En Juillet dernier, Vincent Bolloré, tout juste acquéreur du groupe Canal +, s’illustrait en menaçant d’arrêter l’émission des Guignols sur la chaine cryptée, appréciant peu l’humour de l’émission. Il est peu dire que le milliardaire a une conception très particulière - mais non moins partagés dans les sphères dominantes - de la liberté de la presse, qui doit avant tout défendre les intérêts patronaux. Le procès intenté par Bolloré au journal en ligne Bastamag en est une illustration frappante.

Objet du courroux du milliardaire, l’article de Bastamag publié en octobre 2012 dans lequel le journal, sources de l’ONU et de diverses ONG à la clé, revient sur l’accaparement des terres africaines par divers grands groupes de l’agroalimentaire et de fonds spéculatifs, dont le groupe Bolloré. « Après le groupe Louis Dreyfus, le deuxième plus gros investisseur français dans les terres agricoles se nomme Vincent Bolloré. Son groupe, via l’entreprise Socfin et ses filiales Socfinaf et Socfinasia, est présent dans 92 pays dont 43 en Afrique. Il y contrôle des plantations, ainsi que des secteurs stratégiques : logistique, infrastructures de transport, et pas moins de 13 ports, dont celui d’Abidjan. L’empire Bolloré s’est développé de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies « en achetant des anciennes entreprises coloniales, et [en] profitant de la vague de privatisations issue des « ajustements structurels » imposés par le Fonds monétaire international », constate le Think tank états-unien Oakland Institute. » indique ainsi Bastamag. Un média qui dénonce (et dévoile au grand jour) la nature des activités du groupe Bolloré ? Une trahison qui va à l’encontre de la conception même du rôle de la presse pour le milliardaire.

« On est dans le fait du prince, d’un prince qui a beaucoup d’argent » a déclaré Haski à la barre tandis que Noël Mamère, cité comme témoin, pointait la « conception étriquée, totalitaire de l’information » par Vincent Bolloré. Alors que le jugement en délibéré sera rendu le 12 mai, cette affaire met en lumière la soi-disant « impartialité » et « liberté » de la presse. L’acharnement de Bolloré contre Bastamag et tous ceux qui ont osé relayer cet article témoigne d’une conception bien définie des médias, devant s’incliner devant l’ordre établi et servir les intérêts des grands patrons.