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Solidarité internationale

États-Unis : la révolte étudiante pour la Palestine et la lutte contre la répression

Le mouvement étudiant pour la Palestine qui a émergé aux États-Unis représente un défi au soutien bipartisan à Israël. Malgré la forte répression, la solidarité s'étend aux États-Unis, impactant des secteurs ouvriers combatifs, et dans le monde entier. L'analyse de Jimena Vergara.

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États-Unis : la révolte étudiante pour la Palestine et la lutte contre la répression

Crédit photo : Luigi W. Morris

Cet article a initialement été publié dans Ideas de Izquierda, le supplément théorique de La Izquierda Diario, par Jimena Vergara, militante à Left Voice, courant frère de Révolution Permanente aux États-Unis. Traduction par Louise Kervella.

Le 17 avril, la présidente de l’université de Columbia, Minouche Shafik, a comparu devant le Congrès étatsunien et s’est engagée devant la nation à lutter contre « l’antisémitisme » à l’université, sachant que son poste ne tenait qu’à un fil.

Face aux reproches des républicains et des démocrates qui l’accusaient d’avoir échoué à réduire au silence ses étudiants pro-palestiniens, Minouche Shafik a déclaré : « L’antisémitisme n’a pas sa place sur notre campus et je m’engage personnellement à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour le combattre de manière directe ».

À la Maison-Blanche et au Capitole, politiciens et fonctionnaires ont été scandalisés par le fait que, sur le campus de l’une des universités d’élite les plus prestigieuses du pays, d’où sont sortis huit anciens présidents, dont Barack Obama, des jeunes portant le keffieh ont organisé pendant des semaines le Campement de Solidarité avec Gaza. Ce camp était un affront direct au gouvernement et à un régime inconditionnellement allié à Israël par le financement du génocide. Joe Biden, Donald Trump, les grands médias, les autorités universitaires et toutes les institutions du régime ont dénigré le mouvement en le qualifiant d’« antisémite » pendant des mois.

Mais le mouvement est allé crescendo, faisant taire les fausses accusations d’antisémitisme, grâce à la mobilisation tenace, depuis le mois d’octobre, de jeunes Palestiniens, de Juifs et de jeunes de toutes origines luttant côte à côte contre le génocide et l’occupation sioniste de la Palestine. « Not in our name ! » (Pas en notre nom !) Tel est le slogan de milliers de jeunes et moins jeunes juifs antisionistes aux États-Unis. La fausse assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme a été mise à nu devant des millions de personnes. S’il y a une chose qui distingue ces jeunes, c’est l’antiracisme. Beaucoup de ceux qui se mobilisent aujourd’hui pour la Palestine faisaient partie du mouvement BLM. Les plus jeunes étaient adolescents en 2020, mais ils faisaient certainement partie de l’imaginaire « Black Lives Matter » par l’intermédiaire de leurs familles et de leurs frères et sœurs. Ils sont les héritiers des luttes précédentes, mais il y a quelque chose de particulièrement disruptif dans cette nouvelle génération, dont l’avant-garde a entre 18 et 24 ans.

Le mouvement pro-palestinien remet en cause un aspect très sensible de la politique bipartisane, à savoir l’alliance inconditionnelle avec l’État d’Israël. Le Parti démocrate, qui a su coopter les grands mouvements sociaux du passé, depuis le colossal mouvement des droits civiques jusqu’à Black Lives Matter, fait face à d’énormes difficultés avec le mouvement actuel car le régime bipartisan est sioniste jusqu’à la moelle.

Cela ne s’exprime pas seulement dans le fait que les États-Unis soutiennent matériellement et politiquement le génocide, mais aussi dans le fait que les institutions de l’État et les secteurs du capital aux États-Unis sont façonnés par les relations avec Israël.

C’est pourquoi la principale revendication sur les campus est que les universités cessent d’investir une partie de leur budget dans des institutions liées à l’État israélien, dans des entreprises étatsuniennes qui parrainent le génocide ou dans des investissements à travers des programmes culturels et sociaux de toutes sortes dans l’État d’Israël. Le mouvement BDS, qui depuis des années grandissait et se généralisait, a retrouvé un nouveau souffle grâce à ce nouveau mouvement étudiant, inspiré par les étudiants sud-africains qui exigeaient également le définancement des universités qui investissaient dans le régime de l’apartheid.

