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Après la matraque et le « vote bloqué », bientôt le 49-3 ?

Deux mois de matraquage intensif visant plus particulièrement la jeunesse ont passé. Après les nombreuses miettes et leurres, visant à rallier les syndicats « réformistes » et à faire rentrer dans le rang certains secteurs mobilisés, le gouvernement a atteint un de ses objectifs : présenter au Parlement une loi travail maintenant en son cœur l’essentiel. Pourtant, la partie est loin d’être gagnée. Obtenir une majorité parlementaire pour faire voter le texte relève d’un terrible casse-tête, de sorte que Valls manie le bâton puis la carotte pour faire plier les frondeurs. Piochant parmi les armes les plus anti-démocratiques du régime de la Ve République, usant d’abord du « vote réservé », puis alors qu’un retour au 49-3 semble de plus en plus probable, le gouvernement pourrait bien s’emmêler les pinceaux et déclencher un potentiel détonateur qu’il tente envers et contre tout de désamorcer. Damien Bernard

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Jusqu’à maintenant, le débat parlementaire sur la loi travail, débuté le 3 mai, n’était pas entré dans le vif du sujet. Il entre désormais dans une phase de turbulence avec le vote des différents amendements avant que les députés n’aient à se prononcer sur l’ensemble du projet le 17 mai. Un parcours semé d’embûches qui pourrait bien s’écourter par un 49-3.

Réserve des votes jusqu’à nouvel ordre, un coup d’État miniature ?

C’est autour de l’article 1 qu’ont repris ce lundi après-midi les simulacres de débat parlementaire. Ce dernier visait à créer une « commission d’experts et de praticiens » qui doit « proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du Code du travail ». Après différentes interventions de députés pour défendre des amendements de suppression, la ministre a réclamé une suspension de séance. Face au risque de voir la suppression du premier article, et enregistré un premier recul de taille, c’est « la réserve des votes jusqu’à nouvel ordre » qui a été réclamée par le gouvernement.

Ce mécanisme prévu par l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution permet au gouvernement, lors de l’examen d’un texte, d’empêcher le vote de certains amendements et de les reporter. Au lieu du vote des amendements à l’issue de leur examen par l’Assemblée, cette tactique parlementaire des plus anti-démocratiques vise à faire reporter le scrutin à un moment plus propice au gouvernement ou, à défaut, en fin d’examen du texte. À la différence du 49-3, le « vote réservé » n’impose pas au forceps l’absence de vote, il ne fait que le reporter. Il reste tactique, mais révèle bien l’énorme difficulté qu’aura le gouvernement à former une majorité pour faire voter le texte, d’autant plus que ce premier article est loin d’être le plus conflictuel.

Un 49-3 en modèle réduit pour préserver ses maigres chances d’éviter le 49-3

L’article 2, le « le point dur » relatif aux accords d’entreprise, doit être voté par la suite dans une « rédaction qui devrait permettre de contenter tout le monde », a affirmé le président de groupe PS à l’Assemblée nationale. Un amendement esquissant un « compromis » a été déposé : les branches donneraient leur avis a priori sur les accords d’entreprise. « Je ne veux pas que l’on puisse dire que tout n’a pas été fait pour trouver un compromis », expliquait le rapporteur dans les couloirs de l’Assemblée. Un premier échec avec la suppression de l’article 1 aurait bien entamé les maigres chances d’éviter l’utilisation du 49-3, que 71 % de l’opinion publique trouverait « choquant » et qui aurait bien évidemment un coût politique fort, et signerait de fait la fin des déjà maigres chances de Hollande pour 2017.

Hollande plus isolé que jamais. Un passage en force qui arrangerait bien les députés…

Les temps sont durs pour le gouvernement. Une impopularité record, une opinion publique très majoritairement opposée à une loi travail qui apparaît centrale dans le quinquennat de Hollande. À droite comme à gauche, pour des calculs politiques différents, il s’agit de ne pas faire de cadeau à un gouvernement déjà au fond du trou. L’opposition aurait bien évidemment proposé le même projet de loi travail, et rêve sûrement d’aller encore plus loin une fois revenue au pouvoir. Affaiblir Hollande, tout en misant sur le fait que le texte passera au forceps du 49-3.

Dans sa propre majorité, c’est bien la nécessité de se dissocier au maximum de François Hollande, avec lequel il ne fait désormais plus bon de s’accoquiner. En s’opposant « courageusement » au Président, à sa loi travail et à son monde, l’objectif est de garder son siège parlementaire aux législatives de 2017, retrouver un poil de légitimité auprès d’une base sociale « locale » qui semble pourtant avoir rompu avec le PS. C’est en quelque sorte un acte désespéré pour ne pas voir rejaillir sur leurs attributions parlementaires la débâcle présidentielle annoncée de Hollande et du PS.

… mais aussi le MEDEF et la CFDT !

Dans le même temps que le gouvernement réprimait la jeunesse, dans l’objectif de briser la dynamique du « tous ensemble » esquissé notamment le 31 mars, le Medef a changé de posture d’autant que la mobilisation fléchissait sans rompre. D’une posture de soutien total au gouvernement, le MEDEF est passé à la critique virulente du texte. Cette critique ouverte quant au projet de loi travail de Pierre Gattaz, tout en ayant une part de posture, exprimait aussi des contradictions au sein de secteurs particuliers du grand patronat, notamment sur la question de la surtaxation des CDD, certains secteurs étant plus consommateurs de CDD, d’autres d’intérim. C’est aussi de nombreux représentants de PME adhérents au MEDEF, furieux de la suppression de l’amendement sur la représentativité patronale, qui affaiblirait les « compromis existants et adaptés aux TPE/PME », en l’occurrence le passage de la négociation individuelle entre salarié et employeur à un niveau de branche.

Au vu des contradictions au sein même du patronat, qui ne semble plus prêt à des compromis, la mobilisation étant sous « contrôle », tandis que les premiers débats ont été très tumultueux au Parlement, le MEDEF aurait tout intérêt à ce que le texte bouge le moins possible pour maintenir ses fondamentaux, voire à l’améliorer même si cela semble compromis. Ainsi, le 49-3 pourrait être une bonne option pour, tout en donnant un coup de poignard au gouvernement en vue de 2017, faire passer le texte en en maintenant l’essentiel. Maintenir le texte en l’état, tout en grappillant sur les fausses « concessions » comme la surtaxe CDD qui visait à acheter la démobilisation sur le terrain de l’UNEF. Cela aurait l’avantage de contenter au mieux l’ensemble des composantes du patronat, mais aussi les PME. C’est la même logique qui verrait aussi la CFDT, qui a beaucoup influé sur le texte, le coécrivant même dans certaines parties avec le gouvernement et le patronat, ne pas le voir détricoté par le débat parlementaire.d

Un vote et une discussion qui pourraient jouer le détonateur ?

Tandis que le gouvernement, avec sa matraque, pense avoir dompté la mobilisation, que le patronat pense pouvoir batailler sans crainte de la rue pour obtenir le meilleur texte, voyant désormais l’opposition parlementaire interne du PS comme son principal adversaire, le 49-3 pourrait avoir un coût politique bien plus fort que prévu. Combiné au départ en reconductible d’un secteur stratégique du mouvement ouvrier comme les cheminots ou les routiers, la lutte des classes pourrait bien faire mentir Hollande, Gattaz et Berger.


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