« Vous les lesbiennes, vous ne faites que des préliminaires, du coup, vous ne faites jamais vraiment l’amour, finalement. »

« Les lesbiennes qui aiment les godes ceintures sont clairement en manque de bite ! »

« Moi je ne comprends pas les lesbiennes parce que, pendant l’amour, il y en a forcément une qui ne prend pas de plaisir. »

« Et qui fait l’homme dans le couple ? »

« Les filles qui sortent avec des filles masculines ne sont pas vraiment lesbiennes. »

« Ta meilleure amie est lesbienne aussi ? Mais, du coup, vous avez couché ensemble ? »

« Tu n’as jamais pensé à coucher avec un homme ? Juste histoire de ne pas mourir conne. »

Et ses variantes :

« Mais, comme tu n’as jamais couché avec un homme, tu ne peux pas dire si tu aimes ça ou pas. »

« Si tu n’as jamais essayé avec un homme, comment peux-tu dire si tu es vraiment lesbienne ? »

« En fait, si tu es lesbienne, c’est que tu as un problème avec les hommes. »

Et sa variante (qui là encore ne manque pas de saveur) :

« En fait, si tu es lesbienne, c’est qu’aucun homme n’a voulu de toi » (comprendre ici, « tu es moche »)

« C’est drôle, parce que tu n’as pas du tout la tête d’une lesbienne. » (Phrase qu’on est censé prendre comme un compliment, je précise)

Et en bonus, cette superbe question qu’on a posé à ma meilleure amie :

« Vous n’avez jamais pensé à avoir chacune un enfant en même temps ? Comme ça ce seraient des jumeaux ! »

Alors, que dire de ces phrases ? Tout d’abord, vous constaterez que la plupart touchent à la sexualité. C’est une réalité, à l’instant où l’on case un « ma copine », dans une conversation, il faut s’attendre à une masse de question sur sa sexualité. Car les gens se permettent beaucoup plus de questions intimes avec les lesbiennes, à commencer par le fameux « vous faites quoi ? » - chéri-e, dois-je vraiment te faire un dessin ? – et c’est aussi une forme de lesbophobie. Vous me direz que je la vois partout, mais que nenni ! Pourquoi lesbophobie ? Parce que c’est bien, et uniquement, parce que la personne est lesbienne qu’on l’assaille de questions ; « vous faites les ciseaux ? », « tu aimes les cunnilingus ? », autant de choses qu’on ne demanderait jamais à un-e hétéro.

Autre constat, les « lesbophobes casus » cherchent généralement une cause à l’homosexualité féminine, une cause masculine. Déçue par les hommes, la lesbienne se serait tournée vers les femmes. Il est impensable de dire qu’elle aurait toujours eu un penchant pour les femmes, non, ce sont forcément les hommes qui sont à l’origine de tout ça. Cette vision, bien plus partagée qu’on ne le pense est révélatrice de deux choses : déjà, qu’on dénigre l’homosexualité des femmes ; ce ne sont pas des lesbiennes, ce sont des hétéros déçues, ensuite qu’on prête beaucoup d’importance et de puissance à l’homme. Rendez-vous bien compte, on considère l’homme si puissant qu’il serait capable de convertir une femme !

La conversion, parlons-en ! En plus, elle concerne certaines phrases. Après un coming-out auprès de ses copines, on peut constater qu’un sentiment naît chez certaines d’entre elles : la méfiance. Méfiance vis-à-vis de quoi ? Tout simplement vis-à-vis d’une éventuelle conversion. Comme si les lesbiennes possédaient un charme spécial capable de « lesbianniser » l’hétérosexuelle la plus aguerrie. Là encore, on a au moins deux choses qui sont sous-entendues : D’une part l’éternel fantasme de la lesbienne « vagin sur pattes » qui va essayer de sauter sur absolument tout ce qui bouge. Comme si dans l’esprit d’une lesbienne, c’était non seulement « une lesbienne, il faut que je couche avec ! » (Car c’est bien connu, toutes les lesbiennes sont passées les unes sur les autres, on adore ça les immenses partouses entre lesbiennes), mais surtout « une fille, il faut absolument que je couche avec ! ». Tout cela bien-sûr, sans le moindre contrôle de ses pulsions. Ce que cela sous-entend aussi, c’est qu’une lesbienne, ça n’a de respect pour personne, seulement pour ses inclinations ! Je m’explique : quand une amie devient méfiante après un coming-out, c’est qu’elle se dit « elle va forcément essayer de coucher avec moi, c’est obligé, c’est inévitable. » (et ce, bien qu’elle n’en aie pas envie, qu’elle soit en couple et j’en passe). Pourquoi est-ce là de la lesbophobie ? Parce que ladite amie ne tient plus compte de la personnalité de la personne. Dès lors qu’elle apprend l’orientation de son amie, elle n’est plus « l’amie », mais bien « la lesbienne ». C’est comme cela que, malgré le fait qu’on ait dormi dans le même lit qu’une personne pendant cinq ans, on va se retrouver dans un matelas à part dès le lendemain.

Et là, je vous vois venir, petit sacripants ! Vous avez envie de me dire « auteur-e, tout cela est bien beau, mais quel rapport avec les phrases ? », pour le moment aucun, mais j’y arrive. En effet, j’ai jusqu’ici abordé ce prétendu pouvoir qu’auraient les lesbiennes de convertir n’importe quelle femme. Mais il existe le processus inverse. Quand on demande à une lesbienne si elle n’a jamais essayé de coucher avec un homme, juste histoire de s’assurer qu’elle n’aime pas ça, c’est qu’on suppose qu’il suffit d’avoir une relation sexuelle avec un homme pour oublier toute attirance envers les femmes. Là encore, c’est renier l’homosexualité féminine en faisant passer les lesbiennes pour des frustrées. Le constat est donc à peu près le même que celui qui concerne les soi-disant causes de l’homosexualité.

Ce qui montre une chose : cette catégorie de « lesbophobes casus » ont une méconnaissance aberrante des mécanismes du désir et de l’amour. Dans l’esprit de la plupart de ces gens-là, les lesbiennes ne couchent pas avec des hommes parce qu’elles n’aiment pas ça. Ce sont ces mêmes personnes qui diront que les femmes qui utilisent des godes sont des hétéros refoulés. Ces gens-là sont dans l’erreur. Il n’est pas question d’aimer ou non faire l’amour avec un homme, il est question de n’avoir pas de désir ou d’attirance sexuelle pour le sexe opposé, et c’est radicalement différent. En tant que lesbienne, si un jour je rencontre une femme transgenre, que je me mets à la désirer, qu’elle aussi et qu’au moment de passer à l’acte j’apprends qu’elle n’est pas opérée, pensez-vous que j’esquisserai une moue dédaigneuse en m’écriant « Ciel ! Un pénis ! Vade retro Satana ! » ? Bien évidement que non. Cette femme, je la désire en tant que femme et non en tant que vagin, et c’est là toute la subtilité de la chose.

La plupart des « lesbophobes casus » n’ont, à mon sens, pas même conscience des sous-entendus que comprennent des phrases telles que celles que je vous ai citées. C’est pourquoi il est très important d’expliquer ce qu’ils insinuent et en quoi leurs propos sont lesbophobes. Beaucoup de gens, moi comprise, prennent ces réflexions avec le sourire, mais j’ai essayé de montrer par cet article qu’elles révèlent des réalités et des façons de penser bien moins anodines qu’on ne le croit.