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Pétrochimie

Grève des raffineurs à Total et ExxonMobil : vers une pénurie de carburant ?

De plus en plus de stations-service approvisionnées par TotalEnergies sont en panne sèche d’un ou plusieurs types de carburants, obligeant certaines à fermer temporairement. Alors que la grève des raffineurs à Total et ExxonMobil se poursuit, quoiqu'en disent Total et le gouvernement le risque d'une pénurie de carburant est réel.

Nathan Deas

5 octobre 2022

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Des tensions à la pompe

Ile de France, Bouches du Rhône, Normandie, Champagne-Ardennes… sur l’ensemble du territoire, nombre d’automobilistes désirant se ravitailler ces derniers jours ont dû prendre leur mal en patience. La faute à des stations à sec ou à des files d’attentes s’étirant parfois sur des centaines de kilomètres. Mardi, la radio France Bleue Paris rapportait que près de la moitié des stations TotalEnergies à Paris et autour de son périphérique ne pouvait plus vendre, faute de stock.

Signe des tensions croissantes à la pompe, les préfets du Pas-de-Calais et du Nord ont pris un arrêté interdisant la vente et l’achat de carburant dans des récipients transportables manuellement. La décision, qui doit « permettre à la situation de revenir à la normale », d’après la préfecture du Pas-de-Calais a été prise en réaction aux difficultés d’approvisionnement dans la région.

Grèves des raffineurs à Total et ExxonMobil, baisse des prix du carburant… : une combinaison de plusieurs facteurs ?

Initiée mardi dernier dans plusieurs sites pétroliers du groupe TotalEnergies, la grève se poursuit cette semaine. Sur les sept raffineries de l’Hexagone, cinq sont à l’arrêt, dont celle de Normandie, qui représente 22% des capacités de raffinage sur le territoire. Le débrayage est entré hier dans sa deuxième semaine. A ExxonMobil, les deux raffineries de Gravenchon (15% des capacités de raffinage en France) et Fos-sur-Mer sont en grève depuis maintenant plus de deux semaines.

Du côté de la direction du groupe de Total, on tend à minimiser l’influence de la grève en expliquant la situation par « une forte affluence » dans les stations, en raison de la baisse des prix des carburants distribués. Depuis un mois, la multinationale applique, en effet, une remise à la pompe de 20 centimes d’euros par litre, avec pour résultat une augmentation de 30 à 40% de ses clients, selon son calcul.

C’est que la mobilisation dans les raffineries du groupe et l’actualisation du rapport de force posé par le risque de pénurie pourrait faire boule de neige auprès des sites plus extérieurs à la mobilisation et des filiales du groupe. D’autant plus que comme le notent Les Echos : « Les grèves affectent en réalité au-delà de la France car le marché européen du diesel en subit aussi le contrecoup. Déjà touché par le ralentissement des importations de pétrole de Russie, le resserrement de la production française est d’autant plus remarqué que plusieurs raffineries européennes sont à l’arrêt pour maintenance. ».

Vers un risque de pénurie ?

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a admis ce mercredi, à la sortie du conseil hebdomadaire des ministres, « des tensions temporaires » et reconnu que 12% des stations à l’échelle du pays étaient concernées par le phénomène et que ce taux atteignait plus de 30% dans les Hauts de France. Le porte-parole du gouvernement a ajouté que l’Etat avait dû « puiser dans les stocks stratégiques pour permettre d’alimenter » certaines stations.

TotalEnergies a de son côté concédé recourir à des importations de carburant depuis l’étranger selon RMC. Seulement si la grève se poursuit, les difficultés à se fournir en essence pourraient s’intensifier, comme le note Frédéric Plan, directeur général de la Fédération Française des Combustibles, Carburants & Chauffage.

« Si la grève s’arrêtait aujourd’hui ou demain, ça pourrait passer, mais tant que la grève perdure dans les raffineries, il y aura des problématiques de réapprovisionnement. Nous n’avons strictement aucune information sur l’état d’avancement des négociations qui permettraient de faire cesser les grèves aux expéditions des raffineries. N’ayant pas de visibilité, on s’interroge » explique-t-il dans les colonnes de 20 minutes.

En d’autres termes, si pour l’heure le mouvement de grève est à l’origine localement de ruptures de stock, en raison de désorganisations liées à la grève, la question d’une pénurie est un risque réel et dans un horizon proche. Si en temps normal, le risque de pénurie devrait être plus éloigné, le contexte de crise actuelle et le maintien de la grève pourrait cependant accélérer le processus. Dans ce contexte, l’enjeu fondamental consiste à l’extension du mouvement de grève.

Du côté des classes dominantes, à la politique de l’autruche pourrait rapidement succéder une politique offensive en direction de l’opinion publique. L’occasion de nous rappeler qu’au-delà de l’agitation journalistique et politique sur le risque de pénurie d’essence, l’enjeu de ce bras de fer est décisif pour tous les travailleurs.

Face à l’inflation et à la crise énergétique, des grèves victorieuses dans des groupes majeurs du tissu industriel français comme Total ou Exxon ne seraient pas seulement des défaites pour les patrons concernés, mais une défaite pour tout le patronat. Elles ouvriraient une brèche dans laquelle pourrait s’engouffrer de nombreux salariés. En d’autres termes, l’intensification du rapport de force en faveur des grévistes de la pétrochimie est d’une importance capitale !


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