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Du sang sur les mains

Vente d’armes à Israël : Joe Biden court-circuite le Congrès et réaffirme son soutien au génocide

Après avoir opposé un véto à la résolution de l’ONU visant un « cessez-le-feu », Joe Biden récidive et autorise sans l’aval du parlement la vente de 13 000 munitions de char à Israël. Une nouvelle démonstration du soutien sans faille de l’impérialisme américain à Israël, mais qui ne va pas sans contradictions.

Enzo Tresso

11 décembre 2023

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Vente d'armes à Israël : Joe Biden court-circuite le Congrès et réaffirme son soutien au génocide

Alors que les Etats-Unis ont utilisé leur droit de véto, vendredi 8 décembre, pour censurer une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui prévoyait un « cessez-le-feu humanitaire immédiat », le Département d’État (équivalent américain du Ministère des Affaires Étrangères), a notifié le Congrès, le même jour en fin de journée, qu’il procédait sans son accord à la vente à l’État d’Israël de près de 13 000 munitions, pour une valeur de 106 millions de dollars. Alors qu’une commission parlementaire spéciale examinait la commande israélienne, le Département d’Etat a décidé d’en satisfaire une partie, contournant l’approbation du Congrès au nom d’une « situation exceptionnelle qui exige une vente immédiate ».

Issues des réserves de l’armée américaine, ces munitions sont à destination des chars Merkava, massivement déployés par l’armée israélienne dans sa guerre coloniale contre Gaza, comme l’atteste par exemple cette vidéo montrant un char tirant sur une voiture civile lors d’une incursion fin octobre, et à la frontière libanaise où, le 7 décembre, le journaliste Issam Abdallah a été tué par un tir de char visant son véhicule, comme l’a confirmé Reuters. Employées par les tankistes de Tsahal, ces armes seront très probablement utilisées contre des civils et des journalistes, alors que l’armée israélienne a commencé la conquête du sud de la bande de Gaza et que ses chars ont pénétré dans Khan Younès.

La vente accélérée de ces munitions s’inscrit ainsi dans la continuité du soutien criminel que l’impérialisme états-unien apporte à l’Etat d’Israël. Recevant une aide militaire annuelle de 3,8 milliards de dollars depuis 2016, dans le cadre d’un plan de soutien défendu à l’époque par Barack Obama, l’Etat israélien est également un des principaux importateurs d’armes américaines. D’après les documents transmis à la commission parlementaire par le Département d’Etat, Tsahal a largué, depuis le début de son offensive génocidaire, près de 22 000 bombes de facture étatsunienne. Pendant la même période, les Etats-Unis ont livré à Israël, d’après ce même rapport, près de 15 000 bombes, dont 2000 « bunker busters », des obus de 900 kg à charge pénétrante, destinés à détruire des structures fortifiées ou souterraines. L’engagement de l’impérialisme états-unien aux côtés d’Israël le rend ainsi complice des exactions commises par Tsahal lors du nettoyage ethnique du nord de la bande de Gaza et en fait un collaborateur indéniable du resserrement de l’étau génocidaire dans le sud.

Un soutien politique, matériel et financier qui n’est cependant pas sans difficultés. La réticence du Congrès à approuver la vente, mais aussi le recours à cette disposition de contournement ne sont d’ailleurs pas étrangers à leur approfondissement dans le cadre du conflit en cours. Comme le rapporte le Washington Post, qui souligne le caractère exceptionnel de la mesure, ce biais légal avait notamment été utilisé en 2019, lors de la vente d’armes que le Congrès refusait d’approuver, d’une valeur de 8,1 milliards d’euros, à la coalition menée par l’Arabe Saoudite, coupable de crimes de guerre au Yémen. Alors que le gouvernement Biden ne contrôle plus la chambre des représentants, tenue par les Républicains, et que sa majorité sénatoriale se divise au sujet du soutien à Israël, le contournement du parlement fait à la fois signe vers l’importance de l’assistance étatsunienne à l’Etat d’Israël en même temps qu’il met en lumière sa fragilité.

Tandis qu’un groupe de démocrates affirmait, jeudi 7 décembre, sa volonté de travailler sur un projet législatif qui durcirait les conditions de vente des armes américaines, le gouvernement doit affronter l’opposition des administrations fédérales dont les notes et les rapports internes contestent la ligne officielle de Biden, voire la démission de certains hauts fonctionnaires, comme celle de Josh Paul le 19 Octobre, directeur d’une division du Bureau des affaires militaires et politiques du Département d’Etat, chargé notamment de la supervision des envois d’armes aux pays étrangers. Dans sa lettre de démission, il critiquait le « soutien aveugle » du gouvernement Biden et affirmait « ne plus vouloir prendre part aux erreurs que nous avons commises ces dernières décennies ».

Après avoir utilisé son droit de véto, suscitant la colère des dirigeants arabes, la décision du Département d’État a également provoqué le mécontentement de certains sénateurs démocrates, dont Chris Van Hollen qui, interrogé par le New York Times sur la décision du gouvernement, a déclaré que « la décision de l’administration de court-circuiter le délai déjà limité de l’examen du Congrès mine sa transparence et affaiblit la reddition de compte ». À l’approche de la présidentielle, le camp démocrate est également soumis à une forte pression électorale, le soutien inconditionnel à Israël suscitant un mécontentement durable dans la jeunesse et chez les minorités racisées, piliers du vote démocrate, qui se sont mobilisées de nombreuses fois depuis le 7 Octobre.

L’usage de ce dispositif de contournement du vote parlementaire révèle ainsi les contradictions du soutien impérialiste étatsunien à l’Etat d’Israël notamment au regard des enjeux électoraux immédiats qui sont ceux du camp démocrate et les critiques de plus en plus nombreuses de la politique de Biden. Les très récentes déclarations du gouvernement en faveur d’un cessez-le-feu, et les appels pour qu’Israël « change de stratégie » dans le sud, indiquent ainsi une inflexion avec la ligne du refus de toute trêve qu’il défendait depuis deux mois, et témoignent de la fragilité de sa politique. Le gouvernement Biden exhorte désormais Israël à achever ses opérations militaires à Gaza avant la fin de l’année, suscitant de violentes réactions de la part des représentants de l’Etat d’Israël, comme Tzachi Hanegbi qui affirme, sur le canal 12 israélien, que l’opération « ne peut pas être mesurée en semaines et sans doute pas même en mois ». Loin d’être anodins, ces affrontements sur le calendrier et la stratégie de la guerre coloniale à Gaza révèlent que l’impérialisme étatsunien, de plus en plus contesté, est désormais sous pression, mais aussi que l’étau politique se resserre pour Israël.

Face aux puissances impérialistes qui font commerce du sang palestinien, la mobilisation n’a jamais été aussi nécessaire pour faire pression sur les gouvernements impérialistes soutiens d’Israël, pour obtenir, plus qu’une trêve précaire, la décolonisation de la Palestine et pour œuvrer à la construction d’une Palestine socialiste et ouvrière où Juifs et Arabes pourront vivre en harmonie.


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