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Election présidentielle

Argentine. Face à la situation politique et au second tour des présidentielles : déclaration du PTS

Le 19 novembre prochain, le second tour des présidentielles argentines confrontera l'extrême-droite de Javier Milei au ministre de l'économie austéritaire Sergio Massa. Nous relayons ici la déclaration du PTS, membre du Front De Gauche – Unité, qui appelle à ne soutenir aucun des deux candidats pour construire une nouvelle force politique indépendante de gauche, de la classe ouvrière, anticapitaliste et socialiste.

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Argentine. Face à la situation politique et au second tour des présidentielles : déclaration du PTS

Les trois millions de voix recueillies par l’Union pour la Patrie [coalition péroniste de Massa] le 22 octobre s’expliquent principalement par le fort rejet et la crainte suscités par la campagne de la droite et de l’extrême-droite, incarnés principalement par Javier Milei, mais aussi, à un autre niveau, par Patricia Bullrich. Avec Mauricio Macri, celle-ci est devenue ces derniers jours le principal soutien de l’extrême droite. Une nouvelle preuve de l’hypocrisie du discours « anti-caste » de Milei, exprimant la tendance à son alignement sur l’establishment politique et les orientations de la droite la plus traditionnelle, telles qu’exprimées par le PRO [coalition de droite de Bullrich].

Dans les semaines précédant l’élection générale, le candidat de Libertad Avanza, Javier Milei, a clairement montré où son programme économique mènerait, en entraînant, par ses déclarations, des paniques bancaires et même le retrait de dépôts en pesos des banques. Son projet réactionnaire propose notamment la dollarisation de l’économie qui, si elle était mise en œuvre, entraînerait une forte baisse des salaires déjà réduits, et une plus grande dépendance du pays. Il propose la privatisation des chemins de fer, d’Aerolíneas [compagnie aérienne nationale] et d’autres entreprises d’État, ce qui signifierait des milliers de licenciements, s’ajoutant à la fermeture de divers organismes publics dans les domaines de la culture, de la science et de la technologie.

Son programme conduirait, également, à une généralisation de la misogynie et à un recul des droits des femmes et de la diversité sexuelle, notamment par la suppression de l’éducation sexuelle obligatoire afin de propager ses idées réactionnaires. Milei défend par ailleurs le génocide commis par la dictature argentine. Il a conclu des accords avec la pire bureaucratie syndicale, telle que Luis Barrionuevo, pour anéantir les acquis qui existent encore pour une grande partie de la classe ouvrière, qui, après la défaite électorale du 22 octobre, semble désormais l’abandonner. Tout cela a amené Milei à effacer complètement son image « anti-caste », au travers de laquelle il avait capitalisé la colère contre ceux qui gouvernent depuis des décennies, et à se ranger du côté de la politique traditionnelle de droite, incarnée par Macri et Bullrich.

A gauche, nous avons toujours dénoncé la droite incarnée par Milei. Nous l’avons combattue dès son apparition, sans la banaliser, en dénonçant son programme d’austérité néolibérale et son agenda politique-idéologique complètement réactionnaire et répressif. Pendant ce temps, le gouvernement en place la soutenait et lui donnait de la visibilité « pour diviser l’opposition ». Lorsque Myriam Bregman a qualifié Milei de « gentil petit chat du pouvoir économique », elle a mis en lumière sa véritable nature devant des millions de personnes lors des débats présidentiels. Myriam Bregman a également dénoncé son négationnisme du génocide, en portant haut le drapeau de nos 30 000 camarades tués, tandis que les autres candidats gardaient le silence.

Elle a également défendu les droits des femmes et des minorités, et dénoncé le consensus extractiviste, soulignant dans ses interventions que toutes les forces politiques capitalistes, d’une manière ou d’une autre, se soumettent aux directives du FMI et se rallient inconditionnellement à la politique criminelle d’Israël à l’encontre du peuple palestinien, qui provoque actuellement un véritable massacre à Gaza et en Cisjordanie.

Nous savons que des millions de personnes ont choisi de voter pour Massa afin d’empêcher la progression du projet politique, économique et culturel mortifère de Milei. Ils l’ont fait, dans de nombreux cas, en connaissant sa carrière politique, ses liens avec le pouvoir économique ou de ses positions de droite sur divers sujets, tels que « l’insécurité ». Seule la grande crainte de la victoire de Milei explique que de nombreuses personnes aient décidé de voter pour le candidat péroniste, qui est passé de 21% à 36,6 % des voix, avec une marge confortable sur le libertarien.

