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Le pari perdu d'Hollande

Déchéance d’autorité : passer à la vitesse supérieure contre Hollande et sa réforme du travail

Ce mercredi 30 mars, François Hollande a annoncé renoncer à la constitutionnalisation de l'état d'urgence et de l'extension de la déchéance de nationalité, suite à la modification de l'article 2 ouvrant la dite déchéance au mono-nationaux. Une véritable déroute politique qu’il faut mettre à notre profit pour infliger à Hollande et à son gouvernement une défaite sur l’état d’urgence et la loi Travail. Julian Vadis

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« J’ai décidé de clore le débat constitutionnel mais je ne dévierai pas des engagements que j’ai pris pour assurer la sécurité du pays » a ainsi déclaré le président de la république ce mercredi. C’est donc la fin d’un combat politique de plus de 4 mois, qui avait vu l’ensemble de la gauche - des frondeurs à l’extrême gauche - critiquer fortement ces mesures issues et empruntées au Front National.

Un débat truffé de paradoxes

François Hollande a lancé une pique à l’opposition de droite. « Une partie de l’opposition est hostile à toute révision constitutionnelle. Je déplore profondément cette attitude. » En effet, le Sénat, à majorité de droite, a renvoyé devant l’Assemblée Nationale un texte modifié limitant la déchéance de nationalité au binationaux, excluant donc du processus les mono nationaux. La raison invoquée étant qu’un tel dispositif créerait des situations où des personnes deviendraient tout simplement apatrides.

On tient là un véritable paradoxe. Les positions ont en effet été extrêmement fluctuantes sur le sujet, où nombre de députés de gauche dénonçant les « dangers » de l’apatridie, avant de se ranger derrière la ligne dure prônée par le tandem Valls / Hollande. Du côté des Républicains, le phénomène a été inverse, avec un lot de déclarations jugeant que le texte n’allait pas assez loin - on se souvient de la déclaration de Laurent Wauquiez, numéro 3 du parti de droite, appelant à la création de « centres d’internement » pour les terroristes ou « potentiels » terroristes - et qui aujourd’hui tient une position quasi-inverse. Un imbroglio difficile à suivre, mais qui cache en fait des réalités différentes. A l’intérieur du PS, les uns se sont, en dernière instance, rangés aux côtés du gouvernement, suite aux énormes pressions du tandem Hollande-Valls, à droite, alors même qu’ils en rêvaient, ce sont les nécessités électorales d’infliger une défaite à Hollande qui ont pris le pas.

Se couper de la gauche pour capitaliser sur le terrain de la droite, le pari perdu de Hollande

En bon "chef de guerre", le président, à une guerre par an, a été l’architecte de sa propre défaite sur le terrain politique. S’il est sûr que la droite républicaine ne sait pas trouver des valeurs "de gauche" par un coup de baguette magique, et que les positions adoptées par le Sénat sont avant tout une manœuvre politique, les raisons de cet abandon de la constitutionnalisation de l’état d’urgence et l’extension de la déchéance de nationalité trouvent leurs réelles causes ailleurs. En vue de 2017, Hollande a avant tout décidé d’accélérer le tournant bonapartiste de l’Etat français. Les faits lui ont, en novembre dernier, et devant un parterre de politiciens verreux rassemblé à Versailles et acquis à sa cause sous fond d’unité nationale, donné raison dans un premier temps. Cependant, la chasse aux électeurs de droite, en durcissant le ton et en introduisant des pans entiers du programme du Front National dans les mesures proposées ont, dans un premier temps, cristallisé les tensions à la gauche du PS, sectionnant de fait les liens avec un potentiel soutien.

Cet isolement même s’il apparait conscient de la part de Hollande révèle notamment un ensemble de contradictions. L’annonce de la déchéance de nationalité résultait de décisions prises sur le vif, d’un gouvernement au plus bas dans les sondages, qui après les attentats meurtriers de novembre, et une « union nationale », qui n’a duré qu’un temps, voyait ici la capacité de couper l’herbe sous le pied de la droite, tout en comptant la violence des attentats, sur le soutien de sa gauche. Mais quatre mois ont passé, et Hollande se voit désormais coupé de sa gauche, mais aussi et surtout de sa base électorale, et sans allié sur la droite. Hollande, notamment sur la déchéance de nationalité, est allé trop loin, repoussant mois après mois l’échéance, dans l’inertie de sa décision au Congrès de Versailles, le jour des attentats.

Ainsi, « c’est tout le paradoxe de cette histoire. C’est la droite qui empêche la gauche de faire voter une mesure de la droite extrême », résume Emmanuel Maurel, leader de l’aile gauche du PS. Dans cette situation, Hollande tente finalement de limiter les frais en choisissant de mettre un terme au bras de fer et de se "réconcilier" avec sa gauche, alors que la contestation sociale gronde contre un autre projet, la loi El Khomri, qui risque de rassembler beaucoup de monde dans les rues ce 31 mars. « La gauche manifeste contre la gauche. Dans les cortèges, il n’y a pas forcément nos électeurs du premier tour, mais assurément ceux du second tour » synthétise ainsi un proche de François Hollande.

Mettre en déroute le gouvernement sur l’état d’urgence et la loi El Khomri

Si, en soi, l’abandon de la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité est une bonne nouvelle, le mal est déjà fait notamment en ce qui concerne la stigmatisation des étrangers, notamment des musulmans tandis que les déclarations de Hollande en matière sécuritaire soulignent l’importance de continuer la bataille. En effet, l’état d’urgence est toujours en vigueur et la militarisation de l’espace public toujours d’actualité. De plus, les exemples de violences policières en ce début de mobilisation contre la loi El Khomri rappellent avec force que ce couac politique, s’il aura des conséquences, ne règle en rien les questions répressives qui touchent les masses populaires et les personnes mobilisées dans la phase de lutte des classes qui s’ouvre.

Néanmoins, il est incontestable qu’après cette gifle politique, Hollande et son gouvernement sont plus affaiblis que jamais. En effet, avec ces renversements de situations et ses paradoxes, la période de 4 mois qui vient de s’écouler à ébranler, a fissuré, la base sociale politique même de François Hollande. Et ce qui est sûr, c’est que cette reculade n’est pas forcément du goût de tous. Pire pour Hollande, la loi El Khomri, sa philosophie du « licencier pour embaucher », et la mise à l’écart - bien que ce « bug » ait été rapidement corrigé ... - de la CFDT dans le processus a ajouté de l’instabilité à l’instable. Une journée réussie ce jeudi, qui pourrait aboutir au retrait de la loi travail, hante les cauchemars de l’exécutif qui se verrait infligé une nouvelle défaite cinglante.


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