Timur Chevket

Enfin, pour la première fois depuis le début de la crise, les 10% les plus pauvres voient leurs revenus augmenter de 0,1%. Il n’en faut pas plus à Denis Clerc, fondateur du magazine de référence Alternatives Économiques, pour nous asséner la vérité que l’on n’attendait plus : « Tout compte fait, c’est bien une politique de gauche qui a été menée en 2013  ». Remercions encore nos statisticiens sans lesquels nous aurions bien du mal à le remarquer. Bon, une petite augmentation des revenus les plus faibles entre 2012 et 2013 qui, « tout compte fait », est de 9 euros par mois. Un revenu moyen des 10% les plus pauvres qui, grâce à ces 9 euros, culmine alors à 894 euros mensuels. Encore sous le seuil de pauvreté en France métropolitaine : 1000 euros par mois.

Les pauvres sont moins nombreux…

Le seuil de pauvreté est fixé à 60% du revenu médian. C’est le revenu mensuel tel qu’il existe 50% de revenus supérieurs et 50% de revenus inférieurs. Ce revenu était de 1667 euros en 2013, d’où un seuil de pauvreté à 1000 euros. En 2013, 180 000 personnes sont passées au-dessus de ce seuil, soit… une baisse de 0,3% du nombre de pauvres. En fait, 14% de la population française reste dans la « pauvreté monétaire » des statisticiens : 8 600 000 personnes. Une amélioration des chiffres qui ne traduit pas un recul du chômage mais uniquement une légère augmentation des prestations sociales. Et encore, celle-ci provient moins d’une revalorisation du RSA que d’une variation dans la population désœuvrée qui, plus âgée, perd des emplois occupés plus longtemps, accédant à des allocations de chômage plus conséquentes. Voilà pour cette embellie bien anecdotique qui fait écrire au Figaro : « Les inégalités sociales ont nettement reculé en 2013 ».

Et les riches moins riches ?

Enfin, c’est aussi une baisse des revenus des plus riches qui permettrait de parler d’une baisse des inégalités sociales. Le niveau de vie des 10% les plus riches a baissé de 2%. Réduction des dividendes, des loyers, plus forte pression fiscale. À croire que la France serait en marche vers le socialisme ! Mais quand on se penche sur ces chiffres, la première limite se situe dans l’égale évaluation du niveau de vie des plus riches et des plus pauvres sur la base des revenus. Or, si les plus démunis ne peuvent compter que sur leurs revenus, il est ridicule de ne pas prendre mesure du patrimoine des plus aisés, du capital des bourgeois. Autre hic, si l’étude de l’Insee se base sur les enquêtes fiscales relatives aux déclarations d’impôts, en 2013, 274 à 600 milliards d’euros appartenant à des citoyens français dormaient dans divers paradis fiscaux. Peu de chances que ceux-ci aient été détenus par les 10% de Français les plus misérables.

Le comble

Il n’est pas inintéressant de terminer en relevant la note cachée dans le rapport de l’Insee, précisant que l’étude ne s’intéresse ni aux ménages sous la responsabilité d’étudiants (car leurs revenus sont dérisoires par rapport au reste de la population ?), ni aux SDF qui n’y sont pas représentés ! 3,6 millions de personnes en France auxquelles on ne s’intéresse pas quand il s’agit de faire parler les chiffres de la pauvreté. Alors non, vous n’aviez pas tort de douter, les inégalités sociales ne se résorbent que dans la tête de ceux qui cherchent dans les publications de l’Insee un indice permettant de trouver un peu de gauche au gouvernement.