« Accepter d’être décorée, ce serait renier les engagements de toute ma vie »

Âgée de 93 ans, Camille Senon n’a pas mâché ses mots dans la lettre qu’elle a envoyé à Manuel Valls pour exprimer son refus. « Dans le contexte actuel il m’est impossible d’accepter de votre part cette distinction [...] alors que je suis totalement solidaire des luttes menées depuis deux mois par les salariés, les jeunes, une majorité de députés et de Français contre la loi travail que vous venez d’imposer par le 49-3 », a t-elle affirmé. Devant l’AFP, elle a par ailleurs aussi fait référence à ses « camarades syndicalistes d’Air France [qui] sont traduits devant les tribunaux ».

Syndicaliste à la CGT dans les PTT et adhérente au Parti communiste français, Camille Senon revendique, par ce refus, une vie de militantisme, qu’elle a consacré à la mémoire des crimes de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi à « plus de justice et de solidarité, de liberté, de fraternité et de paix ». Une bataille qui ne supporte guère les décorations d’un gouvernement prêt à mener jusqu’au bout sa politique anti-sociale.

Décorée chevalier de la Légion d’honneur en 1982 (sous Mitterrand), et officier de la Légion d’honneur en 2009 (sous Sarkozy), il est notable que la nonagénaire est désormais décidée de refuser cette nouvelle décoration, que Valls espérait sans doute utiliser pour redorer son blason. Ce refus est le symptôme, parmi d’autres, de la colère de larges secteurs de l’électorat traditionnel de gauche contre le gouvernement.

Pour Camille Senon et pour définitivement faire plier le gouvernement et sa loi travail, notre médaille aura sans doute peu la couleur ou le scintillement de leurs insignes. Elle doit avoir la couleur de nos manifestations, l’odeur de nos piquets de grève et le souvenir des expériences des batailles de tout ceux et de toutes celles qui ont lutté avant nous.