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Ce mercredi à l’Assemblée

Vote de la loi prostitution : un simulacre de lutte contre le proxénétisme et précarisation extrême des travailleur-euses du sexe

Cet après-midi, la proposition de loi socialiste sur « la lutte contre le système prostitutionnel » a été votée mercredi après-midi au parlement après trois ans de navettes parlementaires. Rose Bizon

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Bien qu’elle permette l’abrogation de la loi « dite Sarkozy » du 18 mars 2013 définissant le délit de racolage passif par lequel la prostitution était qualifiée de délinquance, ne permettant pas aux personnes se prostituant de témoigner sans être reconnues coupables d’infractions, la proposition de loi votée cet après-midi à l’assemblé n’aura pas d’effets sur la lutte contre les réseaux de proxénétisme et menace d’aggraver l’ostracisation des travailleur-euses du sexe.

Du statut de délinquant à celui de victime

Ce texte est censé opérer une « inversion du rapport de force » selon la députée PS Maud Olivier, qui fut l’une des fondatrices du projet de loi. La délinquance ne se situerait donc plus du côté de la personne en situation de prostitution, mais du client que la loi veut « responsabiliser » en le sanctionnant d’une amende de 1 500 € en cas d’« achat d’acte sexuel » (termes cités du texte de loi). La personne en situation de prostitution, quant à elle, passerait du statut de délinquante à celui de victime, une personne à protéger. Ainsi, une série de mesures d’aide et d’accompagnement à la sortie de la prostitution est proposée dans le texte de loi. Mais quid des personnes en situation de prostitution qui continuent leur travail dans la prostitution ? L’article 3 de la proposition de loi reste très flou sur le sujet en proposant « d’ouvrir le droit, à toute personne victime de la prostitution, de bénéficier d’un système de protection et d’assistance, assuré et coordonné par l’administration en collaboration avec les divers services d’insertions sociales » puis enchaîne sur le parcours de sortie de la prostitution sans revenir sur les personnes en situation de prostitution restant dans la prostitution. Le texte de loi ne parle pas, ou de manière évasive, d’aide pour les personnes en situation de prostitution qui se prostituent, seulement pour celles qui souhaitent sortir de la prostitution. Cette démarche abolitionniste met ainsi l’accent sur la sortie de la prostitution au détriment de ceux qui continuent à travailler dans la prostitution. La protection des personnes en situation de prostitution passerait par la reconnaissance à minima d’un statut. Or avec cette loi, aucune réforme de protection des personnes en situation de prostitution continuant de se prostituer n’est mis en œuvre. Les personnes en situation de prostitution restent réprimées. Cette loi ne va rien changer aux conditions d’exercice de la prostitution ni instaurer un respect du gouvernement pour les personnes en situation de prostitution. Le travail du sexe continuera d’être stigmatisé et criminalisé en France.


Une loi « responsabilisante » fondée sur la peur du gendarme

En sanctionnant les clients par une amende, le premier objectif de la proposition de loi est d’obtenir « un effet dissuasif ». « La peur du gendarme a toujours fonctionné en France », assure Maud Olivier. « Quelques opérations symboliques permettront d’envoyer un signal », annonce Catherine Coutelle, députée PS également. Maud Olivier compte donc responsabiliser ses chers concitoyens par la peur. Le recours au procédé de terreur semble donc s’élargir à toutes les politiques du gouvernement depuis l’Etat d’urgence (on ne compte plus les répressions policières). La loi ne cherche pas tant à faire prendre conscience aux clients de leur éventuelle responsabilité sur l’entretien des réseaux de proxénétisme qu’à les inquiéter simplement d’une répression sous la forme d’une amende.


L’inefficacité d’une loi à l’application incertaine dans lutte contre le proxénétisme 
 

La pénalisation de l’achat d’un acte sexuel n’a aucun effet sur la réduction des réseaux de proxénétisme. Pénaliser les clients, c’est prendre le problème à l’envers. De plus, l’application concrète de la loi semble très compliquée. Si un client a été aperçu pendant l’achat d’un acte sexuel par un policier, il recevra un PV dans sa boite aux lettres pour une convocation au tribunal de police. Ce sera donc au parquet ou à un juge d’instance de décider du montant de l’amende. Toutefois la nature de la contravention pose le problème de la preuve. Que se passe-t-il si tout le monde nie les faits ? Comment acter l’achat d’un acte sexuel ? D’ailleurs le texte de loi a été voté sans étude d’impact donc sans anticipation de moyens… Ce qui permet d’anticiper son inefficacité.

Le texte de loi sur « la lutte contre le système prostitutionnel » est donc un texte qui pénalisera les clients mais surtout les personnes en situation de prostitution. « Pour conserver leur clientèle, elles devront d’autant plus se cacher. Pour protéger leurs clients, ce sont elles qui s’exposeront à plus de risques », prévient l’association Médecins du monde. On se demande aussi quelles classes sont visées par cette loi, et ce qu’il en sera de la pénalisation des clients riches qui viennent à Paris pour se payer des personnes prostituées de luxe. On est donc loin d’une « révolution » comme l’annonce un article du Monde mais bien dans le continuum de la répression des personnes en situation de prostitution qui entraine la précarisation de ces dernières. La répression des personnes en situation de prostitution est le miroir des dynamiques patriarcales et sexistes du capitalisme, où elles sont considérées comme des victimes prises en charge par le gouvernement qui refuse de leurs octroyer un statut de travailleur-euses et par conséquent, des droits.


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