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Bientôt interdite dans les documents administratifs ?

Croisade réactionnaire des député·es LREM et LR contre l’écriture inclusive

Le député LREM de l’Indre, François Jolivet, soutenu par une soixantaine de député·es de la majorité et de l’opposition, a déposé ce mardi une proposition de loi pour interdire l'écriture inclusive dans les documents administratifs.

Nima Santonja

26 février 2021

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Qu’inclut-on dans l’écriture inclusive ?

L’écriture inclusive, aussi nommée langage épicène, peut avoir de multiples formes, avec pour objectif de lutter contre le sexisme inhérent à la langue française, et arrêter d’invisibiliser le féminin, et les femmes, dans les écrits. En effet, la langue écrite en France, a été l’objet de batailles conséquentes, où le patriarcat a souvent gagné, comme par exemple la disparition de la féminisation de nombreux métiers (comme à la création de l’Académie Française, par Richelieu, machiste notoire. C’est seulement depuis quelques années que la langue écrite commence à inclure et ré-inclure le féminin et les femmes dans ses termes générique, par le biais de plusieurs pratiques :

  •  La réutilisation des emplois au féminin -> Autrice.
  •  Énumérer féminin et masculin à la suite -> Travailleuses, travailleurs.
  •  L’utilisation du point médian pour juxtaposer les deux accords -> Étudiant·e·s.
  •  La fusion de certains termes habituellement doubles -> Celleux, Toustes…
  •  L’utilisation de termes génériques non genrés -> Les droits Humains à la place des Droits de l’Homme.

    On peut noter que plusieurs mairies ont déjà mis en place cette pratique, sans grand scandale, comme la mairie de Paris ou celle de Lyon. L’écriture inclusive est aussi apparue dans un livre scolaire aux éditions Hatier en 2017, provoquant le désaccord de Jean-Michel Blanquer ainsi que l’indignation de la droite de LREM et toute la frange réactionnaire de la politique.

    Photo : Extrait d’un manuel scolaire aux éditions Hatier (2017)

    Une écriture qui divise, un débat d’hypocrites

    C’est donc une nouvelle tentative de maîtriser la langue au service de leur idéologie réactionnaire que porte le député LREM François Jolivet, rejoint par des députés de droite soucieux de freiner cette pratique du langage inclusif, en souhaitant l’interdire dans les documents administratifs. Les arguments habituels, comme le fait que la langue n’est pas sexiste, que les mots ne sont pas genrés, sont aisément contrés par de nombreuses et nombreux spécialistes de la langue et de son impact en terme de représentations psychologiques et de structures sociales, qui continuent de pointer le fait que la langue favorise une représentation masculine de la réalité, ainsi que de la supériorité du masculin sur le féminin (ou de l’infériorité du féminin de manière générale).

    Mais un nouvel argument apparaît autour du langage inclusif, celui de l’illisibilité pour celles et ceux qui auraient des handicaps, ou qui auraient des difficultés d’écriture. Un argument suprêmement hypocrite de la part de celleux qui n’avancent en général aucun programme pour les handicapé·es, votent contre les lois visant à améliorer leurs conditions de vie, aggravent leurs conditions de vie par des réformes économiques brutales et dont les forces de l’ordre violentent régulièrement ces mêmes personnes. De surcroît, ces mêmes politicien·nes réactionnaires sont toujours contre toute réforme visant à simplifier l’écriture de la langue française, qui seraient salutaires pour les étudiant·es en difficulté, pour les personnes handicapé·es ou même les étudiant·es étrangères et les populations immigrées peinant à survivre sur le sol français.

    De toutes les manières, l’écriture inclusive ne changera pas grand chose au mille-feuille administratif français des mairies ou des universités, on l’imagine bien… Ce débat est, au fond, un vague faux-débat qui permet aux réactionnaires de tout poil d’occuper l’espace politique. En effet, la langue évolue d’abord de manière autonome, avant d’être éventuellement régulée par des instances gouvernementales, et il est difficile d’imaginer, non seulement l’aboutissement d’un tel texte de loi - le gouvernement ayant déjà exprimé le fait que la population avait plus important à faire en temps de crise et de pandémie que de débattre de l’écriture inclusive et de ses formalités, mais aussi la disparition pure et simple de cette utilisation de l’écriture inclusive, son utilisation étant de plus en plus commune finalement. Le langage devrait, finalement, appartenir à toutes et tous.

    S’il est vrai que des changements formels de la langue n’auront pas de grande conséquences sur les conditions matérielles des femmes dans le monde, la lutte pour l’égalité dans la vie réelle pour les femmes du monde entier, ainsi que pour leurs droits humains démocratiques fondamentaux, continue d’exister et de nécessiter des combats politiques par la rue et l’auto-organisation. À l’approche du 8 Mars, ne laissons pas les réactionnaires prendre toute la place du débat public et balayons leur hypocrisie pour faire entendre la voix de toutes et tous les opprimé·es et les exploité·es.


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