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Effets d’annonce et réalité de la politique de Najat Vallaud-Belkacem

Carte scolaire et rentrée 2015. De qui se moque-t-on ?

Célestin Guingouin La carte scolaire 2015 est tombée. La cure d'austérité est prolongée dans l'Éducation nationale. Gérée académie par académie, cette carte scolaire est le document qui établit le nombre de postes alloués à chaque école primaire pour la rentrée suivante. Dans le jeu des ouvertures/fermetures de classes, la balance est globalement négative pour la rentrée 2015 : les enfants n’auront pas à compter sur le gouvernement socialiste pour que la situation s'améliore dans les écoles maternelles et primaires en 2015.

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Les mesures phares du gouvernement n’étaient pourtant pas mauvaises a priori. Des créations de classes de toutes-petites-sections (TPS) pour lutter contre les inégalités dès le plus jeune âge, des créations de postes de maîtres surnuméraires (dispositif « plus de maîtres que de classes ») pour lutter contre l’échec scolaire : ces mesures, bien qu’insuffisantes, répondaient à de vrais besoins. Cependant la ligne austéritaire promue par le parti socialiste depuis son accession au pouvoir l’a emporté, comme on pouvait s’y attendre.

Pour ne prendre qu’un exemple, prenons celui de l’académie de Paris, dont la carte scolaire publiée avant les vacances de Pâques révèle la profonde contradiction entre les discours ministériels et la réalité. Sur toute l’académie, qui compte 662 écoles élémentaires et maternelles, une et une seule création de classe en toute-petite-section a été annoncée... Bref pas de quoi sérieusement changer le destin scolaire des 55 000 élèves de maternelle qu’accueille la capitale. Concernant le dispositif « plus de maîtres que de classes », le chiffre n’est pas meilleur et relève presque de la provocation : sur les 50 projets de demande mis en place par les écoles, seuls quatre projets ont été retenus... dont deux ont été négociés contre une suppression de classe, portant donc le total de nouveaux maîtres surnuméraires à deux pour toute l’académie de Paris !

Une dégradation continue à la maternelle et dans le primaire

Après la sortie de 25 écoles parisiennes de l’éducation prioritaire, programmée à la fin d’année 2014 pour la rentrée prochaine, c’est au tour des enseignants de subir le régime drastique dicté par le gouvernement. Dans l’académie parisienne encore, affichant déjà l’un des plus forts taux d’élèves par classe, la nouvelle carte scolaire prévoit la suppression de 29 postes, selon une logique purement comptable mettant en avant la réduction du nombre d’élèves scolarisés dans les écoles publiques de la capitale à la rentrée prochaine. Or sans même s’interroger sur les raisons de cette baisse d’effectifs (liée pour beaucoup au manque de moyens dans les écoles publiques et par le gonflement des effectifs se tournant vers le privé pour les familles de classe moyenne), cette décision ne fait qu’accélérer un processus qui ne peut qu’aller en grandissant avec les nouvelles réformes : la ghettoïsation des écoles et la montée en puissance de l’école privée.

C’est ainsi que cette année encore un problème a touché la majorité des écoles, celui du non-remplacement des absences d’enseignants. Prétextant le taux exceptionnel de grippe (l’année dernière c’était la gastro-entérite), le rectorat a trouvé deux solutions pour résoudre cette situation qui, dans les cas extrêmes, a amené des classes à être sans enseignant fixe pendant plusieurs mois. La première est tout simplement la poursuite de la politique de flexi-insécurité engagée dans de nombreux secteurs. Elle consiste à rendre plus mobiles les remplaçants, transformant des postes de remplaçants courte durée (affectés à une partie seulement de l’académie) en remplaçants longue durée (affectés à l’ensemble du département). La seconde tient davantage du foutage de gueule propre aux différents effets d’annonce du Ministère, pouvant arguer de la création de postes de remplaçants, en portant ce chiffre à... quatre pour la rentrée prochaine, après la suppression annuelle de dizaines de postes depuis 2008 dans la seule académie parisienne. Autrement dit, une goutte d’eau dans un océan de besoins, mais suffisant pour justifier les divers plans de com’ de la ministre de l’Éducation, plutôt habile dans son rôle pour faire avaler des couleuvres.

Le mensonge des 60 000 postes et la poursuite de l’austérité à tous les niveaux

Malgré toutes ses promesses, le PS a bien du mal à convaincre ceux qui croyaient que la priorité serait réellement donnée à l’éducation. Près de trois ans après sa mise en place, le programme des 60 000 postes supplémentaires dans l’enseignement apparaît de plus en plus clairement comme un échec, travesti en mensonge, dans la mesure où la majeure partie des postes créés relève du simple jeu d’écriture. Des 31 600 créations de postes annoncées à la rentrée 2014 par le gouvernement, près de 28 000 correspondent en réalité aux postes des stagiaires, qui jusqu’alors n’étaient pas comptabilisés. Il n’a donc été créé qu’un peu plus de 3 800 postes, un nombre tellement insignifiant qu’il ne suffit même pas à absorber la hausse démographique du nombre d’élèves, correspondant, pour la seule rentrée 2015, à 23 400 enfants supplémentaires dans le primaire et 29 600 dans le secondaire [1].

Face à ce constat, la réponse du gouvernement est d’invoquer l’insuffisance du nombre de candidats aux concours de recrutement. Une réponse hypocrite bien sûr, mais contestable également. Car si avant toute chose, le gouvernement commençait par titulariser les enseignants contractuels (qui ont les capacités d’enseigner puisqu’ils sont jugés capables d’exercer), de nombreux postes désertés seraient pourvus, et des équipes gagneraient en stabilité. Cependant, ce que cache au fond la « pénurie de candidats », c’est bien la dégradation continue des conditions de travail d’un métier qui n’attire même plus les jeunes dans une période de chômage massif et de précarité. Or quelles que soient leurs spécificités, aucune des réformes éducatives mises en place par le gouvernement Hollande ne pourra changer grand-chose au problème, puisque ces réformes sont établies à budget constant selon la logique du « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».

Cette nouvelle carte scolaire en est un exemple pour le primaire, comme l’a été la dernière dotation horaire globalisée (DHG) parue cet hiver pour le secondaire. Cependant, la grande offensive est à venir avec la nouvelle réforme du collège votée le mois dernier, qui, derrière des discours pédagogiques « progressistes » et « innovants », masque une série d’attaques contre le collège unique et une éducation publique nationale. Face à des réformes éducatives qui ne sont que des manifestations de la même politique d’austérité, enseignants du primaire et du secondaire se devraient d’être solidaires dans la prochaine échéance qui aura lieu le mardi 19 mai, même si, on peut le déplorer, seuls les syndicats du secondaire ont relayé l’appel à la grève.


[1Voir à ce sujet les articles du Monde et du Café pédagogique parus en novembre dernier :



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