Ca doit être fatigant, à force : on compte sur vous, cheminots, pour la bataille engagée contre la loi El Khomri. Ca doit être fatigant, parce qu’il y a deux ans, vous vous êtes bagarrés contre la « réforme ferroviaire », et vous étiez seuls. A l’automne 2010, avec les raffineries, vous étiez la locomotive du mouvement contre la « réforme » sur les retraites, et là encore, ça s’est soldé par un échec.

Ca pèse dans vos têtes, on imagine bien, on l’entend dans les discussions. Même si on se souvient aussi, plus loin, de votre victoire en décembre 1995. Voire encore plus loin, ça appartient à l’histoire, de votre rôle de première importance dans la résistance.

Pour maintenant, on n’a pas le choix : ça repose pas mal sur vous. Parce que vous êtes l’un des rares secteurs encore organisés, avec des syndicats puissants. Parce que, quand vous faites grève, les trains s’arrêtent, et ça a plus d’effets que lorsqu’un chercheur, ou un étudiant s’y met.

C’est vous, on le sent, qui donnerez ou non le signal pour le pays.
Nous avons une chance dans notre malheur : la « réforme » de votre statut tombe en même temps que la loi El Khomri. Comment ne pas voir que ce sont les deux faces d’une même pièce ? d’un même projet ? D’un côté, pour vous, un statut diminué, qui s’aligne sur le moins-disant du privé, façon « Ryanair ». De l’autre, pour le privé, un sous-CDI, afin de rendre les salariés plus souples. Le dumping pour tous.
De cette conjonction, faisons-en une chance : ne nous regardons pas avec méfiance, en chiens de faïence.

Quelque chose flotte dans l’air, ce printemps, qui est prêt à se cristalliser. Les Nuits debout n’en sont qu’un indice, qu’un signe avant-coureur. Vous pouvez être l’explosion."