La loi Dodd-Frank constituait le cœur de la réforme financière votée par le Congrès états-unien dans le sillage de la crise qui a poussé l’économie mondiale au bord de l’effondrement. Cette loi a institué une série de règles plus que timides en matière d’activité bancaire et financière qui devait néanmoins limiter les pratiques les plus toxiques de la finance. Elle a créé une agence de protection des consommateurs, accru la surveillance des banques « too big to fail » (trop grosse pour échouer, faire faillite), imposé des niveaux de capitalisation plus importants, limité la spéculation pour compte et obligé les banques à avoir une feuille de route en cas de faillite afin d’éviter la nécessité d’un sauvetage fortement contesté.

Des millions de personnes, surtout des travailleurs, des femmes, des personnes de couleur, ont vu leurs vies détruites, leurs maisons reprises, leurs retraites se volatiliser et leurs emplois disparaître dans la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression. Pourtant les grands financiers et actionnaires ne ressentent aucune gêne à dénoncer « l’asphyxie » dont ils seraient victime depuis cinq ans. Trump lui-même plaint publiquement ses amis patrons qui « ont de belles entreprises, mais qui n’arrivent pas à emprunter de l’argent ». Qui de mieux, donc, qu’un homme d’affaires multimilliardaire et sa bande d’anciens PDG devenus ministres pour libérer la finance de son oppression si scandaleuse !

Passés les délais règlementaires fixés par la loi, le nouveau ministre de l’Économie William Ross, issu lui aussi de l’élite de Wall Street, et la majorité républicaine au Congrès auront les mains libres pour renverser les quelques maigres protections dont bénéficiaient la population états-unienne contre les activités financières les plus prédatrices.

Pour l’instant, les représentants de Wall Street se font discrets dans les médias, cherchant à éviter de s’attirer les foudres d’une opinion publique lasse de la caste politicienne corrompue et des requins assoiffés de la finance avant que l’opération ne soit terminée. Mais leur extasie jubilatoire n’est pas difficile à entr’apercevoir : la Bourse de New York atteint en effet des records historiques depuis l’élection de Trump. Et la signature de ce nouveau décret ne fait que booster la confiance des actionnaires. On est ici bien loin de « l’asphyxie ».

Malgré une baisse du taux de chômage et une augmentation du taux de croissance, la précarité et l’insécurité économique restent la règle pour la majorité de la population aux États-Unis. La reprise des activités les plus nocives en matière de spéculation risque d’aggraver cette situation et, couplée avec le reste de la nouvelle politique économique de Trump, elle pourrait très bien plonger le pays et le monde entier dans une crise économique nouvelle.

En attendant, la fête est loin d’être finie à Wall Street et Trump en est l’invité d’honneur.