À travers ce procès tant attendu, se déroulant trois ans après les faits, la famille de Yassin Abeiche espère que lumière soit faite, attendant avec « impatience que justice soit rendue ».

Malgré le fait d’avoir plaidé la thèse de l’accident, c’est bel et bien pour meurtre que le policier Frédéric Herrour comparait devant les assises. Les faits parlent en effet d’eux-mêmes : le 14 février 2013, à minuit, suite à une remarque provocatrice du policier Frédéric Herrour à l’égard de Yassin Abeiche et de sa « consommation de joints », une altercation entre eux deux éclate. Alors que Yassin prend ensuite la fuite, se dirigeant vers la voiture d’un ami, Frédéric Herrour, qui est alors sous l’emprise d’alcool et de « stupéfiants », lui tire dessus, avec son arme de service, enfreignant de ce fait le règlement de police. Atteint d’une balle dans la fesse, Yassin meurt quelques heures plus tard à l’hôpital d’un choc hémorragique. Nous sommes de ce fait ici face à un énième crime policier, commis cette fois-ci en dehors des heures de service et qui témoigne du sentiment de toute puissance dont jouissent bon nombre de policiers aujourd’hui, qui n’hésitent plus à utiliser leur arme en dehors de leurs heures et lieu de travail. Sentiment de toute puissance justifié et engendré par des politiques gouvernementales et une justice raciste et de classe, qui accordent de plus en plus de moyens et de droits aux policiers afin que ces derniers puissent continuer à violenter, réprimer, contrôler et tuer en toute impunité.

Dans cette histoire, les mensonges et les manipulations sont une nouvelle fois présents.
En effet, malgré le fait que les témoignages et l’expertise balistique aient démenti la thèse de l’accident, l’avocat du policier affirme encore que son client n’est « pas un meurtrier, qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer qui que ce soit », ce dernier ajoutant qu’il s’agissait d’un « tir accidentel provoqué par une chute, due à l’un de mes agresseurs ». Ainsi le policier et son avocat maintiennent la thèse accidentelle. Cependant, face à autant d’éléments à charge contre le policier - consommation d’alcool, prise de cannabis, violation du règlement de police, utilisation de son arme hors service, témoins, expertise balistique – il semblerait que la justice ne puisse aujourd’hui couvrir une nouvelle fois ce crime policier, en évoquant la thèse de l’accident ou de la légitime défense.
En février 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a alors écarté l’hypothèse de la légitime défense et de l’acte accidentel et la demande de remise en liberté du policier.

Cependant, le traitement médiatique de cette affaire, qualifiée de « fait divers » et centrée sur des causes très psychologisantes, l’acte du policier étant expliqué par sa dépendance à l’alcool et son état dépressif dû à sa séparation avec sa femme, tend à effacer sa signification politique. Cet énième crime policier n’a en effet rien à voir avec un fait divers, mais est l’expression du racisme d’État qui structure notre société, qui tend à fabriquer des citoyens de secondes zones, qui, lorsqu’ils ne sont pas tués, sont relégués socialement, économiquement, en proie à un contrôle et un harcèlement policier quotidien.
Il est alors important de dénoncer cette affaire pour ce qu’elle est vraiment : un énième crime policier, étouffé comme tant d’autres, qui est la résultante d’une impunité policière structurelle et du sentiment de toute puissance qu’elle engendre chez les policiers.

Apporter son soutien à la famille Abeiche et réclamer, à ses côtés, que justice soit rendue à Yassin, est un acte de solidarité important. De plus, au vu de la conjoncture sociale actuelle, avec le prolongement de l’état d’urgence, la loi de légitime défense des policiers qui s’apprête à être votée] et la possible arrivée d’une droite dure et conservatrice au gouvernement en 2017, il est plus que nécessaire de se mobiliser, de lutter et de s’unir dès maintenant contre le racisme d’État et toutes ses expressions, dont les violences policières.

Le verdict du procès sera rendu vendredi.