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La Izquierda Diario
27 de juillet de 2017 Twitter Faceboock

La bourgeoisie française à l’offensive
Libye : la « paix » ouvrirait un marché de reconstruction de centaines de milliards de dollars
François Martin

Si la Libye est surtout connue pour ses réserves pétrolifères, la guerre civile qui dure depuis 6 ans a tellement détruit le pays qu’un processus de paix et de reconstruction serait une aubaine pour les géants du BTP : selon la Banque Mondiale, le chantier serait de 100 milliards de dollars.

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Une victoire diplomatique pour la France pour une stabilisation de la Libye ?

C’était la victoire de Macron de la semaine : après une dure altercation avec l’état major des armées pendant la semaine du 14 juillet, le président s’est refait une santé à l’international, en tentant de se présenter comme le « faiseur de paix » en Libye. En effet, c’est lui et son gouvernement emmené par le ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian qui ont réussi à mettre d’accord (ou presque) deux des principaux acteurs politiques libyen, le maréchal Haftar, qui contrôle l’armée et l’est du pays, et le premier ministre al-Sarraj, soutenu par la communauté internationale et qui contrôle Tripoli. De cette rencontre, le maréchal a promis de ne pas marcher sur Tripoli et d’organiser conjointement avec son concurrent des élections d’ici à un an. Cependant, la déclaration en dix points sur lesquelles se sont mis d’accord les deux dirigeants est peu applicable selon de nombreux spécialistes : selon Patrick Haimzadeh, diplomate et auteur de Au cœur de la Libye de Kadhafi (2011), «  tout le monde sait en Libye qu’il est irréaliste de prétendre à des élections pour mars 2018  » ; Mattia Toaldo, chercheur au Conseil européen des relations internationales, renchérit : « cela pose beaucoup de problèmes légaux. On ne sait pas qui va convoquer les élections et par quelle loi. » Si les élections promises sont donc avant tout une annonce qui fait peu avancer les choses, la rencontre de Paris a eu un grand gagnant : le maréchal Haftar, qui s’est vu promu tout d’un coup au rang d’interlocuteur légitime pour la stabilisation du pays. Déjà soutenu militairement par la France, qui lui fournit un appui logistique et militaire, le maréchal passe de plus en plus pour être le relai des intérêts français en Libye, dans un contexte de forte concurrence internationale, notamment avec l’Italie.

La rencontre de Paris a fait grincer des dents à Rome, où les diplomates se sont agacés de voir la France jouer solo pour ses propres intérêts, notamment contre ceux de l’Italie, qui a plus misé sur le Gouvernement d’Union Nationale et al-Sarraj pour conserver ses intérêts dans le pays où le capital italien est historiquement implanté depuis la colonisation des années 1910-1920. Le secrétaire d’Etat italien aux affaires européennes, Sandro Gozi, a ainsi prévenu : « la France, sur la question libyenne, doit éviter les erreurs d’un passé récent  », imputant par là à l’Hexagone la responsabilité de la déstabilisation du pays, accéléré par l’interventionnisme de Sarkozy. A l’époque, l’Italie de Berlusconi avait été d’abord réticente à suivre la coalition internationale, les intérêts italiens en Lybie étant nombreux. Ce n’est qu’en trainant les pieds que l’Italie s’était alors engagée dans le soutien à l’insurrection contre Kadhafi, avec qui Rome avait fini par reprendre langue au début des années 2000, après trois décennies de rapports conflictuels.

Derrière la paix, des contrats juteux d’armement, de BTP et de pétrole

Six ans plus tard, la Libye est en grande partie détruite, des pans entiers de son territoire sont hors de contrôle de toute autorité centrale, tiraillés entre diverses milices locales et des groupes djihadistes, et l’économie est loin d’être au même niveau qu’en2 010-2011. La guerre a détruit de nombreuses infrastructures, notamment de logistiques (aéroports, ports, routes, oléoducs et gazoducs) et c’est une « nouvelle armée libyenne », qui devrait être censée faire respecter l’ordre impérialiste des multinationales du pétrole, qui est appelée également à être mise sur pied. Dans l’attribution de ces contrats, la contrôle des zones de production et le soutien politique des pays concernés seront indispensables. On comprend dès lors mieux l’intérêt que porte à la France à soutenir le maréchal Haftar, qui tient tant que faire se peut tout l’Est du pays, où se trouvent cinq des six terminaux pétroliers du pays, entre le « croissant pétrolier » dans le golfe de Syrte et Tobrouk, près de la frontière égyptienne. Le maréchal, qui utilise d’ores et déjà des armements que fournit la France à plusieurs de ses clients au Moyen-Orient (Egypte, Jordanie, Emirats Arabes Unis) a aussi profité de sa venue à Paris pour faire des réunions concernant l’achat d’armes à la France, et ce dès que l’embargo serait levé et l’armée réunifiée. Une aubaine pour les industriels de l’armement français, qui étaient régulièrement en concurrence avec les marchands d’armes italiens. Jusqu’ici, Finmeccanica, le principal trust italien de l’industrie militaire avait gagné de nombreux contrats d’armement sous l’ère Kadhafi ; cela pour changer au profit d’entreprises françaises comme Thalès, DCNS ou encore Dassault.

Côté BTP, les combats pour la reconstruction font aussi rage : la Banque Mondiale estime les besoins à près de 100 milliards de dollars pour reconstruire le pays, et les géants français comptent bien avoir leur part du gâteau, voire à en rafler aux Italiens ou aux Chinois, qui sont également présents. Vinci est notamment en pointe concernant le lobbying dans l’ancienne colonie italienne, et ce au détriment du groupe italien Impregilo, qui avait particulièrement souffert de la chute de Kadhafi, perdant près de 2 milliards de contrats. Finalement, concernant le pétrole, c’est Total et ENI qui sont ici en concurrence pour savoir qui aura le plus de parts de marché. Malgré tout, considérant la situation actuelle, il est peu probable que les entreprises françaises détrônent les entreprises italiennes, solidement implantées sur le sol libyen ; elles pourraient cependant leur rafler de gros contrats, ce qui eut été impensable avant l’intervention française contre Kadhafi.

Une victoire diplomatique pour la France pour une stabilisation de la Libye ?

C’était la victoire de Macron de la semaine : après une dure altercation avec l’état major des armées pendant la semaine du 14 juillet, le président s’est refait une santé à l’international, en tentant de se présenter comme le « faiseur de paix » en Libye. En effet, c’est lui et son gouvernement emmené par le ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian qui ont réussi à mettre d’accord (ou presque) deux des principaux acteurs politiques libyen, le maréchal Haftar, qui contrôle l’armée et l’est du pays, et le premier ministre al-Sarraj, soutenu par la communauté internationale et qui contrôle Tripoli. De cette rencontre, le maréchal a promis de ne pas marcher sur Tripoli et d’organiser conjointement avec son concurrent des élections d’ici à un an. Cependant, la déclaration en dix points sur lesquelles se sont mis d’accord les deux dirigeants est peu applicable selon de nombreux spécialistes : selon Patrick Haimzadeh, diplomate et auteur de Au cœur de la Libye de Kadhafi (2011), «  tout le monde sait en Libye qu’il est irréaliste de prétendre à des élections pour mars 2018  » ; Mattia Toaldo, chercheur au Conseil européen des relations internationales, renchérit : « cela pose beaucoup de problèmes légaux. On ne sait pas qui va convoquer les élections et par quelle loi. » Si les élections promises sont donc avant tout une annonce qui fait peu avancer les choses, la rencontre de Paris a eu un grand gagnant : le maréchal Haftar, qui s’est vu promu tout d’un coup au rang d’interlocuteur légitime pour la stabilisation du pays. Déjà soutenu militairement par la France, qui lui fournit un appui logistique et militaire, le maréchal passe de plus en plus pour être le relai des intérêts français en Libye, dans un contexte de forte concurrence internationale, notamment avec l’Italie.

