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Offensive sécuritaure

« Couper les réseaux sociaux » en cas de révoltes : Macron prépare l’offensive contre les futures mobilisations

Mardi, devant les maires rassemblées à l’Elysée, Macron a appelé à réfléchir à des mesures pour « couper les réseaux sociaux » en cas de révolte. Un ballon d’essai pour préparer des mesures de censure politique ciblées, à la suite des lois liberticides du premier quinquennat.

Joël Malo

5 juillet 2023

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« Couper les réseaux sociaux » en cas de révoltes : Macron prépare l'offensive contre les futures mobilisations

Crédit Photo : Twitter Emmanuel Macron

La révolte des quartiers populaires a été l’occasion d’une répression à très grande échelle et d’une brutalité peu commune. Le gouvernement se prépare à une offensive sécuritaire très importante : élargissement des pouvoirs de police, renforcement des peines pénales pour les jeunes, et même censure des réseaux sociaux. C’est en effet ce qu’a annoncé Emmanuel Macron mardi devant les 200 maires qu’il a réunis à l’Elysée : « Nous avons besoin d’avoir une réflexion sur les réseaux sociaux, sur les interdictions qu’on doit mettre. Et quand les choses s’emballent, il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper. »

À l’école des régimes autoritaires

Cette annonce a fait un tollé. Il faut dire que même pour une démocratie bourgeoise comme la Vème République dans laquelle les droits démocratiques sont passablement écornés, s’inspirer des méthodes des ayatollah iraniens, de Poutine ou de Xi Jinping fait mauvais genre. En règle générale, la France laissait ce genre de basse besogne à ses néo-colonies africaines : en cas de révolte, les réseaux sociaux sont coupés et la police et l’armée, formés et équipés par le pays des droits de l’homme, ont alors tout loisir pour réprimer dans le sang les opposants politiques.

De la NUPES à LR, la sortie de Macron a été unanimement condamnée. Seule voix discordante : Fabien Roussel ! Tellement habitué à faire le caniche devant les injonctions du ministère de l’Intérieur pour condamner tout ce qui bouge, il avait déjà pris position en faveur le 1er juillet en faveur d’un « couvre-feu des réseaux sociaux » plutôt qu’ « un couvre-feu sur la population »…

Face aux maires, Macron a poursuivi à propos d’une éventuelle coupure des réseaux sociaux : « Il ne faut surtout pas le faire à chaud, et je me félicite qu’on n’ait pas eu à le faire [...] Mais je pense que c’est un vrai débat que l’on doit avoir, à froid. » Mais la censure des réseaux sociaux a déjà été mise en place de fait depuis le début des émeutes. La plate-forme gouvernementale Pharos aurait ainsi, selon les données du ministère de l’Intérieur, « notifié 210 demandes effectuées par la police judiciaire concernant le retrait de différents contenus incitant à la violence » rapporte Le Figaro.

Pire, le 30 juin, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, ministre du Numérique, ont convoqué les plateformes afin de les pousser à « s’engager activement pour retirer instamment les messages qui leur sont signalés » et à « répondre promptement aux réquisitions des autorités administratives et judiciaires ». Ainsi des milliers de contenus et des centaines de comptes auraient été supprimés tandis que, selon le ministre du Numérique, les plateformes « ont toutes pris un certain nombre de mesures pour éviter que les paramètres de leur fonctionnement (...) qui peuvent conduire par la viralité à une amplification de la violence, s’atténuent ».

Des mesures qui s’apparentent au shadowban qui avaient déjà été mis en place par plusieurs réseaux sociaux à l’encontre du mouvement Black Lives Matter qui avait ébranlé les États-Unis et la planète. Les contenus ne sont pas supprimés mais invisibilisés, leur diffusion étant largement réduite. Ces pratiques ont de fait déjà touché de nombreuses pages militantes, comme Nantes Révoltée (devenue Contre Attaque), notamment au cours du mouvement des Gilets jaunes.

Lors des révoltes, des pages militantes ont ainsi reçu des avertissements, à l’image de CQFD, journal libertaire dont des posts ont été censurés par Twitter.

Le Nouveau Parti Anticapitaliste a également reçu de telles menaces.

Le ministère de l’Intérieur a même directement contacté des pages pour demander de publier des appels au calme. C’est le cas du media Cerfia, dont le directeur adjoint a affirmé que les services de Darmanin lui ont demandé de « calmer un peu les choses . Ils nous ont demandé notre soutien pour faire passer un peu les bonnes infos et apaiser la situation ».

Finalement, ce mercredi soir, d’après Taha Bouhafs, c’est même le compte Instagram « Justice et Vérité pour Nahel » qui a été suspendu.

Un ballon d’essai pour attaquer la liberté d’expression

Dans les faits, Emmanuel Macron ne devrait pas vraiment essayer de faire entrer dans le droit commun la possibilité de couper les réseaux sociaux, même en cas d’émeute. L’expérience de régimes dictatoriaux prouve que la méthode est facilement contournable et, en définitive, peu efficace. En revanche, avec cette déclaration choc, Macron veut faire passer en douceur des mesures qui apparaissent en comparaison plus « soft » et avancer dans la criminalisation et la censure des contenus postés en ligne, et notamment de ceux qui appellent à se révolter contre les violences policières et le système capitaliste dans son ensemble. Rappelons que des appels à « détruire le capitalisme » ont notamment motivé la dissolution du groupe anarchiste Le Bloc Lorrain. La loi « séparatisme » avait déjà permis d’avancer sur la criminalisation des pages qui ne modèrent pas les commentaires déposés par des utilisateurs. Cela a permis de justifier la procédure de dissolution, suspendue depuis,du Collectif Palestine Vaincra.

Hasard du calendrier, Laetitia Avia, ancienne député macroniste, a été condamnée ce mercredi 5 juillet à six mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité en raison du harcèlement moral qu’elle a fait subir à ses assistants parlementaires. Elle était également l’autrice d’un projet de loi, dite « loi Avia », qui menaçait tout site internet de lourdes sanctions financières ou de blocage s’il ne supprimait pas dans les 24 heures un contenu estimé illicite par la police ! Adoptée au Parlement, cette loi a été largement censurée par le Conseil constitutionnel, c’est dire ! Le ministre du Numérique a donc mis en place un groupe d’étude transpartisan au Sénat afin d’étudier les prochaines mesures liberticides à prendre. Olivier Véran a commencé à évoquer sur France Inter l’hypothèse, sinon d’un blocage total des réseaux sociaux sur ordre du gouvernement, au moins de certaines fonctionnalités comme la géolocalisation.

Derrière chaque annonce du gouvernement des jours passés et à venir se trame une offensive sécuritaire d’ampleur. S’associer à la condamnation des révoltes et du traitement judiciaire d’exception qui est la règle pour les jeunes des quartiers populaires, c’est dérouler le tapis rouge à cette offensive. A l’inverse, les organisations du mouvement ouvrier, politiques, syndicales, associatives doivent faire bloc contre le gouvernement, contre les violences policières et le racisme d’Etat, et contre toute attaque répressive à venir. Cela commence par imposer une démonstration de force lors des prochaines échéances, le 8 juillet pour l’anniversaire de la mort d’Adama Traoré et le 15 juillet à l’appel de la Coordination Nationale contre les Violences Policières


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