Non content de poser pour la photo aux côtés de son homologue d’outre-Rhin, en bon cacique du PS mosellan, M. Todeschini a cru bon de s’opposer à ce que soit chantée la chanson de Craonne. Il confirmait ainsi que la chanson, déjà censurée en son temps, n’a rien perdu de son caractère éminemment subversif.
Elle est, à n’en pas douter, l’un des plus beaux manifestes antimilitaristes. Elle fut entonnée par les mutins de 1917 qui, suivant l’exemple de leurs frères d’armes et de classe russes s’étaient soulevés contre une guerre infâme. Elle illustre mieux qu’aucune autre la dimension tragique d’une guerre absurde et fratricide :
« Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés »

Mais pis encore pour un Etat chauvin, et c’est sans doute ce qui a motivé cette censure en haut lieu, elle est un appel à la grève et à l’insubordination :
« Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau »

Que M. Todeschini soit inspecteur de l’éducation nationale, n’est pas anodin. Il a bien conscience de ce que dit la chanson et son choix n’est pas motivé par l’ignorance. Après quatre mois de mobilisation contre la Loi Travail, tous les membres du gouvernement marchent sur des œufs et craignent la moindre étincelle.
S’il le fallait encore, nous avons assisté à un éminent rappel de ce que sont les fonctions d’inspecteur et de secrétaire d’Etat aux anciens combattants. Les cérémonies, comme les programmes d’histoire, sont bien là pour rabâcher une même mémoire républicano-chauvine qui fait d’ailleurs gerber tous les élèves dont on n’a pas bridé, par mille subterfuges pseudo-pédagogiques, la lucidité. Qu’il s’agisse de Verdun, du chemin des Dames et de tous les autres crimes impérialistes, la mémoire d’Etat fait mine de pleurer les morts pour mieux enterrer leur révolte.
Mais la duperie ne peut jamais fonctionner éternellement. Il y aura toujours des voix pour s’élever, des têtes pour penser et des bras pour retourner les armes contre les authentiques criminels, « tous ces gros qui font la foire », comme le dit la chanson.

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