Le 19 novembre, le second tour aura lieu entre ces deux candidats, un scrutin appelé ballotage. Le ballotage est une institution réactionnaire créée par le Pacte d’Olivos entre Menem et Alfonsín en 1994 pour donner une majorité artificielle au futur président, dans le but de contraindre ceux qui ont choisi d’autres options à voter pour l’un ou l’autre candidat. Cela vise à renforcer le pouvoir exécutif afin qu’il puisse servir au mieux les desseins du capital.

En vue de ce second tour, de nombreux électeurs utiliseront probablement à nouveau leur vote pour empêcher une éventuelle victoire de l’ultra-réactionnaire Milei. Nous comprenons cette attitude, mais nous ne la partageons pas, car cela contribuera à renforcer une option contraire aux intérêts des travailleurs et au maintien de la soumission au FMI. Bien sûr, nous appelons à ne pas voter pour Milei, cependant, en tant qu’organisation d’extrême-gauche, nous ne pouvons apporter aucun soutien politique ou électoral à Massa.

En effet, Sergio Massa est aujourd’hui le principal responsable d’une politique d’austérité qui a profondément dégradé les conditions de vie de la grande majorité des travailleurs. Sous sa direction en tant que ministre de l’Économie, l’inflation a atteint des niveaux qu’on n’avait pas connus depuis plus de trois décennies, aggravant la chute du pouvoir d’achat, des pensions de retraite et des prestations sociales. C’est également Massa qui a mis en place, le 14 août, à la veille des primaires, une dévaluation de la monnaie officielle à la demande du FMI, puis a annoncé toute une série de mesures dans le cadre de la campagne électorale (montants fixes, remboursement de la TVA, quasi-élimination de l’impôt sur le revenu, etc.), qui n’ont pas réussi à inverser la perte accumulée au fil des années, tandis que l’inflation continue de grimper, réduisant les salaires et les pensions de retraite. Selon l’INDEC (Institut national de statistiques argentin) lui-même, après quatre ans de gouvernement péroniste, plus de la moitié des enfants et des adolescents vivent sous le seuil de pauvreté.

Il n’est pas anodin que le candidat du parti au pouvoir bénéficie aujourd’hui du soutien de la majorité des groupes et secteurs de la classe exploiteuse (l’AEA, les banques, le groupe Clarín, etc), qui estiment qu’avec lui et le péronisme, ils pourront garantir une « gouvernabilité » pour poursuivre leur programme d’austérité, de flexibilisation du travail, d’extractivisme, et continuer leurs activités lucratives face à ce qu’ils considèrent comme une « aventure » (Milei). Ce soutien s’étend même jusqu’à l’impérialisme américain lui-même, en raison des liens du ministre avec l’ambassade des États-Unis, ainsi que de vastes secteurs du pouvoir judiciaire et des médias. Mais ce soutien n’est pas gratuit, il se fait en échange de garanties que sera menée une politique précise à l’avenir.

Sergio Massa a été responsable de la légalisation au Parlement de l’infâme accord colonial avec le FMI, avec les votes de presque tous les députés et sénateurs de Juntos por el Cambio. Un accord qui, comme l’ont dénoncé les députés du FITU, a entraîné plus d’inflation et de difficultés pour les populations les plus vulnérables. Le problème n’est pas seulement la gestion du ministre/candidat. C’est aussi le projet politique qu’il propose. En reprenant le discours et le profil de Horacio Rodríguez Larreta, il a réitéré son engagement en faveur d’un « gouvernement d’unité nationale » avec ceux qui ont réprimé les enseignants et les peuples autochtones, tels que le gouverneur de Jujuy, Gerardo Morales, et « les secteurs du PRO, les radicaux et les libéraux », laissant ainsi la porte ouverte y compris à des membres du parti d’extrême-droite de Milei et Villarruel. Si Massa gagnait, il tenterait de former un gouvernement fort avec des secteurs de droite afin de mettre en œuvre le programme du FMI et du pouvoir économique, « un consensus de 70 % », comme l’a également proposé l’ambassadeur américain Marc Stanley.

La bureaucratie syndicale qui dirige la CGT et la CTA est responsable des nombreuses divisions au sein de la classe ouvrière aujourd’hui. Elle a laissé les salaires chuter sans lever le petit doigt et elle se positionne désormais comme un soutien important au projet réactionnaire, extractiviste et pro-impérialiste de Sergio Massa. Le candidat de l’UP a confirmé qu’il paierait jusqu’au dernier centime la dette illégitime et frauduleuse, ce qui se traduira inévitablement par de nouvelles dévaluations, des augmentations tarifaires et une inflation plus importante. La voie pour la payer consiste à approfondir une orientation extractiviste, en encourageant l’exploitation minière à grande échelle, l’agrobusiness et des projets polluants au service d’un petit nombre de grandes entreprises et de multinationales au détriment de l’environnement et des populations. Cela impliquera de nouvelles attaques contre les populations les plus vulnérables. Ce n’est pas un hasard si Massa s’en est déjà pris aux luttes des enseignants en défense de leur salaire.

