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Une artiste arrêtée pour avoir posé nue au Musée d’Orsay

Clara Mallo Deborah de Robertis a réalisé une performance artistique le samedi 16 Janvier au Musée d’Orsay dans laquelle elle recréait l’Olympe d’Edouard Manet tout en enregistrant les réactions des visiteurs avec une caméra. La sécurité l’a expulsé du musée et elle a été arrêtée.

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L’artiste avait choisi l’exposition Splendeurs et Misères : Images de la prostitution de 1850 à 1910 pour poser devant le fameux tableau et recréer l’image, en direct.
Face à la prestation de Déborah, les vigiles du musée ont expulsé la salle, comme on a pu le voir sur une vidéo diffusée sur quelques plateformes, bien que rapidement censurée. Finalement Déborah a été arrêtée par la police accusée d’exhibitionnisme et placée en détention provisoire.

Ce n’est pas la première fois que l’artiste Belge fait une performance de ce type. Dans le même musée en 2014, elle avait recréé de la même façon l’un des tableaux les plus controversés de l’Histoire, l’Origine du monde de Courbet, dans lequel apparait un sexe féminin au premier plan. Devant ce tableau, l’artiste Luxembourgeoise a réalisé une performance polémique, intitulée Miroir d’origine, dans laquelle elle s’asseyait face aux visiteurs de la salle où est exposé le tableau, habillée d’un costume à paillette, et exposait son sexe. Dans l’enregistrement de la prestation, Deborah inclue une bande audio dans laquelle elle répète la séquence « Je suis l’origine, je suis toutes les femmes, tu ne me vois pas, je veux que l’on prenne connaissance de ma personne, vierge comme l’eau, sperme créatif », avec l’Ave Maria de Schubert en fond. De même, dans la récente performance devant l’Olympia, l’artiste montre son corps nu devant les visiteurs.

Cette performance, comme la précédente, a déclenché un torrent de critiques qui voient dans le travail de De Robertis un simple exhibitionnisme médiatique. La majorité des médias se sont fait l’écho de la nouvelle, mais aucun ne tente de s’approcher du travail de l’artiste, réduisant quasiment les faits à un acte de vandalisme. Et pourtant, le travail de l’artiste Luxembourgeoise va plus loin que la vision qu’en donnent les journaux. L’usage du sexe et du nu dans son œuvre n’est pas un recours simplement publicitaire, il ne fait pas non plus référence à sa personne singulière, mais c’est la technique avec laquelle elle travaille. Pour l’artiste, qui utilise son corps avec peur, ces types d’action son un travail en soi et non une posture décorative. Pour elle, les images de n’importe quelle œuvre artistique, comme ici son corps, font parties et sont produites dans un contexte. De plus, elles possèdent un contenu qui ne peut être réductible à des parties génitales ou un corps nu. Le cadre général dans lequel on peut inclure l’œuvre de l’artiste est l’approfondissement de l’image de la femme dans l’art.

Le travail de Déborah de Robertis peut être assimilé à l’art féministe (feminist art), c’est-à-dire, l’art produit depuis des perspectives féministes. Cette notion fait référence au mouvement artistique qui s’est développé du milieu des années 60 jusqu’au milieu des années 70, et qui prétendait questionner l’oppression des femmes, étendant l’activisme et le militantisme des mouvements féministes à la sphère artistique. Le feminist art s’est développé au contact de tous les mouvements et luttes des femmes qui se développaient à cette époque et luttait pour rompre avec certaines idées de l’art dominant, comme celles de « l’artiste génie » ou de « l’œuvre magistrale » qui maintiennent une vision patriarcale de l’art et qui reproduisent les structures et hiérarchies sociales auxquelles sont soumises les femmes dans tous les aspects de la vie. Un mouvement qui s’est vu frappé au milieu des années 80 par l’essor du néolibéralisme, avec lequel –au sein et à l’extérieur du champ artistique- les femmes ont vécu un recul de leurs conquêtes.

Aujourd’hui, des artistes comme Déborah de Robertis reprennent certaines de ces revendications, bien que de manière restreinte à la sphère de l’art et de la culture.
L’abandon des luttes dans la rue par une partie du mouvement féministe à la fin des années 70 a eu comme conséquence l’institutionnalisation progressive du féminisme. Dans ce contexte, le mouvement féministe a pris un virage énorme. Tandis que la génération précédente cherchait à rompre avec les conditions sociales qui mènent l’oppression, plus tard le mouvement s’est centré sur l’ambition de « transformer la culture ». Cela a généré, comme le démontre la propre performance de Deborah de Robertis, un résultat quelque peu contradictoire. Alors que les grandes institutions culturelles organisent des expositions sur les principales et premières figures du mouvement féministe dans l’art comme Nancy Spero, Judy Chicago, ou même des figures plus récentes comme Guerilla Girls ; Déborah de Robertis vient d’être arrêtée pour avoir réalisée une performance au Musée d’Orsay.

Cette « bataille culturelle » et les actions comme celle de De Robertis font face à de fortes limites en centrant leur critique uniquement sur le plan culturel. Mais même comme ça, elles continuent d’être dérangeantes, déclenchant un torrent de critiques réactionnaires face à des actions perturbatrices, qui pour si minimes et partielles qu’elles soient, questionnent les valeurs imposées et échappent au contrôle des institutions, même au sein d’un musée.

Cette vidéo montre la performance réalisée en 2014 qui se termina aussi par l’évacuation de la salle par les membres de la sécurité du musée.


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