Les échos de 68 – lorsque les étudiants étatsuniens ont défié leur propre gouvernement pour exiger la fin de la guerre du Vietnam – parcourent les campus et étouffent le bruit des calomnies et de la diffamation médiatique. Une conscience anti-impérialiste émerge aux États-Unis, incarnée par la jeunesse.

L’une des différences entre la conjoncture politique pendant la guerre du Vietnam et le moment actuel, est que l’impérialisme et l’hégémonie des États-Unis sont en net déclin et que le mouvement actuel remet directement en question le rôle des États-Unis en tant que gendarme du monde et son alliance génocidaire avec Israël. L’autre est le danger que Donald Trump remporte la présidence dans un contexte de forte polarisation politique et sociale dans sa tentative de récupérer la base sioniste du Parti démocrate, arguant que Biden n’a pas été assez dur avec le mouvement pour la Palestine.

Le 18 avril, un jour après avoir comparu devant le Congrès, Shafik a agi en conséquence et a envoyé la police de la ville de New York, dirigée par le maire démocrate Eric Adams, pour évacuer violemment les étudiants de Columbia. Ils ont commis une grossière erreur. Ils ont négligé le changement profond de l’opinion publique étatsunienne envers Israël, envers le génocide en cours et envers l’association criminelle entre l’État sioniste et les États-Unis. Comme le montrent de récents sondages, seulement 36 % de la population américaine exprime de la sympathie avec Israël. Ils ont ignoré le fort impact qu’a eu le mouvement étudiant pro-palestinien au cours des six derniers mois et l’impact des images brutales, presque dystopiques, de la population de Gaza massacrée par les machines de guerre sionistes. Ils ont ignoré le fait que ces jeunes rêvent de voir une Palestine libre de leur vivant. La répression n’a fait qu’alimenter le feu de la révolte étudiante en cours.

Les campements s’étendent à travers le pays

Les vidéos montrant la répression à Columbia et les étudiants résistant aux arrestations par des méthodes de désobéissance civile pacifique sont immédiatement devenues virales. À travers les réseaux sociaux des organisations étudiantes palestiniennes qui dirigent le mouvement, telles que Students for Justice in Palestine, et d’autres réseaux sociaux devenus les canaux de communication du mouvement et un pont entre les États-Unis et Gaza, des images de nouveaux camps dans d’autres universités ont afflué. Les étudiants de l’Université du Texas à Austin, dans l’un des États les plus réactionnaires du pays, ont installé leur propre Campement en solidarité avec Gaza comme réponse à la répression. À l’Université Emory à Atlanta, dans le Sud profond des États-Unis, les étudiants ont pris le relais. À Boston, il y avait au moins trois campements lorsque nous avons écrit ces lignes : à l’Emerson College, au Massachusetts Institute of Technology et à l’Université Tufts.

À New York, depuis la répression à Columbia, des camps sont apparus en quelques jours à l’Université de New York et à la City University de New York, une des plus grandes universités publiques du pays. Les étudiants de Columbia ont repris l’initiative et récupéré leur camp. Yale, Princeton, Harvard, Berkeley, l’Université de Los Angeles… une véritable révolte universitaire avec des demandes communes : « Désinvestissement » et « Pour une Palestine libre », ainsi que des demandes diverses exprimant les luttes locales qui se croisent avec la cause palestinienne. C’est une révolte nationale. On estime qu’en deux semaines, des camps ont été installés dans au moins 49 universités à travers le pays.

Des bombes pour le génocide à Gaza, des LBD pour les étudiants à domicile

Malgré le soutien croissant à la lutte des étudiants, le rejet croissant de la répression et un sentiment répandu de solidarité avec la Palestine, la décision de l’ensemble du régime, de Joe Biden à Donald Trump en passant par les deux partis – à l’exception de l’aile progressiste du Parti démocrate de Bernie Sanders, AOC, Rashida Tlaib, Ilhan Omar – a été de réprimer.

