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Elections aux Etats Unis

Victoire de Trump. Tremblement de terre politique.

Juan Andrés Gallardo et Celeste Murillo Au milieu de la nuit, Donald Trump avait conquis les 270 grands électeurs. Les résultats de l'élection présidentielle confirment pleinement la crise du bipartisme américain. Contre tous les pronostics, mais avec toute la colère qui existe contre l'establishment de Washington, bien plus forte que la « campagne de la peur » impulsée par le parti Démocrate, les grands médias de communication et les enquêtes de sondage.

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Tous perdants

Sans aucun doute, la principale perdante est Hillary Clinton. Le soutien des deux figures les plus populaires du parti démocrate, Barack et Michelle Obama, n’aura pas été suffisant pour compenser le maigre enthousiasme que générait l’ex-secretaire d’Etat pour la base de son parti.

Pour le Parti Démocrate, cela représente une défaite de tous les points de vue : ils ont non seulement perdu la Maison Blanche, mais aussi la possibilité d’obtenir la majorité au Sénat et au Congrès. Avec Obama sorti de la Maison Blanche, le parti sort des trois institutions nationales.

Malgré une base sociale potentiellement très large, composée des secteurs les plus dynamiques démographiquement comme les afro-américains, les latinos et les femmes, qui augmente chaque fois son poids dans l’électorat, Clinton n’a pas réussi à mobiliser la force sociale nécessaire pour parvenir à la Maison Blanche.

Le Parti Républicain, même s’il a gagné l’élection et la majorité dans les deux assemblées, reste très divisé. L’establishment du parti avait lâché Trump après sa nomination et avait dédié toutes leurs ressources pour maintenir la majorité républicaine au Capitole. Paul Ryan, le leader du bloc législatif, qui a été une des principales voix d’opposition à Trump, va devoir maintenant redéfinir sa stratégie pour unifier le parti.

Bill Kristol, un analyste du Parti Républicain a résumé la situation en un tweet : « Voilà mon analyse profonde sur la campagne, basée sur une étude attentive des résultats : OH MON DIEU »

La jeunesse

L’une des plus grandes interrogations qui a parcouru la journée du vote est la participation de la jeunesse. La génération du début du millénaire, fille de la crise capitaliste de 2008, qui a été le moteur des mouvements comme Occupy Wall Street, du mouvement pour le salaire minimum à 15 dollars ou de Black Lives Matter est aussi celle qui a exprimé le moins de confiance en les candidats.

En 2016, 62 % de cette génération pensaient « qu’il y avait de meilleures manières de changer les choses qu’en votant ». 46 % pensaient que « mon vote ne compte pas en réalité », et parmi ceux qui ne comptaient pas voter, deux tiers disaient qu’ils ne le feraient pas parce qu’ « aucun candidat ne me plaît » (enquête Harvard IOP).
Ainsi, bien que cette génération ait augmenté son poids social, devenant la génération vivante la plus grande des Etats Unis, dépassant numériquement les baby boomers (nés pendant l’après-guerre), son poids électoral n’a pas changé. Selon CNN, ils représentent 19 % des votants, le même pourcentage qu’en 2012.
Ces jeunes, désillusionnés après les deux mandats d’Obama, ont été insaisissables pour Clinton, depuis les primaires. Inutile de rappeler que cette génération a voté majoritairement pour Bernie Sanders (71 %) dans les primaires démocrates, contre l’ex-secrétaire d’Etat (28 %), il y a seulement quelques mois.

Il est possible que la recette du « moins pire » n’ait pas été suffisante pour la jeunesse qui a refusé de choisir entre une candidate qu’elle voit comme représentante de l’establishment, et Trump qu’elle rejette majoritairement (75 % selon Global Strategy Group).

Les perdants de la mondialisation

L’échec des enquêtes de sondage à prévoir les résultats, comme c’était le cas pour le Brexit et comme c’est le cas pour Trump, montre l’incapacité des sondeurs à capter les phénomènes sociaux et politiques profonds. La crise des partis traditionnels, la forte polarisation sociale et le sentiment anti-establishment sont étroitement liés aux « perdants de la mondialisation » qui ont été les plus touchés par la crise depuis 2008.

Des franges entières de la population ont vu que pendant que se dégradaient leurs conditions de vie et se précarisaient leurs emplois, les Etats dépensaient des milliards de dollars pour sauver les grandes banques et les entreprises. Les gouvernements de droite comme les gouvernements sociaux-libéraux se sont chargés d’appliquer l’agenda néolibéral dans la décennie écoulée et sauver le système financier durant les 8 dernières années.

Cette communion, que Tariq Ali a défini comme « l’extrême-centre » a conduit à une chute de prestige généralisé du système général des partis, donnant lieu à de nouveaux phénomènes politiques. A gauche ont surgi les phénomènes néo-réformistes comme Podemos et Syriza en Europe, qui ont fini par s’intégrer rapidement au système traditionnel des partis, tandis que c’est l’extrême-droite qui a profité le plus de cette remise en cause globale de l’establishment politique et économique.

Si Sanders a exprimé aux Etats-Unis ces tendances aux phénomènes néo-réformistes, Trump est le reflet des tendances nationalistes, isolationnistes, protectionnistes et xénophobes que l’on peut voir dans les organisations d’extrême droite en Europe. Comme nous le disions dans cet article, « Le discours nationaliste et conservateur de Trump cherche à réaffirmer le vote républicain dans l’electorat majoritairement chrétien, concentré dans des zones non-métropolitaines, masculin, d’âge moyen, de niveau éducatif moyen ou bas, en particulier un secteur large de travailleurs du secteur industriel (les travailleurs en « col bleu »). »

L’un des principaux chevaux de bataille de Trump a été le rejet des accords de libre échange, que la majorité perçoit comme la cause du chômage et de la précarisation des emplois (un phénomène qui s’étend à toute la classe travailleuse et sur lequel Sanders s’est aussi appuyé pendant les primaires).

Cependant, la rhétorique qui a animé la campagne de Trump peut difficilement être traduite automatiquement en programme de gouvernement. En arrivant à la Maison Blanche, il va devoir négocier avec le parlement et avec son propre parti. Sa politique isolationniste s’affronte aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste américaine, qui est la principale défenseure des accords de libre échange. Ainsi, s’il est impossible que les Etats-Unis se déconnectent économiquement du monde globalisé, la première puissance militaire du monde ne peut pas non plus renoncer à ces intérêts géopolitiques sans affaiblir un peu plus son hégémonie.

Le tremblement de terre politique que signifie la victoire de Trump va être senti bien au-delà des frontières des Etats-Unis. Alors que le compte des votes n’était même pas terminé, les bourses chutaient en Asie et le dollar perdait de sa valeur, ce qui témoigne du malaise des marchés financiers.

Si aux Etats-Unis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche témoigne d’une polarisation sociale et politique majeure, et d’un approfondissement de la crise du bipartisme, les turbulences qu’elle va générer sur le plan international sont encore incertaines.


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