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A nouveau plus de 400 étudiants contre la loi travail

A Paris 1, une AG qui pose le problème de la construction du mouvement

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Correspondant

Pour la deuxième fois en quelques jours, les étudiants de l’Université de Paris 1 se sont retrouvés nombreuses et nombreux en assemblée générale pour le retrait de la loi travail au centre Tolbiac. Plus de 400 d’entre eux, ainsi que de nombreux salariés et professeurs, sont venus discuter de l’état du mouvement après l’assemblée générale réussie et la mobilisation impressionnante du 9 mars. Ont été évoquées les perspectives pour élargir, massifier et approfondir la dynamique entamée. Mais l’ambiance s’est tendue autour de pratiques qui nuisent à la démocratie nécessaire au développement du mouvement. La teneur des discussions a ainsi mis en lumière la nécessité de construire des cadres d’auto-organisation et de débat démocratiques pour que le mouvement se structure dans la durée.

« Tous ensemble, tous ensemble, grève générale ! »

Les étudiants ont peu à peu commencé à remplir l’amphithéâtre N, le plus grand du centre Tolbiac, à partir de midi. Les différentes commissions du comité de mobilisation ont d’abord rendu compte de leur activité et de l’exécution des décisions prises par la dernière assemblée générale depuis mercredi dernier.

Le rapport fait par la délégation d’étudiants qui s’est rendue à la gare d’Austerlitz était particulièrement intéressant. La visite au comité de mobilisation de la gare d’à côté a permis de se renseigner sur la lutte des cheminots qui ont massivement fait grève le 9 mars non seulement contre la loi travail, mais également le décret socle – en quelques sortes la déclinaison interne à la SNCF de la loi travail – qui rendra leurs conditions du travail encore plus difficiles, notamment en supprimant environ une vingtaine de jours de repos par an. Les cheminots ont proposé aux étudiants mobilisés de se joindre à eux pour des activités à la gare et de partir en manifestation ensemble ce jeudi 17 mars. Ainsi, l’idée de la convergence de ces deux mobilisations naissantes se fait progressivement son chemin.

Un cheminot de la gare d’Austerlitz et représentant de l’Union locale CGT du 5ème arrondissement est venu également afin d’approfondir les liens entre les deux sites. Dans son intervention, il a posé clairement le caractère artificiel des modifications du projet de loi qui avaient été proposées hier par le gouvernement. « Un projet de loi El-Khomri-Gattaz, écrit pour les patrons, par les patrons » a-t-il déclaré sous l’approbation de la salle. S’engageant à se battre jusqu’au retrait sans négociation du projet de loi, il a rappelé que la CGT et les cheminots seraient là le 17 mars « non pas en soutien aux étudiants, mais avec les étudiants ». Son intervention a été particulièrement appréciée, toute l’AG se levant pour chanter ensemble « tous ensemble, tous ensemble, grève générale ».

L’assemblée générale a également accueilli une délégation de lycéens qui ont parlé de leurs actions récentes. Contrairement aux dernières années, où les lycéens sont sortis dans la rue mais de manière limitée dans le temps, et avec peu d’éléments d’auto-organisation sur les bahuts, cette année, on voit des assemblées générales assez massives se multiplier à une vitesse impressionnante. En effet, ces assemblées générales permettent à une partie importante d’élèves de se saisir des enjeux de la mobilisation, de réfléchir aux suites, d’élaborer collectivement des modes d’action et d’animer le mouvement. Le cas du lycée Hélène Boucher, où plus de 150 élèves se sont réunis lundi matin, débouchant sur un appel à la mobilisation et au blocage sur tous les lycées pour le 17, en est l’une des illustrations les plus emblématiques jusque-là.

Des perspectives, mais un défi : développer la démocratie et l’auto-organisation, seule solution pour gagner

Une fois les comptes rendus et les invités accueillis, le débat s’est ouvert. De nombreux thèmes sont régulièrement revenus dans les interventions : la réussite du 9, la peur que prend le gouvernement face à l’ampleur du mouvement, le rejet de ses propositions de modification qui laissent intact 97 % du projet initial, et le refus des négociations, mais aussi la nécessité de faire rentrer la grève plus profondément dans l’université, comme à Paris 8 où plusieurs UFR sont déjà en grève, de continuer le travail d’information et de massification, et de construire la grève générale nationale d’ici le 31 mars.

