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Moyen-Orient

Attaque contre l’Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Visant l’Iran, la réponse israélienne à l’attaque du 13 avril n’a fait aucun dégâts majeurs. Cette riposte graduée consolide la dissuasion d’Israël sans l’engager sur la voie de la guerre. S’alignant sur les Etats-Unis, Netanyahou revient à son objectif principal : la prise de Rafah et la guerre de Gaza.

Enzo Tresso

19 avril

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Attaque contre l'Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Crédit photo : Source IRNA.

Dans la nuit de vendredi, Israël a frappé quelques sites en Iran et en Syrie en réponse à l’attaque iranienne, samedi 13 avril. D’après l’IRNA, l’agence de presse d’Etat iranienne, des explosions ont eu lieu dans la région d’Ispahan, dans le centre du pays, à proximité d’une base de recherche nucléaire, sans faire « aucun dégât majeur » aux infrastructures du site. Une position radar du régime syrien, proche de l’Iran, a également été ciblée.

Alors qu’Israël avait menacé de répondre massivement aux frappes de Téhéran qui avait lancé plusieurs centaines de missiles et de drones depuis son propre territoire, dans la nuit de samedi à dimanche dernier, l’état-major semble ainsi avoir opté pour des frappes ciblées. Visant des objectifs militaires et frappant aux alentours de la base d’Ispahan, les forces israéliennes ont vraisemblablement choisi de répondre de manière limitée à l’attaque iranienne. Tandis que l’Iran avait choisi une riposte graduée à l’attaque qui avait causé la mort de plusieurs commandants des Gardiens de la Révolution, Israël semble avoir opté pour une réponse analogue.

Les modalités de l’attaque d’Israël restent cependant encore floues. D’après un dirigeant du Conseil suprême du Cyberespace, proche des Gardiens de la révolution, Israël n’aurait pas utilisé de missiles et aurait tiré des drones grâce à des « infiltrés depuis le territoire iranien ». Visant la périphérie de la base d’Ispahan, sans toucher directement le complexe, et une position proche d’une raffinerie à Tabriz, au nord-ouest du pays, les tirs israéliens n’ont fait aucun dégâts majeurs. Limitée, l’attaque réaffirme ainsi les capacités d’action de l’armée et des renseignements israéliens sans faire de victimes et rétablit la dissuasion de manière proportionnée.

Une partie de l’état-major israélien militait pourtant pour une attaque d’ampleur comme Benny Gantz qui proposait de frapper l’Iran alors que l’attaque iranienne était encore en cours. Ben-Gvir avait appelé, dans les jours qui ont suivi, à devenir « fou » et militait pour une « attaque écrasante » contre l’Iran. Il semble ainsi que Netanyahou se soit aligné sur les positions de Joe Biden qui avait affirmé que les Etats-Unis ne soutiendraient ni n’approuveraient une attaque contre l’Iran. Alors qu’Israël menaçait de précipiter l’Iran dans la guerre et de contraindre les Etats-Unis à réinvestir militairement la région, l’attaque limitée témoigne des contradictions auxquelles fait face Netanyahou, tant sur la scène régionale que sur le plan intérieur. Parce qu’Israël ne pourrait s’engager dans une guerre contre l’Iran sans le soutien vital de ses alliés impérialistes, le risque d’une escalade régionale a permi aux Etats-Unis de Joe Biden de retrouver des capacités de pression sur Israël et d’adopter le visage d’un « faiseur de paix », à l’orée des élections présidentielles.

Les attaques iraniennes avaient en effet permis à Israël de rétablir partiellement son image de « pays agressé » et de rompre son isolement régional et international. Bénéficiant de la collaboration active des pays arabes, le pays avait détourné l’attaque grâce à l’assistance des pays impérialistes et des Etats limitrophes dans les opérations d’interception des projectiles iraniens. Netanyahou fait ainsi le choix de conserver les gains tactiques qu’Israël a accumulés en une nuit. En outre, jouant de la menace d’une riposte massive contre l’Iran, il a pu faire levier sur les Etats-Unis et obtenir leur accord hypothétique pour l’invasion de Rafah en contrepartie de ne pas lancer une attaque d’ampleur contre l’Iran.

L’attaque israélienne met toutefois le gouvernement iranien dans une situation difficile. Après avoir tenté d’imposer une nouvelle stratégie de dissuasion, la « nouvelle équation » du général Baqeri, plus haut gradé de l’armée iranienne, semble déjà avoir été enterrée [1]. Alors que l’Iran avait, pour la première fois, attaqué le territoire israélien et, refusant de déléguer ses opérations aux multiples proxies du soi-disant « axe de la résistance », assumé de répondre directement à Israël, l’état-major du régime réactionnaire avait annoncé sa ferme volonté de répondre de manière massive en cas de riposte israélienne.

Si cette nouvelle doctrine impose, en théorie, à Téhéran de répondre, le régime iranien semble tout faire pour minimiser l’attaque et ne pas riposter : la télévision d’Etat a dépêché ses journalistes près d’Ispahan pour filmer les habitants vaquant à leurs occupations quotidiennes et ne diffuse pas l’information tandis que l’état-major iranien se félicite de « sa vigilance » et de l’interception de certains drones et ne fait pas mention d’une attaque étrangère. L’agence iranienne Tasnim a ainsi indiqué qu’il n’y avait « aucune information faisant état d’une attaque de l’étranger contre la ville centrale d’Ispahan ou toute autre partie du pays contrairement aux rumeurs et aux affirmations faites par les médias israéliens ».

La réponse israélienne ouvre ainsi sur de nouvelles contradictions. Si les tensions persistent, une réponse iranienne ne semble pas à l’ordre du jour. En choisissant de ne pas frapper massivement l’Iran, Netanyahou réaffirme son objectif principal, la guerre à Gaza et la prise de Rafah, et montre sa bonne volonté aux Etats-Unis en renonçant temporairement à entrer en guerre avec l’Iran. Si le risque d’une conflagration régionale ne peut pas être écarté, le bouclier médiatique offert par le conflit irano-israélien ne doit pas détourner notre regard des massacres commis dans l’enclave de Gaza et du sort des Palestiniens réfugiés à Rafah qu’une invasion rejetterait sur les routes de l’exil.


[1Pierre Ramond, « Pourquoi l’Iran a attaqué Israël ? Comprendre la doctrine de la “nouvelle équation” », Le Grand Continent, 14 avril 2024, lire ici.



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