Poussés à l’extrême par la nécessité de parvenir à un accord avec Netanyahou, car la crise à Gaza pourrait coûter les élections à Biden et entraîner les États-Unis dans une guerre régionale imprévisible ; et également sous la pression du puissant lobby sioniste étatsunien, les démocrates ont choisi la voie de la violence policière pour faire taire les étudiants à coups de matraque. Une réminiscence de la répression du mouvement anti-guerre du Vietnam qui est profondément ancrée dans la conscience étatsunienne. Et la répression a été brutale.

Le 25 avril, à l’Université Emory, des dizaines d’agents de police d’Atlanta et de la police d’État de Géorgie ont attaqué les étudiants, et les professeurs qui les défendaient, avec des gaz lacrymogènes, des pistolets paralysants et des balles en caoutchouc, blessant gravement des dizaines de personnes, détruisant le Campement et arrêtant environ 30 étudiants. Ce même jour, les étudiants de la City University de New York ont installé leur propre campement au City College de New York à Manhattan.

Vers la soirée du 30 avril, un collectif du campement de Columbia, après quasiment une semaine de négociations infructueuses avec les autorités qui ont abouti à une impasse, a décidé de monter et de prendre Hamilton Hall, l’un des bâtiments du campus de l’Université. La réponse de Shafik et du maire de la ville Eric Adams a été rapide. Deux démocrates éminents, Jerry Nadler et Adriano Espaillat, ont appelé les autorités universitaires à « agir rapidement et efficacement pour expulser les étudiants qui commettent des actes illégaux] » sur X (anciennement Twitter, NdT).

La police municipale de New York est entrée armée dans Hamilton Hall, empêchant la presse de prendre des preuves photographiques de ce qui se passait à l’intérieur du bâtiment et arrêtant violemment, selon les premiers témoignages, 112 étudiants. Les arrestations ont eu lieu au moment de l’emblématique 56e anniversaire de l’assaut policier en 1968 sur le même campus et le même bâtiment où des centaines d’étudiants protestant contre la guerre du Vietnam avaient été arrêtés.

Ce même jour, un groupe d’étudiants du City College de CUNY a pris le bâtiment de l’administration et en quelques heures, la police universitaire et la police de la ville de New York ont encerclé le campus, ont violemment attaqué les manifestants solidaires à l’extérieur et une fois l’extérieur nettoyé, ont détruit le Campement. Entre Columbia et CUNY, 300 étudiants ont été arrêtés cette nuit-là.

La situation est si complexe et il y a tellement de polarisation autour de la question palestinienne qu’un nouvel acteur est entré en scène au cours des 72 dernières heures : l’extrême-droite sioniste organisée. À l’Université de Californie à Los Angeles, les étudiants ont monté leur Campement. C’était peut-être l’un des campements les plus fréquentés par les étudiants avec Emory.

Dans la nuit du 1er mai, une horde d’environ 200 sionistes financés par le PDG de Pershing Square Capital, Albert Ackman, a attaqué le Campement pacifique de l’UCLA. Pendant 7 heures, les sionistes ont assiégé le campement en lançant des briques, en pulvérisant du gaz lacrymogène et en tirant des feux d’artifice sur les étudiants. Les jeunes de l’UCLA ont courageusement résisté et ont finalement repoussé l’attaque sioniste, mais beaucoup ont été gravement blessés. Teresa Watanabe du Los Angeles Times a rapporté que les sionistes criaient en attaquant les étudiants : « Deuxième Nakba ! »

Face à l’échec de l’attaque sioniste, deux jours plus tard, le Campement a été pris d’assaut et démantelé avec une violence extrême par la police de Los Angeles. LBD, grenades de désencerclement, gaz lacrymogène. Encore une fois, au moins 1 000 étudiants ont défendu avec détermination le Campement en scandant les slogans qui sont déjà la marque distinctive du mouvement : « Palestine libre ! De la mer au Jourdain, la Palestine sera libre ! »

La vague répressive s’est étendue à travers tout le pays et de nombreux campements ont été victimes de la répression. Certains continuent de résister alors que nous écrivons ces lignes. Certains ont obtenu satisfaction sur certaines de leurs demandes. Le mouvement est vivant, mais nous avons perdu des bastions et environ 2 000 activistes à l’échelle nationale ont été arrêtés. Certains ont été libérés sous caution, certains sont toujours en détention, beaucoup font face à des accusations pénales. Au milieu de cette escalade répressive aux conséquences encore incertaines, le 1er Mai, le mouvement ouvrier s’est mobilisé aux États-Unis et dans le monde entier avec des contingents hissant fièrement le drapeau palestinien.

