Pas d’interdiction mais des entraves policières à la manifestation
Alors que plusieurs interdictions de manifester individuelles sont tombées ces derniers jours –près d’une centaine – le gouvernement, plutôt que d’interdire purement et simplement la manifestation, a clairement mis en place une stratégie consistant à essayer par tous les moyens d’en restreindre l’accès par différents biais. La station Bastille, point de départ de la manifestation avait été fermée sur décision administrative, tout comme les stations de la ligne 5 jalonnant le parcours, entre Bréguet-Sabin et Place d’Italie. 2500 policiers ont été déployés. Un à deux contrôles était effectué pour chaque manifestant depuis les stations environnantes et depuis Gare d’Austerlitz où le passage était également rendu difficile par la présence et le blocage de la police. Dans la matinée, l’assemblée générale interprofessionnelle se tenant à la Bourse du travail de Paris en vue de préparer le cortège de l’après-midi a été envahi par la police, et ses participants bloqués sur place empêchant, de fait, leur venue en manifestation et leur défilé en tête de l’intersyndicale.Du gaz et des ballons
Pourtant, si l’intersyndicale a tout fait pour tenir la tête du cortège, une fois la manifestation démarrée, celle-ci s’est rapidement faite dépasser par une foule de plusieurs milliers de personnes – autonomes, étudiants, lycéens, cheminots, jeunes et moins jeunes salariés ; et beaucoup d’autres – qui, par une habitude désormais prise lors des derniers mois de mobilisation, se sont constitués comme l’avant-garde des manifestants. En dépit de quelques échauffourées et quelques charges de la police, le rassemblement, y compris à l’avant, s’est déroulé dans le calme. Moins de gaz, mais plus de ballons que de manifestants pour gonfler les rangs des cortèges syndicauxde la CGT d’abord et de Force Ouvrière ensuite. Parmi les rangs des fédérations d’Ile-de-France de la CGT, on comptait parmi les secteurs les plus visibles, l’automobile, avec notamment PSA-Poissy, Renault Lardy, mais aussi la fédération des mines et énergie.
« L’attitude du gouvernement est révélateur de sa faiblesse »
« Le mouvement contre la loi travail et Nuit Debout ont été le seul espoir de progrès social à l’heure actuelle »
Sur le chemin, en remontant les cortèges pour aller vers la tête de manifestation, on croise Sophie Tissier, intermittente et syndiquée à la CGT spectacle. Engagée dans la commission Média de Nuit Debout, elle s’est fait connaître pour avoir brandi un carton rouge sur un plateau télé commentant l’Euro de foot. « La liberté des médias est un enjeu clef ». Sophie en a fait les frais. Après avoir travaillé pour France Télévision et Canal Plus, elle s’est fait viré par D8, son ancien employeur. « Depuis que je me suis engagée, je suis black-listée ». Pour elle, l’accord du 28 avril sur le régime d’indemnisation des intermittents est un « piège ». « L’Etat va prendre en charge le déficit qui est pourtant inhérent à la branche. Nous, ce qu’on revendique, c’est la solidarité interprofessionnelle. On ne demande pas, par exemple, aux femmes enceintes de cotiser seules pour leur congé maternité. C’est absurde.Cet accord c’est clairement une mesure d’endormissement destinée à éteindre le mouvement des intermittents qui commençait à prendre forme en vue des festivals de l’été ».Thomas et Max défilent également dans le cortège de tête. L’un informaticien dans une PME, l’autre travaille pour un sous-traitant d’un grand musée parisien. Ils ont participé à plusieurs manifestations et à certaines assemblées générales de Nuit Debout. Travaillant dans des secteurs fragmentés, en l’absence de structure syndicale, c’est en tant qu’individu qu’ils viennent prendre part à la contestation contre la « loi travail et son monde ». Pour Max, Nuit Debout et le mouvement sont "le seul espoir de progrès social à l’heure actuelle". "Ça faisait longtemps que j’attendais qu’il se passe quelque chose, depuis 2006 et le CPE, auquel j’ai participé", ajoute Thomas. La démocratie représentative et le Front de gauche avec lequel ils entretenaient des affinités, ils n’y croient plus. « C’est un piège. On a bien vu avec Podemos et Syriza en Grèce que, dans le cadre institutionnel, on est bloqué ». Alors, en attendant, on rêve d’autres modes de vie – « pourquoi pas sortir de l’hydre et arrêter de la nourrir » - , d’un blocage de l’économie, voire d’une grève générale…
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