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La Izquierda Diario
25 de septembre de 2017 Twitter Faceboock

« Tous ensemble »… derrière la France Insoumise ?
Derrière la « déferlante », Mélenchon tente de s’imposer comme l’homme providentiel de la gauche
Nina Kirmizi

150 000 personnes selon les organisateurs, 30 000 selon la police – la réalité se situe très certainement entre ces deux chiffres – étaient présentes à la marche de ce samedi 23 septembre, à Paris. Un pari réussi pour Jean-Luc Mélenchon qui compte bien s’imposer comme l’homme providentiel de la gauche et du mouvement social.

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Partis de Bastille autour de 15 h, les cortèges France Insoumise venus en bus des quatre coins de la France enflent rapidement le boulevard Beaumarchais pour se diriger, quelques stations de métro plus au nord, vers la Place de la République. Les militants France Insoumise, derrière des banderoles affichant la région d’origine, arpentent calmement les rues. De nombreuses pancartes contre le « coup d’État Social ». Mais aussi beaucoup de drapeaux bleu-blanc-rouge sont mélangés aux ballons « PHI », symbole des Insoumis. Des drapeaux que les équipes de La France Insoumise ont d’ailleurs distribué en masses à l’arrivée – place de la République – devant la scène.

Parmi la foule, flottent quelques – rares – drapeaux CGT, FO et, quelques pas plus haut, un ballon rose Solidaires, mêlé parmi les « gens », comme aime à les désigner Mélenchon. Aux côtés de ce dernier se trouvait dans le carré de tête Benoît Hamon et son mouvement du 1er juillet. Alors qu’il n’était pas annoncé, Pierre Laurent a été l’un des premiers arrivés. Le secrétaire général du PCF, bien qu’il ait échangé avec quelques députés insoumis, est parti sans saluer Mélenchon, signe que les tensions entre LFI et le PCF, approfondies à l’occasion la fête de l’Huma, persistent. Une délégation du PCF est tout de même présente dans le carré de tête.

On aperçoit aussi quelques drapeaux du Parti Ouvrier Indépendant (POI). Le NPA tient son point fixe à quelques pas de la station Chemin Vert et distribuent des tracts. Plus haut, ce sont des militants du collectif du Front Social qui sont regroupés autour d’un point fixe.

Arrivée sur la place de la République. Une grande scène, équipée d’écrans géants, aux couleurs de la France Insoumise. Le message est clair. Comme réponse aux autres organisations politiques qui avaient appelé la France Insoumise à « ne pas la jouer solo » (Besancenot), on aura vu mieux. 17h. Jean-Luc Mélenchon entre sur scène devant un parterre de médias et d’Insoumis nombreux. Les camions des médias, aux premières loges sont nombreux. Le discours commence.

La « déferlante » contre le « coup d’Etat social »

Et voilà Jean-Luc Mélenchon qui lance la vindicte contre le « coup d’Etat social » du gouvernement Macron, son manque de légitimité par les urnes, la régression que constitue cette nouvelle loi travail, le « cyclone social » qui a dévasté Saint-Martin tout autant que l’ouragan Irma ; contre ce gouvernement des « oligarques » et à la botte de Bruxelles qui, « sur 10 milliards de baisse d’impôt, en donne 7 milliards aux possédants ». L’auditoire lance tour à tour, des acclamations et des huées. On scande « Résistance ! Résistance ! »

S’opposant à la phrase d’Emmanuel Macron – « la rue, ce n’est pas la démocratie » – Mélenchon rappelle le rôle qu’elle a joué dans le changement historique : « C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, les putschistes en 1962, […] le plan Juppé, et le CPE ». Au pouvoir de la rue, il rend hommage. « Nous connaissons la force des organisations syndicales et des salariés. Bien sur, elles sont en état de provoquer un blocage qui oblige l’adversaire à céder. Et dès lundi nous allons pouvoir observer comment ces mobilisations se mettent en place avec la grève des transporteurs et des raffineries » faisant référence aux appels à la grève reconductible des routiers CGT et FO, de lundi prochain.

En forme de réponse à l’interpellation des organisations politiques et syndicales sur la nécessité de discussion commune pour un plan de bataille commun – voir l’appel de Besancenot à ne pas « la jouer solo » – mais aussi à ceux émergeant des militants de la France Insoumise et des syndicalistes en lutte contre la loi travail, Mélenchon a lancé : « Beaucoup sont venus nous dire, ‘’vous n’arriverez à rien si vous ne faites pas une action d’ensemble’’ », avoue-t-il. En ce sens, comme preuve de sa démarche unitaire, il a appelé les militants FI à appuyer « de toutes [leurs] forces toutes les mobilisations comme celles des retraités le 28 et celles que les syndicats vont convoquer le 10 octobre […] par nos ‘’casserolades’’ » et à rejoindre les cortèges syndicaux. Et en visant plus spécifiquement la jeunesse, qu’il appelle à « se joindre au mouvement » dans les universités et les facs. Une « unité » particulière, comme en témoigne la tribune et les interventions des plus insoumises, ou encore l’absence de critique quant à la division des dates, pourtant particulièrement problématiques pour construire un véritable « tous ensemble ».

