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Rapport sur la santé des étudiants

Santé, études, travail : le triangle des Bermudes

Maia de Abril Si, en 2015, les conditions de vie de l'immense majorité de la population se dégradent au profit toujours plus scandaleux de quelques uns, c'est également le cas de la santé des étudiant-e-s. Selon un rapport de la LMDE, corroboré par les enquêtes menées par emeVia et la Smerep, autres mutuelles étudiantes, « 15% des étudiants jugent leur état de santé moins bon » cette année. Entre addictions, moral en berne, et surtout la précarisation du milieu étudiant, ces statistiques pointent une conséquence très claire de la transformation des universités et plus encore, de nos sociétés.

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L’université ou la désillusion

Ces résultats montrent, entre autres, que les étudiants boivent plus, fument plus, consomment plus de drogues douces, et même s’essayent de plus en plus aux drogues dures. Ces augmentations concernent un pourcentage plus ou moins important de personnes sondées mais démontrent une réalité claire : la vie étudiante est difficile à supporter et pour compenser une série d’impératifs, l’impasse se fait sur la santé.

Car en effet ce qui importe ici, c’est pourquoi et comment une telle dégradation. Sans jugement pour l’étudiant qui fume plus, pourquoi fumer plus ? La réponse se trouve peut-être dans les conséquences des réformes successives qui tendent toujours plus à faire des universités les antichambres des entreprises. Entre autonomie et coupes budgétaires, les conditions d’études sont directement attaquées ainsi que les conditions de travail des salariés de l’université. Aujourd’hui, on revoit le calendrier universitaire au plus serré, on supprime des postes et donc des cours, quand ce n’est pas directement les filières jugées « non-rentables », on manque de place en TD et de moyens en BU, les CROUS ferment ou les tarifs augmentent, pareil pour les services de santé au sein des universités, les frais d’inscription menacent de s’élever tandis que les bourses baissent et deviennent de plus en plus difficiles d’accès, etc. Parallèlement, les conseils d’administration voient leurs chaises se remplir de directeurs d’entreprises tandis que fleurissent les formations professionnelles, assurant certes un boulot, mais créant un savoir au seul pas des besoins du patronat. La liste est longue de ces changements et autres ajustements au nom de la crise qui en fait transforment nos universités en une machine à broyer de l’étudiant pour en faire de la chair à patron.

L’université, elle t’aime ou tu la quittes

Certes l’avenir inquiète tout le monde, et les étudiants de plus en plus. Les différentes enquêtes révèlent qu’en majorité, ils sont en situation de stress et d’angoisse au quotidien voire de détresse psychologique grave, notamment quant à la question de leur futur emploi. Aujourd’hui, avoir un diplôme de l’enseignement supérieur, même si cela reste la meilleure option, assure de moins en moins un emploi stable ou des revenus fixes. Avec la libéralisation du marché du travail renforcée notamment par la loi Macron, les conditions d’emploi se dégradent et la précarité se normalise. Pour les travailleurs et étudiants d’ores et déjà les plus précaires, la situation est insupportable voire invivable, bien souvent.

Le constat posé par ces enquêtes dévoile une réalité évidente et pourtant souvent oubliée ou masquée. Le milieu étudiant ne se compose pas exclusivement d’individus privilégiés et oisifs, il comporte surtout toute une frange de la jeunesse populaire pour qui l’université est un véritable parcours du combattant. Difficultés financières majeures, renoncement aux soins, alimentation en péril et exercice inexistant ; pour tous ceux qui doivent concilier emploi et études, revenus minimes et études, obligations familiales et études, isolement et études, etc. En effet, l’adaptation grandissante à l’élitisme des classes supérieures et aux techniques de gestion à l’américaine font que seuls ceux pouvant bénéficier facilement d’un bon budget et de temps pour leurs études pourront s’y tenir.

Les combats quotidiens menés pour la survie ne permettent pas de suivre un cursus correctement ou même de le terminer. On parle ici de dizaines de milliers de jeunes qui abandonnent chaque année leurs études, ou plutôt qui sont laissés derrière.

Santé des étudiants, santé des travailleurs, santé du patronat

Ces étudiants, qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts, sont bien souvent forcés de choisir en dernière instance le travail plutôt que les études, à défaut de pouvoir bénéficier de l’aide nécessaire pour mener à bien celles-ci. Une fois leurs rêves d’une vie meilleure détruits et piétinés, apparaît clairement le caractère de classe de la réussite et de l’exploitation qu’on leur destine. Désormais, ils sont travailleurs précaires et rejoignent tous les autres dont l’énergie toute entière est absorbée par le patronat. C’est probablement, en effet, le bilan de santé de toute la population qui se dégrade au vu des difficultés croissantes qu’elle rencontre pour obtenir un travail stable et bien rémunéré, pour se nourrir correctement et se loger décemment, pour accéder aux soins, pour avoir du temps pour soi, pour partir en vacances, pour vivre tout simplement.

En revanche, les plus riches sont toujours plus riches et plus nombreux. Cherchez l’erreur. Autre critique quant à l’université : non seulement le fossé entre les classes se creuse, mais c’est désormais toute l’orientation de la recherche, la production du savoir et l’enseignement qui se mettent peu à peu au service des grandes entreprises, ces dernières siégeant aux conseils d’administration et finançant des filières entières. Finalement, l’université crée en majorité deux types d’étudiants : ceux qui se font relais de l’exploitation et ceux qui la subiront. L’étudiant qui arrête ses études représente une double victoire pour le capitalisme. Non seulement c’est un travailleur de plus, mais surtout c’est un travailleur résigné dont l’espoir d’une autre vie s’est brisé tandis qu’il quittait l’université. Voilà pourquoi c’est une université critique et populaire, ouverte à tous et au service des travailleurs qu’il faut, libre et indépendante du patronat, pour nous, pour demain.


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