Le jeune chercheur italien Giulio Regeni a été assassiné au Caire le 25 janvier 2016, au soir de l’anniversaire du début de la révolution qui a chassé Moubarak du pouvoir. Regeni travaillait sur le syndicalisme indépendant qui poursuit la lutte, aujourd’hui, contre la dictature du Maréchal-président Al Sissi. Les autorités égyptiennes ont assuré, à la suite de son meurtre, que Regeni aurait été la cible de criminels financés par des islamistes, là où la dissidence égyptienne voyait la main du régime. Reuters vient de confirmer cette version des faits.
Selon plusieurs sources concordantes, six en tout, provenant de la police et des services de sécurité (NSA), Regeni a été tué à Lazoughli, dans les locaux du NSA. Il aurait été arrêté avec un autre égyptien, militant très certainement, dont l’identité est encore inconnue et qui a, lui aussi, été tué et « disparu », comme des milliers d’autres opposants au régime égyptien.
Le 25 janvier au soir, Regeni et son accompagnateur auraient été interpellés dans le métro, à la station Gamal Abdel Nasser, dans le centre du Caire, alors que la police menait une vaste opération de ratissage contre les opposants pour éviter tout rassemblement pour célébrer le début du mouvement de contestation contre Moubarak. Etait-il directement visé, ou a-t-il été victime d’une arrestation parmi des dizaines d’autres, ce soir-là ? Une chose est sûre, son activité en tant que chercheur et militant était surveillée de près par les autorités qui avaient déjà perquisitionné illégalement son domicile et le suivaient en filature.
Emporté par des policiers en civil qui l’auraient chargé sur un fourgon des forces de sécurité en direction du commissariat de Izbakiya, il en serait sorti peu de temps après, avec plusieurs côtés cassées et des signes de torture. C’est dans les locaux du NSA qu’il aurait été tué.
Les autorités égyptiennes continuent à nier l’évidence. Le ministère italien des Affaires étrangères continue à garder un silence embarrassé après que l’ambassadeur ait été rappelé à Rome puis renvoyé en poste, au Caire. Le Département d’État américain, lui, par la voix de John Kirby, demande à ce que « l’affaire soit tirée au clair ». Paradoxal ? Pas tant que cela. Washington voit d’un mauvais œil le rapprochement de Al Sissi vis-à-vis des Européens, France et Italie en tête, alors que l’Egypte a toujours été considérée, depuis la fin de la présidence Nasser, comme la chasse-gardée des États-Unis. Les rivalités diplomatiques se poursuivent, donc, sur le sang de Regeni et des milliers d’autres victimes de la dictature égyptienne.