Au-delà des dates annoncées par la CGT et les organisations syndicales, les prochaines échéances, Jean-Luc Mélenchon voudrait les construire avec les syndicats dont il souhaite « se rapprocher […] pour leur proposer de se mettre à notre tête, pour leur proposer le combat ». Probablement, en octobre, pendant les week-ends du 14 et du 15 ou alors du 21 et du 22, afin de faire venir le maximum de personnes. Une façon pour Mélenchon de se poser comme l’initiateur d’un grand mouvement d’ensemble, comme l’homme providentiel de la gauche. Derrière les syndicats, mais à l’initiative d’une nouvelle manifestation le samedi. La grève étant de faite mise dans les oubliettes.

Au-delà des dates posées par les syndicats, la prochaine échéance commune, Mélenchon l’envisage au moment où « le texte va revenir devant les assemblées. […] et nous serons en état, peut-être, je le souhaite, notamment avec le mouvement social et les organisations syndicales, si elles le souhaitent, [de mener] une action dense et forte comme par exemple déferler à un million sur les Champs-Élysées ». Mais aussi dès samedi prochain, « dans vos villes et vos villages », où il appelle les Insoumis à aller « avec des casseroles et [faire] le plus de bruit possible ».

Ces appels à se mettre « tous ensemble » dans la rue ont eu le mérite de faire mouche auprès du gouvernement. Et la réaction n’a pas tardé à se faire entendre, par la voix de son porte-parole, Christophe Castaner, qui a rapidement dénoncé des propos « indignes et déshonorants » de Jean-Luc Mélenchon, fustigeant « l’amalgame délirant » entre le gouvernement et les « nazis » que le porte-parole de la France Insoumise aurait soi-disant fait. Tentative de déformation des propos et de déstabilisation qui montre d’un côté que le gouvernement est à la défensive face à celui qu’il considère comme son « principal opposant », mais dans le même temps qu’il est bien plus préférable de voir le mouvement social se dérouler dans la rue le samedi, plutôt qu’en semaine, par la grève et les méthodes du mouvement ouvrier. En témoigne la déclaration par la police nationale elle-même d’une sécurité parfaite durant la manifestation, le tout relayé par Jean-Luc Mélenchon sur son compte Facebook.

L’unité…derrière la France Insoumise et ses députés ?

L’appel à la lutte, par la rue, de Jean-Luc Mélenchon n’est pourtant pas sans ambiguïté. Car si c’est la « rue qui a abattu le plan Juppé et le CPE », le Parlement reste pour la France Insoumise le premier lieu légitime et nécessaire de la lutte. Le leader de la France Insoumise a beau reconnaître que ses députés n’ont « pas pu modifier une virgule » du texte d’habilitation portant sur les ordonnances de la loi travail XXL, il continuera, pourtant à accorder toute sa confiance dans les résultats de la lutte parlementaire. « Pour que les ordonnances aient force de loi, déclare-t-il, il faut qu’elles repassent devant le Parlement. La bataille n’est pas finie. Elle commence ».

L’attente de la prochaine date du passage à l’Assemblée des ordonnances de la loi Travail pour décider d’une nouvelle mobilisation est une illustration cette conception du Parlement comme antichambre de la contestation sociale. Pour la France Insoumise et son leader, c’est l’agenda parlementaire qui doit dicter les rythmes de la mobilisation, et non l’inverse. Il s’agit dans le même temps d’enjamber le mouvement social, et les grèves sectorielles pour appuyer son combat parlementaire, en vue de préparer les prochaines échéances électorales.

La lutte contre le gouvernement « n’est [d’ailleurs] pas qu’une bataille sociale, c’est une bataille républicaine » déclare-t-il. En faisant référence au « coup d’État social » du gouvernement, en affirmant que « la loi doit rester au-dessus de tout car elle est le vote des citoyens », Mélenchon ne fait que contester la légitimité démocratique du gouvernement Macron… sans pour autant discuter la légitimité des institutions qui l’ont porté à la présidence. Sa contradiction, c’est qu’il met au-delà de tout soupçon cette « loi », et réaffirme sa confiance dans la « République » et ses institutions fondamentalement anti-démocratiques qui ont permis l’élection de Macron. Et comme débouché politique, il rappelle qu’au « bout de la rue, rappelle-t-il, il y a les élections ».

La « responsabilité » de la France Insoumise, construire « le label commun » de la gauche

« Si je vous ai beaucoup parlé de la responsabilité des organisations syndicales, il y a la nôtre ». Celle de construire « le label commun qui permet à tout le peuple qui permet, dans sa diversité de générations, d’appartenance politique de se rassembler dans cet état d’esprit rebelle et insoumis ».

Voilà le principal objectif de la participation de la France Insoumise à la contestation sociale dans la rue. Jean-Luc Mélenchon ne s’en cache pas – et il l’a déjà partiellement accompli avec le Parti Communiste – : subsumer les différences politiques de la gauche pour construire et élargir son organisation, en incarnant la principale force d’opposition au gouvernement. Le risque étant de voir le combat dans la rue et par la grève se refondre dans un combat électoral pour la France Insoumise. « Alors est-ce que c’est chacun pour soi ou est-ce que c’est tous ensemble ? » harangue Mélenchon en fin de discours. C’est « Tous ensemble », reprend la foule. À savoir si celui-ci se construira dans les prochaines batailles contre la loi travail par la grève, par le blocage de l’économie, ou dans une finalité purement électorale.

Fin de discours. La Marseillaise, entonnée par les députés France Insoumise est reprise par la foule. Et puis, d’abord timidement, puis plus fort, l’Internationale est lancée dans l’auditoire. La musique des haut-parleurs reprend alors, de plus en plus fort, jusqu’à l’étouffer.

 
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