Alors que le texte entame son passage à l’Assemblée, il faudrait croire que la manifestation du 31 fait craindre le pire scénario au gouvernement : plutôt que de tout perdre, il s’agit de désamorcer l’opposition.... Opération de sauvegarde sur l’autel duquel y compris la tête de la ministre pourrait bien être sacrifiée.

Dans ses colonnes du 28 mars, Les Echos donnent la parole à François Rebsamen, ancien ministre du travail, et le jugement, bien qu’émanant d’un quadra du PS, « hollandais » de surcroît, cas de plus en plus rare dans ces temps d’isolement du président, parait sans appel : « il ne faut pas attendre de miracle de la loi El-Khomri ». Quoi de plus étrange que d’entendre un ancien membre du gouvernement critiquer la réforme que ce dernier porte envers et contre tout depuis déjà plusieurs semaines.

De plus, l’ex-ministre ne s’en tient pas à faire remarquer le « manque de pédagogie », le « défaut de communication » de la réforme, ses critiques touchent aussi au texte « déséquilibré », « avec trop de souplesses pour les entreprises, pas assez de garanties pour les salariés ». Rebsamen va plus loin, en proposant de nouveaux amendements au texte : tandis qu’il juge la correction en faveur du barème indicatif plutôt qu’un plafond d’indemnité prud’homale de bon aloi, il propose également de modifier les modalités sur le licenciement - six mois de baisse du chiffre d’affaire plutôt que quatre -, de calculer ces performances des entreprises à l’échelle européenne, ainsi que la création d’un « contrat d’entrée dans la vie active » qui soit ouvert à tous, dès le premier emploi. »

En vérité, derrière les déclarations de Rebsamen et ses faux-semblants d’opposition, le gouvernement cherche surtout à se distancer de la ministre El-Khomri, et à lui faire jouer, le cas échéant, le rôle de fusible pour lequel elle a été choisi. Le gouvernement semblerait prêt à faire une nouvelle reculade sur le texte, et si la mobilisation est particulièrement forte, offrir la tête de la ministre aux manifestants. L’interview de Rebsamen est donc une opération de com destinée à désamorcer la manifestation et surtout à tenter de diviser davantage le front syndical.

Cependant, ces éventuelles nouvelles reculades ne pourraient peut être pas suffire à atteindre leurs objectifs en cas de forte mobilisations. De plus ce ne sont que des « mesurettes » que proposent Rebsamen. Elles n’enlèveraient rien de ce qui constitue le cœur du texte, et sur lequel il reste implacable : l’inversion de la hiérarchie des normes et la supériorité des accords d’entreprises sur le droit du travail, soit le démantèlement en pur et due forme du code du travail.

Le gouvernement est à la manœuvre : lâcher à la marge, éjecter une ministre s’il le faut, mais faire passer la contre-réforme du travail en préservant toute sa substance : la mise à bas du Code du travail. Voilà pourquoi, y compris si nouvelles reculades il y a, il ne faut en aucun cas lâcher la pression et pousser à la mobilisation jusqu’au retrait total du projet de loi.