Mercredi 13 mars, Wanys R. est tué par la police. Après une course poursuite de plusieurs minutes, son deux-roues est heurté, dans une avenue d’Aubervilliers, par un véhicule de la BAC qui arrive en sens inverse. Le conducteur, meurt peu après la collision. Son passager est grièvement blessé. Vendredi, son avocat accuse les policiers d’avoir « volontairement » percuté son scooter. Une vidéo du drame est largement diffusée sur les réseaux sociaux et les médias. Elle semble accréditer la thèse de l’avocat. Wanys avait 18 ans. Wanys vivait à la Courneuve.

Sitôt les faits connus, les énoncés. Toujours les mêmes. « La voiture n’aurait pas pu éviter le scooter » entend-on sur BFM-CNEWS ; « Wanys a été tué en raison des infractions qu’il était en train de commettre (refus d’obtempérer) » ; « Wanys avait été condamné par la justice et condamné à un an de prison avec sursis » écrit le Parisien ; Wanys a été tué parce qu’il était tuable. Comme Nahel et 21 autres jeunes hommes avant lui en 2023.

Dimanche soir, une cinquantaine de jeunes et la police retranchée dans un commissariat de la Courneuve s’affrontent. Certaines publications de vidéos des faits sur les réseaux sociaux font référence à une « vengeance pour Wanys » selon le Parisien. Les plateaux télé et autres politiques à nouveau s’harmonisent. Cette fois, il s’agit de dénoncer la « violence ». Celle dont on a le droit de parler. Celle qu’il faut montrer en direct. Celle des « habitants de quartiers », des cocktails molotov et des « mortiers » d’artifice. On parle « émeutes » et « violences urbaines » pour mieux « renvoyer à la sauvagerie, à la désorganisation et à la barbarie » (notait Héléna Berkaoui, rédactrice en chef du Bondy Blog en juin 2023). Après avoir relégué la violence policière meurtrière au plan de la non-politique suit l’animalisation et la délégitimation de ceux qui la contestent.

Indéniablement pourtant les jeunes de la Courneuve ce dimanche avaient quelque chose à dire. Leur émotion d’abord face à un énième crime policier et la crainte, tout aussi légitime, qu’il soit suivi d’un nouveau déni de justice. La colère ensuite, d’une génération déconsidérée, prise pour cible par l’extrême droite, le gouvernement et la montée des idées identitaires. Bref, leur révolte à la croisée de l’exploitation et de l’oppression raciale. Celle d’une génération qui a dit non à la violence d’un État répressif et colonial. Et qui désormais, quelques mois après avoir déjà pris la rue pour Nahel, la prend à nouveau pour Wanys. Ce n’est sans doute pas davantage ce genre de précaution sémantique qui fera reculer l’exécutif, sa police et Macron, mais puisque les mots ont un sens : à la Courneuve dimanche soir, c’était une nuit de révolte.