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Cheminot-bashing

Transports : l’accord sur les fins de carrière montre la fébrilité de la SNCF et du gouvernement

A l'approche des JO, les cheminots ont arraché, sous la menace d'une grève des contrôleurs, un accord sur les fins de carrière. Une concession limitée qui vient cependant illustrer la fébrilité de la SNCF et du gouvernement, ainsi que la potentialité pour les cheminots d’être le fer de lance d'une mobilisation d'ampleur.

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Transports : l'accord sur les fins de carrière montre la fébrilité de la SNCF et du gouvernement

Crédit photo : Creative Commons CC0

Dans le cadre de la bataille contre la retraite à 64 ans, les négociations interprofessionnelles ont rapidement été orientées vers la reconnaissance de la pénibilité pour tenter de faire passer la pilule (sans succès puisque plus de 80% des actifs étaient contre le projet passé en 49-3). Depuis les années 2000, c’est la troisième contre-réforme ayant un impact sur l’âge de départ des cheminots. C’est face à ce constat, et à la menace de grève à l’approche des JO, que les quatre organisations syndicales représentatives à la SNCF ont été reçues par Jean-Pierre Farandou, l’actuel PDG de la SNCF, pour mettre à jour l’ancien accord pénibilité. De l’aveu même de la direction, cet accord était si daté qu’il était utilisé par moins de 15% des pré-retraités.

Un accord obtenu sous la menace d’une nouvelle grève des contrôleurs à quelques encablures des JO

Contrairement à ce qui est dit partout, ce ne sont pas uniquement des menaces de grève pendant la période même des JO qui ont permis aux cheminots d’obtenir cet accord. Néanmoins, le contexte général pré-JO, dans lequel le patronat cherche par tous les moyens à désamorcer une colère qui ne cesse de monter à la SNCF, comme les différentes grèves catégorielles le démontrent ces derniers temps, est propice à mettre des coups de pression au patronat, qui tente même de faire interdire la grève dans certaines périodes. C’est également les grèves catégorielles des contrôleurs qui ont rappelé la nécessité de revoir la fin de carrière avec une meilleure reconnaissance de la pénibilité. Certaines mesures découlent donc de ce qui a été obtenu au contrôle.

Globalement il s’agit de permettre une cessation progressive de l’activité sur une période allant de 18 à 36 mois (le maximum uniquement pour les contrôleurs) et qui serait payée à temps complet sur les périodes travaillée (75% sur les périodes non travaillées, la moitié du temps) et surtout de continuer à cotiser pour sa retraite comme à temps plein.

On est donc loin des gros titres qui annoncent 3 ans payés à ne rien faire.

Évidemment si l’entreprise est satisfaite d’avoir signé cet accord c’est qu’elle y trouve également son compte. D’abord, la direction de la SNCF s’évite une nouvelle grève des contrôleurs, après celle de février, notamment pendant les ponts au mois de mai. L’accord permet également au gouvernement de s’éviter une nouvelle crise à quelques encablures des JO et ainsi de tenter de préserver la « paix sociale » qui, malgré cet accord, est loin d’être acquise pour la direction de la SNCF.

Une reconnaissance partielle de la pénibilité qui concernera peu d’agents

Sur la pénibilité, l’accord vise à compenser, quoique partiellement, la perte des éléments variables de solde (par exemple liés au travail de nuit) liés à la sortie d’un métier pénible qui entraîne mécaniquement des baisses de rémunération, mais seulement sur trois ans et de façon dégressive. Cela ne concerne que peu d’agents, ceux en 3X8 ou en horaires décalés (certains conducteurs, contrôleurs, aiguilleurs, maintenance) depuis plus de 20 ans et qui souhaitent changer de métier.

La reconnaissance de la pénibilité est un sujet important souvent renvoyé aux calendes grecques après avoir servi de bouée de sauvetage aux directions syndicales (Laurent Berger en tête) au moment des diverses tentatives de contre-réformes. Il y a un an, le patron de la CFDT expliquait concernant la réforme des retraites que "si il n’y a pas de dispositif de pénibilité [...] ça ne peut pas fonctionner" faisant de cette question une ligne rouge qui lui aurait servi à justifier de céder sur le reste et notamment l’âge de départ à la retraite. Si de nombreuses études démontrent l’impact sur la santé du travail en horaires décalés par exemple, le patronat, lui, se bat pour que toujours moins de critères entrent en compte dans la reconnaissance des métiers pénibles et donc que de moins en moins de secteurs du monde du travail soient concernés par des mesures comme la cessation progressive d’activité.

