Après avoir versé des larmes de crocodile devant la découverte tragique du corps du jeune Aylan et s’être construite toute une image humaniste autour de l’annonce de l’accueil massif de réfugiés en septembre, la chancelière a rapidement révélé les véritables couleurs de sa politique : simplification des procédures d’expulsions des demandeurs d’asile et restriction du regroupement familial, y compris pour les réfugiés syriens. Devant les 1000 déléguées du congrès de son parti, elle a annoncé lundi 14 décembre la réduction prochaine « du nombre de migrants arrivant en Allemagne ».

Pour défendre sa politique, elle ressort un argument qui n’a de cesse de revenir dans la bouche des politiciens depuis plusieurs décennies : aucune alternative, aucune autre politique n’est possible. « L’Allemagne a les épaules solides et est prête à prendre une part de responsabilité » a affirmé la chancelière. « Mais aucun pays, et pas non plus l’Allemagne, ne peut remplir seul cet espoir » a-t-elle poursuivi. C’est ce même argument qui justifie les politiques d’austérité depuis plusieurs années. Pourtant, l’institut IfW de Kiel estime que l’accueil des réfugiés coûterait entre 20 et 50 milliards d’euros par an, soit 2 % du PIB allemand, ce qui serait « faisable au vu de la situation économique du pays » selon l’institut.

Le durcissement de la gestion du dossier migratoire par la chancelière s’inscrit dans le climat toujours plus réactionnaire qui s’installe progressivement dans le pays. En effet, l’extrême-droite se montre de plus en plus à l’offensive. Le groupe PEGIDA (« Patriotes contre l’islamisation de l’Occident »), créé en 2014, organise par exemple tous les lundis des manifestations contre la soi-disant islamisation du pays et l’accueil des migrants. Son principal dirigeant Lutz Bachmann a d’ailleurs traité à de nombreuses reprises ces derniers de « bétail » et de « racaille ». La base de la CDU est par ailleurs très peu convaincue de la politique menée jusque-là par Merkel : alors que le pays s’apprête à dépasser la barre d’un million de migrants accueillis, une part croissante de l’opinion publique ainsi que les cadres et les adhérents de base de la CDU considèrent pour la plupart d’entre eux que le pays a déjà largement dépassé ses capacités d’accueil. Rendant ainsi les rapports entre la chancelière et son parti de plus en plus compliqués.

Afin d’apaiser les esprits en interne, elle a annoncé que sa nouvelle politique serait soumise au vote devant les délégués du parti. Par ce choix, elle espère également retrouver une légitimité renforcée en vue des élections de 2017, mais aussi retrouver du crédit politique pour avoir les moyens de sa politique envers l’étranger. En effet, Merkel cherche depuis plusieurs semaines à renforcer la coopération européenne avec la Turquie sur la question des migrants. Obtenir le soutien de son parti, avec un tel vote, à la vieille du Conseil européen qui se tiendra jeudi 17 décembre à ce sujet devrait lui permettre de mieux s’imposer devant les autres dirigeants européens.