Celeste Murillo

Le résultat du débat très attendu pour la présidentielle américaine pourrait se résumer avec la blague qui a circulé dans les réseaux sociaux : le vainqueur ce soir c’est la peur que l’un de ces deux candidats dirige le pays le plus puissant au monde.

A l’issue du débat, les sondages disent, par la voix de la CNN, que Clinton a gagné avec 62% de soutiens. Bien que l’écart ait été faible sur les thèmes économiques (47% contre 51% pour Trump), la secrétaire d’Etat s’est clairement imposée en matière de politique étrangère (65% contre 35%).

Le débat, qui a duré 90 minutes, a été ouvert par la discussion sur l’économie qui continue à être l’un des sujets qui inquiète le plus la population étatsunienne dont une majorité subit encore les conséquences de la crise ouverte en 2008. Les candidats ont démontré, par leurs réponses vagues, qu’aucun des partis n’a un programme capable de répondre aux problèmes qui touchent la majorité de la population : les inégalités et les emplois précaires. C’est pourtant cela que dénonçait, aux alentours de l’université où se déroulait le débat, le mouvement pour un salaire minimum.

Chaque candidat s’est adressé, dès le départ, à ses électeurs. Hillary Clinton a choisi deux thématiques liées aux femmes pour ouvrir et fermer sa participation au débat : elle a commencé en parlant des inégalités salariales et des congés de maternité et en prenant la défense de l’ex Miss Univers, Alicia Machado, qui avait été la cible de déclarations misogynes de la part du candidat républicain. Donald Trump, quant à lui, a axé son discours sur les accords de libre échange et les délocalisations. Aucun n’a pris le risque de tenter d’attirer un électorat plus large chacun se contentant de viser, par son discours, la consolidation de sa base électorale.

Deux candidats impopulaires « se tirant dans les pattes »

Clinton a attaqué Trump en le traitant de « privilégié ». Elle tentait, de cette façon, de répondre aux attaques permanentes du milliardaire sur son « ascendance » politique et économique. A la différence d’autres moments de sa campagne, Trump a réussi, cette fois, à tempérer son populisme et à concentrer ses attaques sur le fait que Clinton fait partie du système depuis 30 ans.

Les deux candidats ont essayé de capitaliser les faiblesses de leur rival. Trump a attaque Clinton en affirmant qu’il ne publierait pas sa déclaration d’impôts tant que la candidate démocrate ne rendrait pas publique le contenu des milliers d’emails officiels qu’elle a envoyés depuis une boite mail personnelle. Un scandale qui a éclaté pendant les primaires et qui semble poursuivre la candidate démocrate jusqu’aux élections générales.

Tout au long du débat, il a maintenu sa ligne d’attaque axée sur l’appartenance de Clinton à l’élite politique en rappelant son passé en tant que sénatrice et secrétaire d’Etat (ministre des affaires étrangères). Clinton a essayé de répondre aux critiques du milliardaire en rétorquant sur ses préparatifs pour occuper la Maison Blanche et en rappelant les pires déclarations du candidat républicain. Le principal avantage de la candidate démocrate continue à être Trump lui-même, et cela s’est confirmé lors du débat.

Que ce soit sur la politique étrangère ou sur les politiques fiscales, Clinton a envoyé un message clair aux alliés des Etats Unis et à l’establishment (démocrate et républicain) : elle s’affirme comme une femme d’Etat, prête à diriger les intérêts de l’impérialisme nord-américain dans le monde.

Le débat a trouvé un « protagoniste » inattendu en la personne du président russe, Vladimir Poutine, mentionné par Hillary Clinton pour les éloges que Trump lui a adressés.. Dans une manœuvre double Clinton a simultanément souligné ses qualités en tant que « faucon » étatsunien et dénigré le milliardaire qu’il est : « ça m’a surpris quand Donald a invité publiquement Poutine à hacker les nord-américains. Cela est tout simplement inacceptable… Donald ne peut pas être le commandant en chef ».

Trump, qui représente « la conjuration de toutes les peurs » pour les hauts fonctionnaires et les conseillers des deux partis, s’est adressé à ses électeurs et a fait appel à la frustration des secteurs qui pensent que les Etats Unis doivent s’occuper de leurs propres problèmes et abandonner la scène internationale.

S’il y a un point sur lequel les deux candidats ont convergé, c’est le silence sur les causes profondes du racisme et la responsabilité de la police dans les cas d’assassinat d’afro-américains. Silence par exemple, sur les brutalités policières dont le dernière épisode a eu lieu dans la ville de Charlotte, en Caroline du Nord, où la police a assassiné Keith Lamont et tué un manifestant lors de manifestations contre le racisme.

Clinton s’est contentée de déplorer que l’origine ethnique des personnes soit encore source de différences et d’affirmer que c’était un défi que de restaurer la confiance entre la communauté et la police. Avec un cynisme surprenant et dans la continuité de Barak Obama, elle a pointé « l’épidémie d’armes » comme la responsable des meurtres des jeunes Noirs, alors que la police est le porteur d’armes le plus important et dangereux aux Etats Unis et a assassiné déjà plus de 820 personnes en 2016 (la plupart des afro-américains), selon Use of Force Project Policy.

Trump a profité de l’opportunité pour se présenter à nouveau comme le candidat de « l’ordre et de la loi » et pour insister sur sa rhétorique droitière. Il a affirmé que « dans un pays en guerre » il était nécessaire de renforcer l’autorité de la police. Les jours précédents le candidat républicain avait revendiqué la très critiquée méthode « stop-and-frisk » (arrêter et palper) qui donne un pouvoir illimité à la police pour arrêter les personnes sans motif. Cette mesure a été déclarée anticonstitutionnelle en 2013 après avoir été utilisée par l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani pendant des années. Ce qui s’est traduit par une claire politique raciste contre les communautés noires et latines. La candidate démocrate a profité de la polémique soulevée dans le débat pour souligner le profil droitier de Trump autour d’un autre point sensible pour des secteurs clé de son électorat, les latinos et les afro-américains.

Après le débat, quelles suites ?

Rien ne démontre que le premier débat ait changé profondément le paysage électoral. Cependant Clinton qui arrivait avec à peine deux points au dessus de Trump a réussi le premier test public après la nomination démocrate.

L’ex secrétaire d’Etat avait eu du mal lors des débats avec Bernie Sanders, son rival démocrate, et était arrivée à la dernière partie de la campagne interne mise en difficulté par les scandales autour de sa participation dans le gouvernement d’Obama, la fondation Clinton et les inquiétudes sur son état de santé. Clinton a réussi, mais n’enchante pas.

Trump a eu le plus mauvais rôle, après avoir réussi tous les débats républicains, plutôt grâce à la faiblesse de ses adversaires qu’à sa propre force. Bien qu’il ait attaqué fermement Clinton il n’a pas réussi à se montrer comme un homme d’Etat. A la fin du débat, il a simplement confirmé qu’il est le porte-parole de la base de droite du parti, mais cela ne semble pas suffisant pour aligner l’ensemble des républicains derrière lui.

La crise qui s’est exprimée lors des primaires comme rejet des candidats de l’establishment et qui a couté l’unité du parti aux Républicains, se confirme dans les élections générales avec deux candidats qui ne génèrent aucun enthousiasme et se contentent de gagner des voix grâce à l’impopularité de l’autre.