Les yeux rivés sur Corbyn et la gauche radicale britannique

La victoire de Corbyn semble avoir pris des dimensions internationales. La gauche européenne a en effet les yeux rivés sur Corbyn, la politique « anti-austérité » qu’il compte défendre et les recompositions politiques à la gauche de la gauche en cours, actuellement, au Royaume-Uni.

Le parti « anti-austérité » Syriza a salué samedi 12 septembre la victoire de Corbyn, la qualifiant, non sans une pointe d’ironie, de « message d’espoir au peuple d’Europe ». La formation de Tsipras est même allé jusqu’à dire que son élection « renforçait considérablement le front européen contre l’austérité ». Syriza, qui a été porté au pouvoir en bénéficiant du sentiment anti-austérité en janvier, a fini en moins de cinq mois par accepter les politiques d’austérité sur toute la ligne. C’est dire la sincérité de la déclaration.

Côté Podemos, le parti des Indignés a lui aussi félicité l’élection de Corbyn à la tête du Parti Travailliste. Dans une tribune publiée lundi 14 septembre dans le journal El Pais, le leader de Podemos, Pablo Iglesias, a affirmé qu’« enfin, nous aurons un allié au Royaume-Uni avec qui nous partageons des conclusions et un programme pour défendre les droits sociaux avec des politiques qui luttent contre l’inégalité. » Pour Iglesias, c’est « la preuve que le mouvement contre l’austérité se renforce en Europe. »

En France, la gauche de la gauche était également galvanisée samedi après l’annonce de la victoire de Corbyn. Plusieurs personnalités européennes du mouvement anti-austérité réunies à la Fête de l’Humanité pour défendre leur « plan B » pour l’Europe ont accueilli avec joie la nouvelle. L’ex-ministre grec des Finances Yanis Varoukais a même laissé entendre que « Corbyn deviendra une source de lumière pour le reste de l’Europe », pendant que l’ex-vice-ministre italien des Finances Stefano Fassina a jugé que le camp anti-austérité était « plus fort » après sa victoire.

Le Labour reprend des couleurs ?

L’élection de Jeremy Corbyn constitue certes un revers politique considérable pour les tenants de la « troisième voie » sociale-libérale prônée par Tony Blair. Cette « troisième voie », dominante au sein du Parti travailliste depuis le début des années 1990, a marqué la transformation de la sociale-démocratie réformiste en social-libéralisme, et s’est progressivement transformée en référence incontournable pour l’ensemble des partis sociaux-démocrates à travers l’Europe. Corbyn, qui prône la renationalisation des chemins de fer et de l’industrie énergétique, l’augmentation des impôts sur les grandes entreprises et les plus riches ainsi que la fin des politiques néolibérales, tourne en effet en quelque sorte la page de l’ère Blair.

Néanmoins, Corbyn se situe déjà plus à droite que Syriza à ses débuts. La perspective politique qu’il défend n’est rien d’autre qu’une relance keynésienne dans le cadre des institutions capitalistes et nationales. Une version oldies du Labour des années 1960. Alors, certes, Syriza, en pleine campagne électorale, se retrouve au coude-à-coude dans les sondages avec l’opposition de centre-droite après avoir signé l’un des plus durs Mémorandums depuis le début de la crise en 2008, tandis que Podemos voit son taux de popularité baisser dans les enquêtes d’opinion. Le Front de gauche, de son côté, en proie à ses divisions internes, est en perte de vitesse. On comprend pourquoi ils s’appuient, tous autant qu’ils sont, sur la victoire de Corbyn pour essayer de se redonner du souffle. De là à en conclure que ce retour en force de « l’Old Labour » va effectivement signifier une nouvelle dynamique... il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas.