoi de plus juste pour critiquer « l’instrumentalisation du sort des migrants » que de s’en référer àune maire hors la loi, qui refuse d’installer des points d’eau, des sanitaires et des douches pour ces mêmes migrants.

Par tous les moyens délégitimer la lutte des réfugiés

Subtil détour, par la voie de cette journaliste du Figaro, ce ne sont plus directement les « migrants » qui sont visés par les critiques - la xénophobie aurait donc ses limites – mais ceux qui les soutiennent. Ceux qui, tout en palliant à l’incurie gouvernementale par des actions humanitaires la dénoncent. Ceux qui, en partageant le quotidien des migrants, sont témoins des violences des policiers, qui harcèlent, démontent les camps de fortune,tirent les couvertures en hiver.

Très certainement il y a parmi ces soutiens, ces « activistes » des militants de gauche et d’extrême-gauche. Mais également, des individus qui poussés par des aspirations humanitaires en éprouvent rapidement les limites. Le soutien humanitaire, éminemment nécessaire et légitime, n’est en aucun cas une solution de long terme. Pour faire face à la crise humanitaire des réfugiés, le combat politique contre un Etat qui, là bas participe aux guerres qui font fuir les populations, et ici, réprime les réfugiés, qui s’impose rapidement. De fait, l’aide aux migrants, pour peu qu’elle ne cherche pas à les invisibiliser et pose les vraies questions, s’affronte quotidiennement au pouvoir et à l’Etat pour pouvoir exister.

Invoquer « l’extrême-gauche » derrière la lutte en aide aux réfugiés est une ultime manière de vouloir régler leurs sorts aux réfugiés et de les laisser face à eux-mêmes, à l’Etat, à sa répression. C’est une manière de les faire disparaître de l’écran politique tout comme la police se plaît à les faire disparaître de l’espace public en démontant les camps, en dispersant les groupes. En dénonçant une soit disant instrumentalisation de l’extrême-gauche, Rachida Soumari se fait elle-même l’instrument d’un pouvoir coupable qui criminalise les élans d’humanité vis-à-vis de nos frères et sœurs de classe, réfugiés.

 
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