La cause Palestinienne est contagieuse

Aux États-Unis, la jeunesse pro-Palestine, qui dans de nombreux cas a participé aux luttes pour la syndicalisation des deux dernières années, contamine le mouvement ouvrier. Un nombre croissant d’étudiants abandonnent leurs carrières pour organiser des syndicats à Amazon ou dans d’autres boites. Quelques semaines avant la vague de campements de solidarité avec Gaza, la conférence Labor Notes s’est tenue à Chicago.

Près de 60 % des 4 000 personnes présentes à la conférence portaient le keffieh palestinien, d’après nos camarades de Left Voice qui y ont assisté. Les ateliers sur la cause palestinienne ont été parmi les plus remplis. De nombreux militants syndicaux de base luttent pour que leurs syndicats fassent des déclarations pour un cessez-le-feu. L’UAW, syndicat de l’automobile dirigé par Shawn Fain, s’est prononcé en faveur d’un cessez-le-feu et a dénoncé le génocide, défiant la politique traditionnelle de la bureaucratie sioniste de l’AFL-CIO grâce à la pression de la base. L’UAW organise des syndicats universitaires – y compris le syndicat des étudiants-travailleurs – qui sont dynamisés par la jeunesse pro-Palestine et pro-syndicats. En pleine conférence, des militants et travailleurs organisés dans Labor 4 Palestine se sont mobilisés pour la Palestine et ont été réprimés par la police.

Le 1er Mai, un jour après la répression à Columbia et au CCNY (New York), 4 000 syndicalistes, travailleurs et étudiants ont manifesté en direction du Washington Square pour dénoncer la répression et le génocide. Des syndicalistes de l’UAW, syndicats des universités, syndicats de professeurs et d’autres ont marché à travers les cinq universités qui étaient occupées en hissant le drapeau Palestinien. Dans le cadre des actions ouvrières à New York ce jour-là, les professeurs de la CUNY ont organisé une journée « arrêt maladie » en solidarité avec les cinq revendications des étudiants de la CUNY et contre la répression. Cet arrêt de travail était une résistance directe contre la loi Taylor de l’État de New York, une loi anti-ouvrière qui interdit l’arrêt de travail pour les fonctionnaires de la ville de New York. Quatre cents travailleurs ont participé à l’arrêt maladie, qui avait été voté lors d’une assemblée au campement du CCNY par 200 membres de base du syndicat Professional Staff Congress (PSC), qui organise les universitaires de la CUNY.

Les professeurs de Left Voice à la CUNY ont pleinement soutenu cette assemblée et, aux côtés de leurs collègues, se battent pour que toutes les poursuites portées à l’encontre des étudiants soient abandonnées et pour continuer à étendre et à massifier le mouvement contre le génocide à Gaza et pour une Palestine libre. Une partie de ce combat consiste à exiger que le PSC prenne également la parole, défende les professeurs mobilisés et devienne un membre actif du mouvement. Il est urgent de commencer à organiser le mouvement étudiant pour la Palestine et les professeurs d’université qui sont en première ligne pour défendre les étudiants. De vastes organisations telles que des assemblées générales, dans lesquelles ces secteurs prennent en main la direction du mouvement, sont absolument essentielles. À New York, nous pouvons promouvoir des assemblées de campus capables d’élire des délégués pour coordonner la lutte continue dans toute la CUNY et, à terme, dans toutes les universités en lutte à travers les USA et dans le monde.

Des exemples comme celui-ci d’unité entre étudiants et travailleurs contre la répression et le génocide commencent à se répandre. Les étudiants de la NYU étaient accompagnés par des travailleurs de l’UAW lorsqu’ils ont repris le campus après la répression. Le syndicat des professeurs de l’UCLA a annoncé une grève d’une journée immédiatement après la répression, en solidarité avec les étudiants. Les professeurs de l’université ont signé des dizaines et des dizaines de déclarations de solidarité avec les étudiants contre la répression.