Plusieurs éléments de l’assemblée générale ont cependant mis en lumière les limites de l’organisation du mouvement naissant et la nécessité de construire et de renforcer l’auto-organisation face à l’administration universitaire évidemment, mais aussi au sein même de l’assemblée générale.

Le premier de ces moments est arrivé quand la tribune a demandé aux présents de statuer sur l’autorisation des médias d’accéder à la salle. Alors qu’un secteur de l’AG défendait l’interdiction des médias, l’assemblée a largement accepté leur présence. Or, malgré ce vote, l’administration de l’université les a empêché de rentrer dans l’enceinte de l’université. Quelques personnes ayant défendu l’interdiction sont même sorties de la salle pour appuyer dans cette décision la direction ! Cet épisode constituait une remise en cause de l’assemblée générale comme cadre démocratique et souverain à travers lequel les étudiants, personnels et professeurs en grève débattent, élaborent et exercent leur volonté collective.

Le deuxième est arrivé quand les intervenants ont commencé à dénoncer la mainmise de l’UNEF sur les discussions. En effet, les militants de l’UNEF se sont massivement inscrits pour intervenir dès l’ouverture du débat, aboutissant à une situation inacceptable dans laquelle les centaines d’étudiants qui venaient parfois à leur première AG, et qui auraient du pouvoir prendre part au débat, ont vu se clore la liste...moins de trois minutes après son ouverture ! Résultat : très peu de place et de temps pour un véritable échange d’idées, verouillage important aussi bien du débat sur la loi que sur les suites à donner au mouvement.

Ces pratiques profondément anti-démocratiques ont provoqué logiquement de nombreuses tensions dans l’assemblée générale. Elles ont aussi alimenté d’autres pratiques qui ne sont pas moins destructrices du cadre démocratique commun qu’est l’AG, et qui sont elles portées par un secteur de militants autonomes, qui prétendent qu’il ne serait pas légitime de discuter, élaborer, et trancher collectivement, et préfèrent se constituer en minorité agissante. Interruptions, invectives, et autres méthodes violentes ont donc ponctué et pollué l’AG de Paris 1 de ce mardi, alors même que l’enjeu de ce rendez-vous était de permettre à de nombreux étudiantes et étudiants qui, sans être initialement militants d’organisations, ont pris en charge depuis quelques jours la construction du mouvement, d’échanger plus largement et de s’adresser aux étudiants qui ne sont pas encore entrés dans la mobilisation.

Heureusement, l’occupation du bureau du régisseur des bâtiments de Tolbiac qui s’est tenue dans la foulée de l’AG pour obtenir la banalisation des cours ce jeudi 17 pour la journée nationale de mobilisation, a permis de ressouder les rangs de ces nombreuses et nombreux motivés à construire la lutte. Et le comité de mobilisation qui a suivi a permis de faire un bilan sévère et salutaire à la fois de ce qui s’était passé en AG, pour avancer vers un nouveau mode de fonctionnement. Si on veut que la mobilisation s’amplifie, s’approfondisse et s’installe durablement, réussisse la convergence avec les salariés et les lycéens pour faire plier le gouvernement, il faut poursuivre le développement de véritables cadres de débat démocratique et de prise de décision collective qui permettent au plus grand nombre de personnes de participer activement à la lutte et encourager leur déclinasion à tous les niveaux au sein de la fac (étudiants, profs, personnels, sites délocalisés, UFR, IUT...).

Une nouvelle assemblée générale se tiendra ce jeudi matin en vue de la manifestation de 14h. Celle de ce mardi matin a aussi réitéré son appel à une coordination des universités mobilisées en Ile de France ce jeudi 17 après la manifestation, en proposant aux autres facs de mandater des délégués dans leur assemblée générale. Les critères qui ont été adoptés sont les suivants, pensés pour représentés le plus justement la mobilisation qui se développe : 3 délégués pour les AGs qui ont réuni moins de 200 personnes, 5 de 200 à 500, et 8 au delà de 500.


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