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Procès de l'Etat d'Israël

Cour Internationale de Justice : les avocats sud-africains étalent les crimes génocidaires d’Israël

Ce jeudi à La Haye (Pays-Bas), l’Afrique du Sud plaidait contre Israël, accusé de génocide, devant la Cour Internationale de Justice. Une occasion de mettre en lumière le massacre en cours, mais pour faire reculer Israël, il faudra aller au-delà des tribunaux internationaux.

Elea Novak

12 janvier

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Cour Internationale de Justice : les avocats sud-africains étalent les crimes génocidaires d'Israël

Le 29 décembre dernier, l’Etat sud-africain déposait auprès de la Cour Internationale de Justice, principal organe judiciaire des Nations Unies, une instance contre l’Etat d’Israël pour des manquements à la convention contre le génocide de 1948. Alors que Tsahal a tué plus de 23 000 Gazaouis en trois mois, les avocats de l’Afrique du Sud plaidaient contre l’État Israël face auquel il demande à la Cour de prendre des mesures conservatoires pour arrêter le massacre des Palestiniens. Alors qu’Israël plaidera en réponse ce vendredi, l’Afrique du Sud est soutenue par des dizaines de pays, notamment d’Amérique latine, et par l’Organisation de la coopération islamique qui réunit 57 État. Sous la présidence de Joan Donoghue, l’audience a débuté hier à 10h.

Une procédure pour mettre en lumière le « dessein génocidaire » d’Israël

Devant la Cour, Adila Hassim, avocate de la Haute Cour d’Afrique du Sud a ouvert l’audience et dénoncé un « modèle calculé de conduite par Israël indiquant un dessein génocidaire ». Elle a listé les actions de Tsahal à Gaza : « Israël a déployé 6 000 bombes par semaines… Personne n’est épargné. Pas même les bébés. Le chef de l’UNICEF l’a décrit comme un cimetière pour enfants ». L’avocate rappelle les conditions dans lesquelles les gazaouis se font bombarder depuis des mois, « un petit bout de territoire de 365Km2 dans lequel vivent 2.3 millions de palestiniens qui sont prisonniers d’un siège total par Israël ».

Tembeka Ngcukaitobi, avocat sudafricain a expliqué de son côté que « les leaders politiques d’Israël, commandants militaires et personnes ayant des positions officielles ont systématiquement et explicitement déclaré leurs intentions génocidaires », évoquant la position du ministère de la Défense israélien, Yoav Gallant, assimilant les gazaouis à des « animaux humains ». Pour Ngcukaitobi, « la preuve de l’intention génocidaire n’est pas seulement effrayante. Elle est massive et incontestable ». L’avocate irlandaise Blinne Ni Ghralaigh, membre de la délégation sudafricaine, a rappelé que, chaque jour à Gaza, 10 enfants au moins sont amputés parfois sans anesthésie. Et de noter : « c’est le 1er génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction, en direct, dans l’espoir, pour le moment vain, que le monde fasse quelque chose (…) Tout le monde devrait être horrifié & avoir honte ».

Pendant toute la matinée, les plaidoiries ont permis de mettre en lumière le massacre en cours à Gaza, suscitant une réaction agressive de l’État d’Israël, dont le porte-parole du ministre des Affaires Étrangères est allé jusqu’à accuser l’Afrique du Sud d’être le « bras légal du Hamas ». L’objectif des avocats était de convaincre la Cour de prendre des mesures conservatoires pour mettre un coup d’arrêt au génocide, Max de Plessis, avocat sudafricain, expliquant « le droit n’exige pas, à ce stade de la procédure, d’être convaincu au-delà de tout doute qu’un génocide a lieu. Il suffit qu’il y ait des raisons plausibles de croire qu’un génocide a lieu ou qu’il existe un risque sérieux qu’il ait lieu ».

Que peut-on attendre de la Cour Internationale de Justice ?

Les mesures demandées par l’Afrique du Sud dans le cadre de son instance ont été résumées par Vusimuzi Madonsela, ambassadeur sudafricain aux Pays-Bas, dernier intervenant de l’audience. Développées dans un document de 84 pages déposé à la Cour, elles incluent le fait « que l’Etat israélien suspende immédiatement ses opérations militaires dans et contre Gaza », l’arrêt de toutes les mesures génocidaires à l’encontre du peuple palestinien et que l’Etat israélien s’engage à ne pas détruire des preuves et entraver l’enquête pour actes génocidaires.

Des objectifs qui se heurtent cependant à la réalité des procédures menées dans les institutions internationales, qui sont loin d’être contraignantes. Si l’article 94 de la Charte des Nations Unies stipule que « chaque membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour […] dans tout litige auquel il est partie », rien n’oblige en réalité les États jugés par la Cour à respecter ses décisions. Ainsi, selon Mattei Alexianu, un avocat américain, les États ne se conforment aux mesures du tribunal que dans 50% des cas. Dans le cas de l’État d’Israël, dans une fuite avant génocidaire, il n’est pas difficile d’imaginer quelle serait son attitude en cas de condamnation.

L’État colonial, déjà visé par une procédure de la Cour Internationale de Justice pour « la violation par Israël du droit des Palestiniens à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation, et de son annexion prolongée du territoire palestinien depuis 1967 », jouit depuis des décennies du soutien de toutes les puissances impérialistes, s’asseyant sur les nombreuses résolutions de l’ONU mettant en cause sa politique coloniale. Derrière le droit international, ce sont les rapports de forces entre États qui priment, et ils sont depuis 75 ans en faveur de l’État d’Israël contre le peuple palestinien.

Comme un avant-goût des limites d’une telle procédure, la retransmission des plaidoiries de ce jeudi a d’ailleurs été très largement boycottée par les médias occidentaux, choisissant de ne même pas refléter le procès.

Construire un mouvement de solidarité international pour la Palestine

Bien que significative, une victoire de l’Afrique du Sud dans la Cour ne serait donc que symbolique. La démarche aura cependant eu l’intérêt de montrer un signal de solidarité avec les Palestiniens dans une instance internationale. De même, ce jeudi, des délégations de Palestiniens de toute l’Europe étaient à La Haye pour assister à l’audience et se rassembler en solidarité avec la Palestine. En plus des Etats qui soutiennent l’Afrique du Sud, une pétition en ligne en soutien à la requête a recueilli près de 400 000 signatures.

Cependant aucune illusion n’est possible dans les tribunaux internationaux : ce sont ces voix à travers le monde et leurs mobilisations et qui portent une perspective au-delà des mesures symboliques, qui peuvent avoir un réel impact sur le génocide en cours. Alors qu’au Danemark, le 7 janvier, une manifestation historique inondait les rues à Copenhague en soutien à la Palestine, il est ainsi fondamental de poursuivre la construction d’un mouvement de solidarité international avec le peuple palestinien.

Alors que depuis 75 ans, dans la lutte pour la libération de la Palestine, les instances intergouvernementales ont révélé au mieux leur inutilité, au pire leur complicité, c’est la mobilisation des travailleurs et des peuples du monde entier qui terrorise les impérialistes. La construction de mobilisations d’ampleur en soutien à la Palestine revêt un enjeu crucial. A l’heure où Israël redouble de violence à Gaza et en Cisjordanie et défendra ce vendredi son massacre, la lutte pour la libération de la Palestine nécessite plus que jamais une solidarité internationale dans la rue, qui cherche à construire un rapport de forces contre les Etats impérialistes comme les Etats arabes complices d’Israël.


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