Bien qu’encore naissante, l’entrée en scène d’un secteur du mouvement ouvrier comme partie de la lutte contre la répression et le génocide, et qui est dynamisé par la jeunesse, est enthousiasmant. La jeunesse radicalisée brise le consensus sioniste étatsunien et mobilise la classe ouvrière pour une cause objectivement anti-impérialiste. Si le mouvement étudiant s’étend et devient massif, et que le mouvement ouvrier entre en scène, il est possible d’aller plus loin dans la lutte contre le génocide et de stopper la machine de guerre étatsunienne qui ne peut avancer sans le concours de la classe ouvrière.

Forces, défis et tensions

Comme tout mouvement vivant, cette grande révolte de la jeunesse – qui a déjà inspiré le mouvement étudiant international, s’étendant à la France, au Royaume-Uni, à l’Espagne, au Mexique et à d’autres pays – a ses tensions et ses défis. En effet, le mouvement est très hétérogène et contient divers courants politiques aux stratégies diverses.

Aux États-Unis, le mouvement est en partie dirigé au niveau national par des organisations étudiantes, notamment les Students for Justice in Palestine (SJP), des organisations politiques telles que le Party for Socialism and Liberation (PSL) au niveau national, et des organisations juives antisionistes, comme Jewish Voice for Peace. Il existe entre ces organisations des différences politiques et stratégiques qui deviennent de plus en plus évidentes à mesure que la lutte se poursuit.

Le défi le plus urgent est peut-être de savoir comment faire face à la répression et empêcher l’État et les universités d’expulser des étudiants ou d’emprisonner des membres du mouvement. Nous devons accumuler des forces pour qu’ils ne puissent pas briser notre mouvement par la répression et la violence d’État. Cette répression est internationale et constitue un danger qui plane également sur le mouvement ailleurs, comme en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les organisations sœurs de Left Voice en France et en Argentine subissent également des persécutions et de la répression, aux côtés d’organisations et de militants s’opposant au génocide.

Notre camarade Anasse Kazib, syndicaliste et porte-parole de Révolution Permanente, a été convoqué par la police française dans le cadre d’une enquête pour « apologie du terrorisme » ; c’est le cas aussi, entre autres, de Mathilde Panot et Rima Hassan, respectivement présidente du groupe parlementaire de la France Insoumise et candidate aux européennes, qui font face à des enquêtes similaires. Face à cette répression, Révolution Permanente et la Fraction Trotskyste ont lancé une tribune qui a recueilli près de 500 signatures d’artistes, d’intellectuels, de dirigeants syndicaux du monde entier dont Enzo Traverso, Assa Traoré, Bhaskar Sunkara, John Bellamy Foster, Nancy Fraser, parmi tant d’autres, dénonçant la répression des militants.

En Argentine, notre camarade Myriam Bregman, députée du PTS, a été la seule candidate à la présidentielle qui a dénoncé l’offensive militaire israélienne contre le peuple Palestinien et l’occupation sioniste deux jours après le 7 octobre. En conséquence, elle a reçu des attaques virulentes de la part de l’extrême droite sioniste ainsi que des menaces de mort. Cela s’inscrit dans le contexte de l’austérité brutale du président d’extrême-droite Javier Milei contre les étudiants, les travailleurs et les pauvres d’Argentine, et de la répression contre ceux qui lui font face. Milei est un fidèle allié d’Israël et ami de Donald Trump.

Certaines organisations du mouvement, notamment celles qui ont été à l’avant-garde des campements et ont été durement réprimées, comme Within Our Lifetime, la Columbia University Apartheid and Divest coalition (CUAD) ou le PSL, dénoncent à juste titre la répression. Cependant, ils n’ont pas proposé de programme visant à construire la riposte nécessaire pour vaincre une telle répression en massifiant le mouvement, mais ont plutôt adopté une stratégie d’escalade sans fin. Cela est dû en partie au fait qu’ils considèrent la lutte concrète contre la criminalisation du mouvement et pour les prisonniers politiques et les expulsés comme secondaire ou y voient une diversion de la lutte contre le génocide.

