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Grève

Trois usines Stellantis à l’arrêt : les grévistes de MA France déterminés face au chantage à l’emploi

Depuis le 16 avril, les salariés du sous-traitant automobile MA France sont en grève après avoir appris la fermeture programmée de l’usine. Après avoir mis trois usines Stellantis à l’arrêt, les salariés dénoncent la responsabilité du donneur d’ordre et exigent le maintien de l’emploi.

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Trois usines Stellantis à l'arrêt : les grévistes de MA France déterminés face au chantage à l'emploi

Crédits photo : MA France - Caisse de grève

Le mois dernier, les salariés de MA France, sous-traitant automobile à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, apprenaient la fermeture programmée de leur usine, suite à la décision du groupe Stellantis de réduire les « coûts » et de transférer la production en Turquie. Refusant de perdre leur emploi, plus de 90 % des ouvriers de l’usine se sont mis en grève. Une interruption de la production qui a conduit à la mise à l’arrêt de trois usines Stellantis : Poissy (Yvelines), Hordain (Nord) et Luton (Royaume-Uni). Après 13 jours d’arrêt total de l’usine, les salariés poursuivent la grève et dénoncent les manœuvres de la direction ainsi que la responsabilité de Stellantis, véritable patron dont dépend 80% de la production de l’usine.

Pour les grévistes, « le maintien de l’emploi, c’est la priorité »

Interviewé par Révolution Permanente, Abdel, élu CGT au CSE, revient sur les revendications des grévistes. Avec, en premier lieu, des « garanties quant au maintien de l’emploi », dans un contexte où 400 emplois sont menacés avec la fermeture programmée de l’usine. « Pour nous, le maintien de l’emploi, c’est la priorité » d’autant plus que, comme le rappelle le représentant syndical, avec 49 ans de moyenne d’âge, beaucoup des salariés sont déjà d’ex-PSA, « reclassés » au moment du rachat d’une partie des activités du groupe par CLN, en 2003.

Dès la première réunion avec les grévistes, la direction a tout de suite évacué la question du maintien de l’emploi, prévenant les salariés que, dans le meilleur des cas, l’entreprises n’avait que quelques mois à vivre. Dans Le Parisien, un salarié explique « pour la direction, c’est fini. On a compris qu’elle avait encore besoin de nous trois ou quatre mois ». Pire, faisant du chantage à l’emploi, « la direction a fait comprendre [aux grévistes] : avec ce que vous êtes en train de faire, c’est le dépôt de bilan garanti. »

« Carlos Tavares, tu mets 280 familles au chômage » : les grévistes pointent une « casse sociale » orchestrée par Stellantis

Alors que Stellantis justifie de déplacer en Turquie la production de l’usine, qui fabrique des pièces de carrosserie et de châssis, sous prétexte que MA France « rencontre des difficultés structurelles de compétitivité qui le handicapent dans l’acquisition de nouveau marchés » et que « le contexte inflationniste (matière, main d’œuvre, énergie) impacte d’autre part sa rentabilité », les grévistes pointent le décalage entre ce discours et les milliards d’euros de bénéfices réalisés par l’entreprise.

Comme le souligne le communiqué publié par la CGT MA-France le 26 avril dernier, Stellantis a réalisé un chiffre d’affaires net de 189,5 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 6% par rapport à l’année précédente, distribuant 6,6 milliards d’euros à ses actionnaires. Dans le même temps, la rémunération de Carlos Tavares, PDG du groupe, a atteint les 36,5 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de 56% en un an.

Les grévistes pointent ainsi une « indécence, un mépris et une violence patronale », qui a conduit certains salariés à mener leur première grève après des dizaines d’années passées dans l’entreprise. « On a des salariés qui sont des ex-PSA, qui ont 35 ans d’ancienneté, et qui font leur première grève car ils ont compris qu’il y a quelque chose d’inadmissible. Ils se disent : on a contribué à faire grandir l’entreprise, et on est jetés comme des chiens. »

Pour Abdel, il y a de fait une stratégie de la direction et de Stellantis de faire pourrir la grève, pour éviter la contagion : « Il serait plus simple pour Stellantis qu’on reprenne le travail. Quand on met en rapport nos demandes, l’impact généré et les pertes, on ne comprend pas leur position. En fait, ils n’ont pas envie de céder facilement, car ils ont peur que ça influence leurs autres effectifs. »

De fait, Stellantis a tout à gagner à circonscrire la grève et à étouffer le mouvement, dans un contexte où les politiques de « restructuration » se sont accélérées. Sur les derniers mois de l’année 2023, c’est près de 1800 intérimaires qui ont été licenciés, tandis que l’entreprise, après avoir intensifié le recours à la sous-traitance, cherche aujourd’hui à « réinternaliser » certaines branches d’activités pour accélérer l’intégration de nouveaux constructeurs au groupe.

Pour faire plier Stellantis, généraliser la grève des sous-traitants aux donneurs d’ordre

Si la direction, sous le patronage de Stellantis, continue d’opposer une fin de non-recevoir aux grévistes, la grève des salariés de MA France met le gouvernement face à son hypocrisie. L’arrêt forcé des usines de Poissy et Hordain, qui met plus de 4000 salariés au chômage technique, n’est pas passée inaperçue, conduisant Bruno Le Maire à devoir se prononcer.

Sur RMC, le ministre de l’économie a déclaré qu’il était nécessaire « que les grands donneurs d’ordre aient une attention d’autant plus forte à leurs sous-traitants » et que « les grands doivent faire attention aux petits. » Des paroles qui n’engagent à rien, comme le pointe le dernier communiqué des salariés : « ‘Bruno demande’ au patronat et la caravane de la casse industrielle continue de passer. » En ce sens, la réunion des donneurs d’ordre convoquée par le ministre le lundi 6 mai apparait, au mieux, comme une nouvelle mascarade.

Déterminés à faire plier Stellantis, les salariés ont voté hier la poursuite de la grève et se déclarent « déterminés à défendre durement leurs droits et leur avenir ». Pour les soutenir et permettre à la lutte de se poursuivre, une caisse de grève a été lancée par les salariés, tandis qu’un rassemblement est appelé le lundi 6 mai à 9h devant le tribunal d’instance de Bobigny, à l’occasion de l’audience de la direction de MA France, qui compte se déclarer en cessation de paiement.

Alors que la direction et Stellantis comptent sur le pourrissement de la grève pour faire accepter la fermeture de l’usine et la perte de leurs emplois aux salariés, il est nécessaire, en plus d’apporter un soutien aux grévistes, que la grève se poursuive et s’étende à d’autres sous-traitants, mais aussi au donneur d’ordre.

Non seulement en solidarité avec les salariés de Stellantis, mais aussi pour la défense et le maintien de l’emploi au sein de l’entreprise, dans un contexte où la casse sociale s’accélère dans l’automobile. Alors que les équipementiers et les donneurs d’ordres font aujourd’hui des bénéfices records sur le dos des salariés – Stellantis, Renault et Michelin ayant cumulé à eux seuls un bénéfice net de 22,9 Md€ (+ 24,5 %) en 2023 – c’est en effet 500 000 emplois qui sont menacés dans l’automobile en Europe d’ici 2040.


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