La rencontre de Paris a fait grincer des dents à Rome, où les diplomates se sont agacés de voir la France jouer solo pour ses propres intérêts, notamment contre ceux de l’Italie, qui a plus misé sur le Gouvernement d’Union Nationale et al-Sarraj pour conserver ses intérêts dans le pays où le capital italien est historiquement implanté depuis la colonisation des années 1910-1920. Le secrétaire d’Etat italien aux affaires européennes, Sandro Gozi, a ainsi prévenu : « la France, sur la question libyenne, doit éviter les erreurs d’un passé récent  », imputant par là à l’Hexagone la responsabilité de la déstabilisation du pays, accéléré par l’interventionnisme de Sarkozy. A l’époque, l’Italie de Berlusconi avait été d’abord réticente à suivre la coalition internationale, les intérêts italiens en Lybie étant nombreux. Ce n’est qu’en trainant les pieds que l’Italie s’était alors engagée dans le soutien à l’insurrection contre Kadhafi, avec qui Rome avait fini par reprendre langue au début des années 2000, après trois décennies de rapports conflictuels.

Derrière la paix, des contrats juteux d’armement, de BTP et de pétrole

Six ans plus tard, la Libye est en grande partie détruite, des pans entiers de son territoire sont hors de contrôle de toute autorité centrale, tiraillés entre diverses milices locales et des groupes djihadistes, et l’économie est loin d’être au même niveau qu’en2 010-2011. La guerre a détruit de nombreuses infrastructures, notamment de logistiques (aéroports, ports, routes, oléoducs et gazoducs) et c’est une « nouvelle armée libyenne », qui devrait être censée faire respecter l’ordre impérialiste des multinationales du pétrole, qui est appelée également à être mise sur pied. Dans l’attribution de ces contrats, la contrôle des zones de production et le soutien politique des pays concernés seront indispensables. On comprend dès lors mieux l’intérêt que porte à la France à soutenir le maréchal Haftar, qui tient tant que faire se peut tout l’Est du pays, où se trouvent cinq des six terminaux pétroliers du pays, entre le « croissant pétrolier » dans le golfe de Syrte et Tobrouk, près de la frontière égyptienne. Le maréchal, qui utilise d’ores et déjà des armements que fournit la France à plusieurs de ses clients au Moyen-Orient (Egypte, Jordanie, Emirats Arabes Unis) a aussi profité de sa venue à Paris pour faire des réunions concernant l’achat d’armes à la France, et ce dès que l’embargo serait levé et l’armée réunifiée. Une aubaine pour les industriels de l’armement français, qui étaient régulièrement en concurrence avec les marchands d’armes italiens. Jusqu’ici, Finmeccanica, le principal trust italien de l’industrie militaire avait gagné de nombreux contrats d’armement sous l’ère Kadhafi ; cela pour changer au profit d’entreprises françaises comme Thalès, DCNS ou encore Dassault.

Côté BTP, les combats pour la reconstruction font aussi rage : la Banque Mondiale estime les besoins à près de 100 milliards de dollars pour reconstruire le pays, et les géants français comptent bien avoir leur part du gâteau, voire à en rafler aux Italiens ou aux Chinois, qui sont également présents. Vinci est notamment en pointe concernant le lobbying dans l’ancienne colonie italienne, et ce au détriment du groupe italien Impregilo, qui avait particulièrement souffert de la chute de Kadhafi, perdant près de 2 milliards de contrats. Finalement, concernant le pétrole, c’est Total et ENI qui sont ici en concurrence pour savoir qui aura le plus de parts de marché. Malgré tout, considérant la situation actuelle, il est peu probable que les entreprises françaises détrônent les entreprises italiennes, solidement implantées sur le sol libyen ; elles pourraient cependant leur rafler de gros contrats, ce qui eut été impensable avant l’intervention française contre Kadhafi.

Crédits photos : Stringer / AFP

 
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