D’autres métiers dans le monde du travail sont évidemment concernés par la pénibilité et il est évident que rien n’est plus simple que de le reconnaître. La pénibilité au travail est un vrai sujet de société, qui concerne les cheminots, mais tout un tas d’autres métiers, des agents de nettoyage aux raffineurs, en passant par de nombreux métiers comme les éboueurs, ceux d’aide à la personne ou encore de la logistique. Cette liste ne cesse par ailleurs de s’étendre à mesure que le grand patronat et le gouvernement à son service cassent les acquis sociaux, les conditions de travail et que l’âge de départ à la retraite augmente. Face à la généralisation de la pénibilité au travail, en minimiser les effets serait pourtant une formalité. Le problème, c’est que cela vient juste toucher aux profits du patronat.

Personne ne peut ainsi ignorer que des travailleurs de plus de 60 ans ne peuvent pas, dans la grande majorité, continuer d’exercer des métiers pénibles. Personne ne souhaite non plus les embaucher. Partant de là ce qui leur est réservé, d’autant plus après la contre-réforme des retraites, c’est la misère après toute une vie de travail pénible. Malgré ce qui est raconté dans les médias, l’accord - loin d’être optimal - ne va concerner qu’une infinité de personnes au sein-même d’une seule entreprise. Loin donc de s’en contenter, notre logique devrait donc être d’améliorer substantiellement ce type de mesures et de les généraliser à l’ensemble du monde du travail. Car, en réalité, cet accord ne représente que quelques miettes arrachées au patronat au regard de toutes les attaques concernant les critères de pénibilité d’une part et l’allongement du travail avant le départ à la retraite d’autre part.

Un accord à minima pour tenter de canaliser la colère et promouvoir le « dialogue social »

Cette concession de la SNCF, qui pourrait coûter plusieurs « dizaines de millions d’euros », constitue ainsi une goutte d’eau au regard des 1,3 milliard d’euros de bénéfices effectués en 2023 sur le dos des cheminots et des usagers qui paient le train de plus en plus cher pour un service de plus en plus dégradé. Aussi, la SNCF compte bien s’y retrouver sur le long terme car elle va devoir, en partie, recruter pour remplacer les agents qui vont utiliser ce dispositif (dans une entreprise où le recours aux intérimaires et contrats précaires devient la règle), mais surtout cela va mécaniquement accélérer la mise à mort progressive du statut et économiser en masse salariale sur le long terme. En d’autres termes, une concession minime qui vise également à promouvoir la « plateforme de progrès social », l’autre nom du « dialogue social » revendiquée par le PDG Jean-Pierre Farandou. Mais ce que montre également en creux cet accord arraché à la direction de la SNCF, c’est la crainte du gouvernement que la colère cheminote finisse par déboucher, non sur le terrain du « dialogue social », mais d’une mobilisation plus radicale.

Et les raisons de la colère, il n’en manque pas. La question de la pénibilité est loin d’être le seul sujet qui préoccupe les cheminots aujourd’hui, comme d’autres secteurs du monde du travail. Les salaires, les conditions de travail tout au long de la vie professionnelle, le sous-effectif font partie des principales préoccupations, sous fond d’un mépris et d’un cheminot-bashing constant, des attaques contre le droit de grève et d’une répression qui risque de s’aggraver dans les semaines et mois à venir. Contrairement à la volonté de la direction de la SNCF et de son PDG, le climat social risque de ne pas s’apaiser à l’approche des JO, à l’image des grèves qui se préparent pour la fin mai à l’appel de plusieurs organisations syndicales à la SNCF.

Dans le contexte des JO, et de l’ensemble de la politique répressive du gouvernement, de la mise au pas de la jeunesse et du monde du travail, les cheminots pourraient jouer le rôle de locomotive en s’appuyant sur leur pouvoir de blocage et en portant des revendications qui concernent l’ensemble du monde du travail, pour une retraite à 60 ans pour toutes et tous, 55 ans pour l’ensemble de métiers pénibles, pour l’indexation des salaires sur l’inflation et des augmentations immédiates pour tous. Plus largement, les cheminots qui ont acquis une importante tradition de lutte ont une responsabilité particulière dans la lutte contre le saut répressif en cours qui vise les soutiens à la Palestine. Face à une telle offensive, l’amélioration, aussi minime soit-elle, de l’accord sur la pénibilité à la SNCF montre qu’il existe des brèches pour arracher des victoires face au patronat.


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