C’est précisément pour toutes ces raisons que, tout en s’opposant de toutes nos forces à Milei, notre organisation qui participe à chaque lutte contre l’austérité ne peut pas soutenir Massa ni lui apporter un quelconque soutien au second tour. Au contraire, il faut se préparer à lutter aux côtés des travailleurs, des femmes et des jeunes contre chaque nouvelle mesure d’austérité, en faveur de la revalorisation des salaires et des pensions, contre la précarisation du travail et pour mettre fin à la domination du FMI.

Malgré la victoire importante de Massa, le péronisme uni a réalisé la pire élection présidentielle de son histoire. Il n’est pas fortuit que, au cours de ce gouvernement désastreux, des phénomènes aberrants aient émergé, tels que Milei lui-même, avec qui l’actuel gouvernement a collaboré pour constituer ses listes. Un phénomène démagogique qui s’est présenté comme une alternative de changement supposé pour des millions de personnes, qui n’ont vu au cours de ces années qu’une détérioration de leur niveau de vie sous les gouvernements kirchnéristes et macristes. Une fausse alternative pour des millions de personnes totalement abandonnées par la bureaucratie syndicale et les organisations sociales affiliées au parti au pouvoir.

Dans le nouveau paysage politique, Juntos por el Cambio a explosé, divisé entre une droite dure qui a été défaite et qui soutient maintenant Milei, et des secteurs qui se rapprochent de Massa. Ce genre d’approches a des précédents. Nous avons déjà vu comment, sous le gouvernement de Macri, une grande partie des groupes de députés et de sénateurs péronistes votaient en faveur des lois d’austérité et de cession que promouvait Cambiemos. Le spectacle qu’ils offrent face aux milliers de personnes qui peinent à joindre les deux bouts et luttent chaque jour est tout à fait lamentable. La classe politique négocie et saute d’un bord à l’autre de manière complètement obscène, tout en normalisant des cas comme ceux d’Insaurralde et de ’Chocolate’ Rigau [scandales de corruption visant des politiques et membres de l’administration péroniste].

Personne ne peut nier les valeurs et les principes défendus par la gauche révolutionnaire, qui s’oppose à tous les politiciens carriéristes au service de la classe capitaliste et à la décadence sans limites de son régime social et politique. En ce sens, comme l’a souligné Myriam Bregman lors du dernier débat présidentiel, le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS), en tant que membre du Front de Gauche – Unité (FIT-U), propose de construire une nouvelle force politique indépendante de gauche, ouvrière, anticapitaliste et socialiste.

Dans cette lutte, le résultat électoral que nous avons obtenu ce dimanche 22 octobre est un point d’appui, en recueillant 850.000 votes dans différentes catégories au niveau national. Nous avons également réussi à renforcer notre groupe de députés nationaux, avec l’entrée au Parlement de notre camarade Christian Castillo, dirigeant de notre parti, en tant que député de la province de Buenos Aires. Ainsi, le FITU disposera de cinq députés nationaux, ce qui en fera une voix essentielle pour les batailles à venir face à la crise et aux tentatives d’imposer l’austérité.

Notre combat est de mettre en place une nouvelle force politique, une alternative aux vieux partis et à ceux qui se présentent comme nouveaux, mais qui représentent la droite la plus rance. Une nouvelle force qui sera l’instrument politique des majorités ouvrières et populaires, qui ne pourront éviter la catastrophe qui nous menace que par une lutte totale, qui débouchera sur une grève générale.

Nous savons que très bientôt, nous nous retrouverons dans la rue avec des millions de personnes qui rejetteront les plans d’austérité. Afin de nous préparer à ces combats, nous proposons de nous organiser avec elles et eux sur les lieux de travail, d’étude et dans les quartiers populaires. Quel que soit le vainqueur, les temps seront difficiles et nous devrons nous battre, en proposant un programme de sortie de crise en faveur des grandes masses populaires, en attaquant les intérêts du grand capital et du pouvoir économique.

Nous devons construire une nouvelle force politique pour unir ceux qui sont au bas de l’échelle, pour lutter pour une nouvelle société sans oppression ni exploitation, pour un nouvel ordre socialiste construit à partir de la base. Où ceux qui n’ont jamais gouverné gouverneront : les travailleurs et les travailleuses.


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