Le coût estimé de l’organisation des Jeux serait de 6 milliards d’euros. Bien qu’il soit moindre que celui de Londres en 2012 (qui avait prévu 4,8 mais avait finalement dépensé 10,7 milliards) ou encore de Pékin en 2008 (2,6 milliards prévus pour un résultat à plus de 30 milliards), c’est déjà une somme colossale. Mais au-delà de la dépense, d’autres problèmes se posent. Les arguments pour accueillir ce genre d’événement sont toujours les mêmes : « cela engendrera des emplois et fera rentrer de l’argent ». Or, il y a ce qui est censé entrer, mais en revanche on sait surtout ce qui va commencer par sortir : 60 millions d’euros déjà prévus (avec dépassement possible) pour la simple candidature, constituant alors une perte sèche si Paris n’est pas retenue comme les trois fois précédentes. Et si la capitale emporte le morceau, il y a fort à parier que les 6 milliards seront largement dépassés. Depuis 1988 et les Jeux de Séoul, seuls les JO d’Atlanta de 1996 avaient réussi à ne dépasser que de très peu les coûts estimés, les autres ayant doublé voire plus.

Du côté des emplois, il y en aurait, certes, mais pour une durée bien déterminée et dans des conditions déplorables. Le besoin d’une main d’œuvre massive à l’instant t ne va en aucun cas permettre d’éviter la précarisation des travailleurs recrutés pour l’occasion, vu qu’à la fin des travaux, la plupart des contrats ne seront pas reconduits. Pire, même si officiellement Paris dispose déjà d’un certain nombre d’installations sportives, il faudra en bâtir et les délais urgents ajoutés au besoin d’économie ne garantissent en aucun cas la sécurité des ouvriers sur ce genre de chantiers (en l’occurrence le village et la piscine olympiques, qui devraient se situer en Seine-Saint-Denis), au point que les conditions de travail peuvent en devenir inhumaines : à Pékin, ce sont 6 morts qu’a annoncé le gouvernement chinois. Pour les JO d’hiver de 2014, Sotchi aura vu 60 d’entre eux périr sur les chantiers. Quant aux infrastructures urbaines qui devront être transformées, ou aux quartiers qui devront être réhabilités, on se doute, comme pour les logements, que ce n’est pas l’avis des habitants, surtout ceux des quartiers populaires de la Seine-Saint-Denis, qui sera retenu comme le critère déterminant. Et cela quelles que soient les mascarades de consultations à la sauce « démocratie participative » qui seront très probablement lancées. Si les JO se tiennent effectivement dans la capitale, la gentrification parisienne ne manquera pas cette occasion pour se poursuivre.

A qui profite le fric ?

Il n’est pas étonnant de voir tout un tas d’entreprises privées s’associer avidement à ces festivités. Pour Paris 2012, s’est constitué « un consortium de parrains officiels, le "Club des entreprises Paris 2012" comprenant notamment Lagardère, Lafarge, Bouygues, Carrefour, Suez, Accor, c’est-à-dire des "humanistes" adeptes des licenciements boursiers et partisans des mérites de l’"esprit sportif", frère jumeau de l’"esprit d’entreprise" » rappelle le Monde Diplomatique. Si ces grands groupes parrainent un tel événement, il va de soi que ce n’est pas par amour du sport : l’obtention des JO par Paris leur permettrait, entre autres, d’obtenir des contrats juteux et des supports publicitaires démultipliés pour afficher leur marque de façon ostentatoire durant les JO, mais d’ores et déjà pendant la campagne elle-même.

Ce n’est pas un hasard si, dans le lot, on retrouve des entreprises du BTP comme Bouygues, par ailleurs en difficulté en ce moment , qui va pouvoir s’octroyer une énorme somme afin de construire des bâtiments avec l’argent publique, sans avoir à garantir naturellement que ceux-ci seront toujours utiles après les JO. Ce sera la même chose avec l’Euro 2016 en France, comme ça l’est pour toute compétition internationale de même ampleur : beaucoup d’argent circule, et tombe toujours dans les mêmes poches. Quant à la bonne tenue des compétitions, nul doute qu’elle pourra, si l’atmosphère et le régime sont à ce moment-là comparables à ceux d’aujourd’hui, justifier le déploiement d’effectifs policiers et un appareil sécuritaire permettant à cette vitrine de l’État républicain, mairie de Paris en tête, de servir une fois de plus sa politique de contrôle et de quadrillage de l’espace public. Elle l’a déjà commencée pour l’Euro 2016 en réprimant les ultras des clubs de football.

le 25/06/2015