En tant que membres du mouvement, en solidarité absolue et inconditionnelle avec toutes les organisations qui en font partie et qui subissent la répression étatique, chez Left Voice, nous pensons qu’il s’agit d’une fausse dichotomie, que lutter contre la répression du mouvement c’est renforcer la lutte contre le génocide pour la massifier, pour que nous soyons plus nombreux dans la rue, avec plus de pouvoir pour qu’ils ne nous répriment pas et que, s’ils nous répriment, nous puissions nous défendre et qu’ils n’enfreignent pas notre droit de manifester. La lutte contre la répression et pour le développement de l’auto-organisation peut nous permettre d’intégrer les milliers d’étudiants, de professeurs et de travailleurs qui nous soutiennent mais qui ont peur et ne sont pas organisés. Cela peut aider à massifier le mouvement afin que nous puissions prendre des mesures collectives pour nous défendre contre les attaques des autorités universitaires, de la police, des sionistes – et de l’État.

Nous devons suivre l’exemple des grandes campagnes démocratiques et anti-répression lancées par les mouvements sociaux qui nous ont précédés, l’énorme mouvement des droits civiques et même le mouvement Black Power. En 1967, le leader des Black Panthers, Huey Newton, a été arrêté et faussement accusé du meurtre d’un policier. La campagne nationale et internationale en faveur de sa libération a été suffisamment puissante pour arracher le militant des mains de l’État.

En 1970, la militante et professeure d’université Angela Davis a été emprisonnée et jugée pour meurtre après avoir tenté de libérer trois prisonniers politiques. Un énorme mouvement démocratique a émergé en réponse au cri « Free Angela Davis » et elle a été libérée deux ans plus tard.

Certains camarades du mouvement estiment que mettre l’accent sur la répression pourrait limiter nos revendications et ouvrir la voie à la cooptation. Mais c’est le Parti démocrate et Joe Biden qui sont à la pointe de la répression dans de nombreux États comme New York. En d’autres termes, démocrates et républicains sont dans le même bateau et la répression est bipartisane. Le risque de cooptation, quel que soit le nombre d’actions radicales entreprises par le mouvement, vient du fait de permettre au mouvement de tomber, d’une manière ou d’une autre, dans les griffes du Parti démocrate ou du moindre mal. C’est une contradiction pour Shawn Fain, le leader de l’UAW, de s’exprimer d’une part contre le génocide et la répression et d’autre part d’appeler à voter pour Biden à l’élection présidentielle.

Le risque de cooptation provient du fait que notre lutte se transforme en une lutte utilisant des méthodes radicales, mais avec pour objectif d’être un mouvement de pression pour que Biden modère sa coopération avec Israël. L’organisation du mouvement en instances de discussion indépendantes et la démocratie directe dans les universités nous placeraient dans une meilleure position pour être indépendants du Parti démocrate. Le deuxième défi est donc de suivre l’exemple des campus qui ont organisé des assemblées, comme les professeurs de base à la CUNY.

Le troisième défi immédiat est de construire l’unité la plus large possible entre le mouvement étudiant et le mouvement ouvrier. Cette unité peut se construire non seulement en dénonçant la répression – comme le font toutes les organisations du mouvement – mais en exigeant et en prenant des actions concrètes pour lever toutes les accusations portées contre les camarades détenus ; pour la libération immédiate de ceux qui sont encore emprisonnés ; aucune sanction ni mesure disciplinaire contre les étudiants, les professeurs et les travailleurs qui protestent contre le génocide ; et que tous les étudiants expulsés soient réintégrés. Nous devons mettre fin à la criminalisation des organisations pro-palestiniennes suspendues des campus et réduites au silence sur Internet et exiger que la police quitte nos universités.

La ténacité de cette révolte étudiante a déjà changé les États-Unis. Allons plus loin : organisons un grand mouvement de travailleurs et d’étudiants de toutes les origines au cœur de l’impérialisme pour lutter pour tous nos droits et pour le peuple palestinien.


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