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Austérité déguisée en acquis

Un revenu universel de 800€ en Finlande ?

Renan Granger Le gouvernement finlandais vient d’annoncer qu’il allait mettre en place une allocation universelle pour tous les citoyens, progressivement à partir du mois de novembre 2016. Les grands médias français s’enthousiasment déjà autour de cette mesure, certains parlant même de « révolution ». Pourtant, une fois l’effet médiatique passé, ce « revenu universel » ressemble davantage à une mesure d’austérité déguisée.

Renan Granger

10 décembre 2015

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Bientôt, tous les Finlandais pourraient recevoir une allocation universelle de 800 euros. Une bonne nouvelle ? Quand on sait que le gouvernement finlandais est friand des programmes d’austérité, et que l’idée vient de l’économiste Milton Friedman en personne, chantre de l’ultralibéralisme, on comprend qu’il doit y avoir anguille sous roche. Et en effet, en y regardant bien, cette mesure « sociale » est en réalité une gigantesque supercherie.

L’allocation proposée va ainsi remplacer toutes les autres prestations sociales : indemnités de chômage, pensions de retraite ou encore sécurité sociale. Et comme le soulignent déjà beaucoup d’analystes, pour un pays à la vie aussi chère que la Finlande, une fois supprimées les allocations sociales, un budget de 800 euros ne permet de vivre que très chichement ; d’autant plus que cela concernera tout le monde, comme par un exemple un employé qui pouvait gagner deux ou trois fois plus avant de se retrouver au chômage. En Finlande, le salaire mensuel moyen brut est de 2.989€ par mois ! De nombreux médias insistent également sur l’effort financier de l’Etat qui devra débourser 50 milliards par an ; mais ce chiffre est trompeur. Il faut en effet le ramener au PIB finlandais : on se rend compte alors que cela n’en représente que 18,7%. En comparaison, en France, les prestations sociales représentaient en 2010 autour de 22% du PIB.

C’est donc par une méthode de communication finement rodée du gouvernement finlandais, et largement relayée par les médias français, que cette mesure devient comme par magie « sociale ». D’autant plus que la Finlande va dans un premier temps « tester » la mesure sur un échantillon de chômeurs qui seront payés 550€ par mois, sans prestation sociale, c’est-à-dire une misère : des économies en perspective pour le gouvernement ! Ce dernier ne cache d’ailleurs pas son intention réelle en mettant en place cette mesure : « encourager les chômeurs à prendre un travail à temps partiel et simplifier le système de prestations sociales ». En plus du renforcement de la pression sur les chômeurs payés une misère quel que soit le salaire qu’ils gagnaient auparavant, cette réforme permet de détricoter le système de prestations sociales arraché au patronat par les travailleurs dans leurs luttes. En rapatriant le salaire indirect (sécurité sociale, chômage, retraites) des travailleurs finlandais en une allocation universelle, le gouvernement va rendre plus opaque la gestion du système de prestations sociales. Si le gouvernement baisse l’allocation universelle, il faudra être un expert pour savoir quelles seront les conséquences en termes de baisse de remboursement des soins ou d’avancement de l’âge du départ à la retraite.

Avec ce faux « salaire universel », le gouvernement finlandais cherche à faire avaler l’austérité, à détruire les fondements de la protection sociale, et à atomiser nos luttes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que cette idée commence à faire des émules en Suisse et aux Pays-Bas. Si nous pourrions tous être tentés par l’idée d’un « salaire universel », aucun crédit ne peut être apporté à cette mesure qui, bien qu’elle surfe sur la campagne de désinformation des médias français, constitue bel et bien une attaque contre les travailleurs et les classes populaires.

Il y a par contre des mesures qui pourraient réellement apporter une réponse de fond à la misère et à la précarité croissantes : la réduction du temps de travail sans réduction de salaire jusqu’à en finir avec le chômage, la hausse généralisée des salaires et leur indexation sur le coût de la vie. Mais cela risque de moins plaire à Milton Friedman et ses amis…


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