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La Izquierda Diario
17 de juillet de 2017 Twitter Faceboock

Tribune libre
Le chef d’état-major des armées à Macron : « il ne faut pas désespérer Dassault »
B. Girard

Il n’échappe à personne que la polémique autour du budget militaire trouve pour point de départ le niveau d’équipement des armées, c’est-à-dire les commandes passées aux industries d’armement. Un budget militaire de 34 milliards d’euros, une augmentation prévue jusqu’à 50 milliards d’euros en 2025 : les cris d’orfraie du lobby militaro-industriel sont à la mesure de son pouvoir réel en France.

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Il n’échappe à personne – il ne devrait échapper à personne – que la polémique autour du budget militaire 2018 trouve pour point de départ le niveau d’équipement des armées, c’est-à-dire les commandes passées aux industries d’armement. Un budget militaire de 34 milliards d’euros, avec augmentation prévue jusqu’à 50 milliards d’euros en 2025, quelle misère ! A n’en pas douter, Dassault, Thalès, Safran vont se retrouver sur la paille.

Comme souvent par le passé, notamment sous Hollande toujours bien disposé à leur égard, les industriels en question sont montés au créneau, derrière leur paravent habituel, les hauts gradés de l’état-major qui apparaissent pour ce qu’ils sont vraiment : un corps au service non pas de la défense du pays, encore moins de l’intérêt général mais des bénéfices sonnants et trébuchants d’un secteur économique qui, depuis longtemps, a réussi à faire passer sa propre cause pour une cause d’utilité publique. Une escroquerie majeure dont les conséquences, quoique facilement mesurables, continuent à être niées.

Conséquences économiques, d’abord : au sein d’un budget global par principe limité, ce qui est accordé aux uns est retiré aux autres. 34 milliards d’euros pour l’armée, c’est autant en moins pour l’enseignement, la recherche, le logement, l’environnement, la santé etc. C’est également la raison principale des déficits publics, bien plus sûrement que le remboursement des soins dentaires ou les salaires de la fonction publique. Mais il est plus facile d’en faire porter la responsabilité aux assurés sociaux ou aux fonctionnaires qu’à la famille Dassault et à son dense réseau d’affidés. Un Rafale de plus (à 152 millions d’euros l’unité) mais combien de logements en moins construits ? Une heure de vol en Rafale (entre 15 et 30000 euros suivant le mode de calcul), de quoi faire rêver les banlieusards qui utilisent tous les jours un réseau de transport toujours plus dégradé. Pas de crédits pour l’entretenir.

Conséquences diplomatiques : un industriel ne vivant par principe que par ses ventes, l’industrie d’armement se voit dans la nécessité de dénicher le maximum de clients. L’état se trouvant ramené au rôle de représentant de commerce de la firme, on ne sera pas regardant sur le client. Le plus corrompu, le plus criminel fera l’affaire pourvu qu’il présente de bonnes garanties de paiement. Et c’est ainsi que la France se trouve embarquée au Moyen Orient dans un imbroglio mortel dont le seul bénéficiaire français sera le fabricant. Pas de commerce sans bonne publicité : et quelle meilleure publicité qu’une bonne intervention militaire – plus de 25 répertoriées pour la seule année 2015 – le plus souvent en Afrique. L’argument de la « menace terroriste » permet toutes les manipulations, notamment en occultant grossièrement le fait que la présence militaire de la France en Afrique ou au Moyen Orient est bien antérieure au terrorisme qu’on prétend éradiquer. Quant aux conséquences des guerres que l’on entretient en toute bonne conscience – destructions, massacres, développement ralenti, déstabilisation de régions entières, migrations etc – elles pourront toujours faire l’objet d’une prochaine intervention militaire.

Cette situation n’est pas nouvelle : la France est historiquement un pays guerrier, un pays belliciste. Contrairement à l’opinion largement répandue – et entretenue par des médias étroitement liés au lobby militaro-industriel – les dépenses militaires de la France ont toujours été notoirement plus élevées que celles de ses voisins, sans jamais garantir à sa population un niveau de sécurité supérieur. C’est même le contraire si l’on veut bien considérer que les attentats terroristes qui l’ont touchée depuis 2015 sont, au moins en partie, liés à son aveuglement militaro-diplomatique.

Que l’armée et la politique militaire d’un pays soient d’abord au service d’un groupe de pression et non au service de la population est un fait historiquement avéré (que résumait en son temps déjà Anatole France : « on croit mourir pour son pays et l’on meurt pour des industriels »). Mais la polémique indécente lancée par le chef d’état-major des armées vient à point nommé rappeler à ceux qui l’auraient un peu vite oublié le poids de l’armée et du complexe militaro-industriel dans la vie politique et plus généralement dans la société française, avec une militarisation sans fin des questions sécuritaires, une diplomatie pervertie par des considérations guerrières ou encore une culture de guerre officiellement enseignée à l’école.

Circonstance aggravante : le peu de poids de la mouvance pacifiste en France et surtout la complicité, la faveur, dont jouit le lobby militaro-industriel dans tous les partis politiques. Un aveuglement qu’on mesure encore avec cette réaction affligeante d’un leader de la France (in)soumise : « Les conséquences de l’austérité sur l’armée sont intolérables. Le “coup de gueule” du général de Villiers est légitime. » Il y a encore quelques années, le terme « insoumis » désignait les jeunes, qui refusant le principe du service militaire, payaient de longues années de prison leurs convictions. Aujourd’hui, les dirigeants politiques, les partis, les faiseurs d’opinion, la société civile font carpette devant l’état-major etl’industrie d’armement.

Que dire de l’état de santé d’une démocratie où le pouvoir civil se voit dans l’obligation d’obéir aux injonctions de l’armée ? Un régime politique qui ne s’est toujours pas remis de ses origines, lorsque, en 1958, De Gaulle arrivait au pouvoir dans les bagages des paras.

Source : Blog de B. Girard.

Crédits photo : AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

 
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