Il aura fallu tout de même attendre la fin de l’été pour que le ministère de l’économie porte plainte contre l’entreprise Lafarge, leader mondial du ciment, fortement soupçonnée d’avoir entretenue des relations commerciales avec Daesch pendant le conflit syrien. Pourtant, les agissements du groupe ont été dénoncé voilà plus de six mois, en juin 2016. Quelques mois plus tard, en novembre, l’association Sherpa et l’ECCHR (le Centre Européen pour les Droits Humains et Constitutionnels) se sont portés partis civils pour attaquer la multinationale en justice au titre qu’elle serait coupable de « financement de terrorisme et de crime de guerre et contre l’humanité » comme le souligne une vidéo qui récapitule les agissement du groupe français en Syrie.

La mise en accusation par l’État français du grand groupe qui avait autrefois collaboré avec le régime de Vichy rompt plus d’un demi-siècle de relations complaisantes sans pour autant constituer une attaque en règle contre l’entreprise. Les faits reprochés à Lafarge ne portent que sur l’achat de pétrole au groupe État islamique en 2012, en violation des interdictions édictés par l’UE dans le cadre des sanctions économiques contre le régime de Damas. Rien sur les accords de laissez-passer estampillés par le groupe terroriste et le grand groupe, ni sur la mise en danger des ouvriers qui ont par deux fois subis des prises d’otage sur leur lieux de travail par l’EI. En tout et pour tout, le cimentier risque au maximum cinq de peine de prison et une amende. Une sanction symbolique au vu de la gravité des faits.

C’est sur cette dimension des exactions que Sherpa et l’ECCHR ont décidé en novembre dernier de porter leur attention, puisque les autorités soi-disant incorruptibles ne daignent pas voir la réalité dans son ensemble. Ainsi, Miriam Saage-Maaß, Directrice adjointe du Service Juridique à ECCHR, met directement en évidence les effets de l’impérialisme des grandes entreprises dans les zones de conflits : « Le cas Lafarge démontre une fois de plus comment les multinationales qui opèrent en zones de conflit peuvent directement alimenter des conflits armés et contribuer à de graves violations de droits de l’homme. Les entreprises comme Lafarge doivent être tenues responsables ». Quant à Laetitia Liebert, Directrice Générale de l’association Sherpa, elle dénonce explicitement l’entreprise pour « financement de terrorisme, complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».

Alors qu’il y a quelques mois les esprits s’échauffaient pour déchoir de leur nationalité les auteurs d’actes terroristes, on peut se demander si un tel traitement sera été réservé à Eric Olsen, PDG du groupe Lafarge et à Jean-Marc Ayrault, responsable du ministère des affaires étrangères. Entre le jeune radicalisé qu’on agite comme un épouvantail et le PDG en costard cravate, directement en relation avec la branche terroriste la plus violente de Syrie, qui est le véritable terroriste ?